L’actualité de cette semaine est dominée par un
coup d’éclat. Le président angolais a exprimé officiellement son intention de quitter la
politique... active en 2018. Lorsque cette information est tombée, je me suis rappelé
que dans une de mes analyses publiées sur ce blog, je vous avais vivement conseillé
de ne pas sous-estimer la capacité du président Dos Santos de retourner les
situations défavorables en sa faveur. Cette fois, il a pris soin, comme lui
seul sait le faire, de ne pas mettre ses proches dans la confidence pour que
l’effet de surprise soit réel. Et croyez-moi, il a réussi. Il fallait voir la
tête de tous ceux qui gravitent autour de lui quand la bombe est tombée ; émotionnellement,
ils avaient paniqué. C’est exactement comme quand un père réfléchit, à voix
haute, à la possibilité de confisquer le jouet de son enfant qui fait du bruit
dans la chambre à côté. L’enfant se sent menacé, prend peur et se renferme sur
lui-même. C’est pareil pour les hommes du président, ils vivent dans la peur
qu’un jour il les lâche: ce sera la fin des privilèges. Pourtant, ce qu’ils ont toujours appréhendé est, vraisemblablement, arrivé. C’est au cours de la dernière réunion
du comité central de son parti que le chef a annoncé sa sortie de la vie
politique… active. Dans la salle, le
silence était étouffant. Le président était-il en train de faire une blague ou
parlait-il sérieusement. Apparemment, oui. Mais pourquoi en 2018 ? Pourquoi pas en
2019, 2020, 2021 ou 2022 ? Pourquoi 2018 ? Réfléchissons un peu
ensemble. Je sais que c’est un exercice
que vous n’aimez pas beaucoup, mais pour une fois faites un effort.
Nous savons tous qu’avec l’âge le
président a quelques problèmes de santé. D’ailleurs, je vous en avais parlé
dans un de mes blogs. Est-ce que ses médecins
lui ont recommandé de lever le pied pour se ménager ? Y a-t-il derrière
son annonce des intentions inavouées que lui seul connait ? Selon le calendrier
officiel, les élections législatives en Angola sont marquées pour le mois d’août
2017. Si le président veut vraiment quitter la scène politique… active, il
aurait dit d’une manière claire aux membres de son comité central qu’il ne
serait pas tête de liste du parti au scrutin de 2017. Cela aurait ouvert le
débat à l’intérieur du parti pour désigner démocratiquement la personne la
mieux indiquée pour conduire la liste du parti aux prochaines élections. Mais non, il a préféré,
comme à ses habitudes, créer le flou et installé le doute dans les esprits. Sous
d’autres cieux, un congrès extraordinaire serait convoqué pour éclaircir la
situation. Mais le parti du chef n’est pas comme les autres. Au chef, on voue
un culte exceptionnel. Pour le confirmer, le comité central l’a entériné dans
ses fonctions de président jusqu’au prochain congrès, cela suppose qu’il sera
tête de liste aux élections de 2017. S'il
est réélu, ce qui est certain, sinon il n’aurait pas monté ce scénario, il promet
de partir l’année suivante. A quel moment compte-t-il partir ? Une année compte
douze mois. Partira-t-il au mois de janvier ou au mois de décembre de
2018 ? Constitutionnellement, son départ posera un problème puisque
l’article128 alinéa2 dit : si le
président de la République abandonne ses fonctions, cela entrainera la dissolution de l’Assemblée nationale et
l’organisation des élections anticipées dans les 90 jours. L’Angola a-t-il
la capacité financière, en ce temps de crise, d’organiser deux scrutins de cette
importance en l’espace de quelques mois ? J’en doute fort. Cela me fait
dire, à la lumière de ces deux éléments, que son remplacement par le vice-président
n’est pas chose acquise. Alors, dans ce cas pourquoi abdiquer au milieu d’un
mandat ? Bizarre, non ? En tout cas, cette interrogation a conduit
beaucoup d’observateurs de la politique angolaise à exprimer leur scepticisme
quant à la sincérité du président angolais, c’est une mascarade disent-ils. Une
trame juste pour déplacer le débat qui s’est trop focalisé sur les 15+2 et la
crise économique que traverse le pays. Une fuite en avant pour démasquer les « ambitieux »
qui se cachent au sein de sa famille politique et qui voudront prendre sa place,
affirment d’autres. Notez en passant que l’ambition n’est pas permise au sein
du parti des camarades. Les nombreux premiers ministres qui ont gouverné avec
Dos Santos savent de quoi je parle.
Mais revenons à notre exercice de
réflexion. Nous avons vu que l’article128 alinéa2 de notre constitution rend la
situation créée par Dos Santos très compliquée.
Dans ce cas, envisageons la possibilité de reporter les élections de 2017 à
l’année suivante. Cela correspondrait exactement aux désirs du président
angolais dont le mandat, dans ce cas de figure, s’achèverait en 2018.
Seulement, peu d’Angolais souhaitent voir reporter les élections de 2017. Et
vous, croyez-vous que cette possibilité est envisageable ? Sinon, nous
pouvons examiner une troisième hypothèse : le Mpla choisit un autre
candidat pour les élections de 2017 pendant que Dos Santos préside le parti. A
l’issue du scrutin qui sera, de toute évidence, gagné par le Mpla, le président
cessant prépare la transition pour une passation de pouvoirs apaisée. C’est
plus plausible, non ? Sinon pourquoi voter pour un candidat qui va quitter
le pouvoir au bout de quelques mois ? A moins que, comme pensent les plus
suspicieux d’entre nous, l’annonce du
chef ne soit qu’un mensonge. Ce n’est pas la première fois qu’il nous fait le
coup. Vous savez ce qui va suivre maintenant ? Le 2° acte du scénario :
les manifestations d’appui au président. Les pionniers, les jeunes, les mères,
les militants et j’en passe vont défiler dans les rues de Luanda pour
manifester leur attachement au président. Sur les pancartes, on lira :
« Dos Santos amigo, o povo está contigo ». Aux yeux de l’opinion
internationale, ces manifestations apparaitront comme un cri du peuple en
faveur du maintien au pouvoir de son idole. C'est très bien monté, non?
Je reconnais qu’il n’est pas
facile dans une situation de cette nature de se forger une opinion, mais pour
une fois faites un effort.
Eduardo Scotty Makiese.