mercredi 7 octobre 2020

Général Lourenço, 3 ans après : un bilan en demi-teinte.

Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. À l'époque de José Eduardo dos Santos, la corruption était élévée au niveau d'une institution. Comment en sommes-nous arrivés là? C'est la théorie de "l'Accumulation primitive du capital", mal comprise et mal appliquée par les dirigeants du Mpla, qui nous a conduit à cette catastrophe. Sous Eduardo dos Santos, cette fameuse théorie s'est apparentée à un pillage sauvage des fonds publics du pays. Nous avons assisté, abassourdis, au déferlement d'une puissante lame sur les fonds de l'État. Une lame qui a emporté presque tout sur son passage. Parmi ceux qui ont profité de ce déferlement, il y a beaucoup de généraux de l'armée angolaise, tous membres du Mpla. Et comme il est souvent difficile de scier la branche sur laquelle on est assis, le Général président, malgré son apparente bonne volonté et sa légitime intention de récupérer les fonds cachés dans des banques étrangères, n'arrive pas à defaire le noeud de la corde qui étrangle le Mpla.  Qu'à cela ne tienne.   

27/09/2017 - 27/09/2020, à deux ans de la fin de son mandat, le bon sens nous recommande de faire un bilan. D'autres observateurs avisés ont déjà eu à publier récemment un inventaire global des trois ans de João Lourenço. Mais l’opinion publique attend que JLo, dans son discours sur l'état de la Nation, fixe définitivement les Angolais sur les resultats obtenus au bout de trois années de pouvoir, très précisément ceux sur la lutte contre la corruption.

La société civile comme l’opposition politique pensent, elles aussi, qu’il est temps d'évaluer les résultats de la politique de lutte contre la corruption, qui a été déclarée comme un objectif fondamental par le Président de la République. De l'avis de certains Angolais, ce bilan est à la fois positif et négatif. C'est positif car il a en fait lancé une politique étatique de lutte contre la corruption. Il y a quatre ans, il aurait été impensable, celui qui émet un doute à ce sujet peut être considéré comme quelqu’un souffrant de folie profonde, que l’État confisque à Isabel dos Santos ses entreprises et que cette dernière soit au centre d'une affaire pénale; que José Filomeno dos Santos ait été condamné à cinq ans de prison, et le gendre d'Agostinho Neto, Sâo Vicente, soit détenu, ou qu'Augusto Tomás ait écopé d’une peine de prison effective. Dans le même temps, des enquêtes criminelles sont ouvertes quotidiennement sur les activités de corruption les plus diverses, de Moxico à Uige. Tout cela est nouveau. Même Kopelipa et Dino, deux généraux intouchables, sont invités pour explications au bureau du Procureur. 

Conclusion: la lutte contre la corruption est réelle. Même si apparemment les autorités veulent faire croire à l’opinion qu’elle n'est pas sélective, et qu’il y a clairement eu un changement de paradigme dans l'action judiciaire. Avant, c'était les dénonciateurs d'actes de corruption qui se retrouvaient devant les tribunaux accusés de diffamation et de calomnie. Désormais, ce sont les “dénoncés” qui commencent enfin à répondre de leurs éventuels actes. Il ne fait donc aucun doute que des changements sont en cours et que la lutte contre la corruption progresse dans la bonne direction.

Cependant, la procédure mise en place pour lutter contre ce mal n'a pas généré des résultats vraiment apparents et son application soulève des doutes sur l'efficacité des méthodes utilisées. Nos observations nous indiquent que parmi les «gros dossiers», seul Augusto Tomás est condamné à purger une peine de 8 ans. Il est effectivement le seul prisonnier incarcéré pour corruption dans les geôles de Sâo-Paulo. Oui, le seul. 

L'affaire de José Filomeno dos Santos a fait l'objet d'une décision de juridiction inférieure, étrangement trop indulgente pour la famille Santos. Quant à Isabel dos Santos, elle n'a même pas encore été accusée, et de sa base londonienne, elle s’amuse gaiement à vilipender les actions de João Lourenço. En ce qui concerne Carlos São Vicente, le bureau du procureur général (PGR) ne s’est penché sur son cas qu'après une grosse frénésie médiatique sur la facture de 900 millions. Jusque-là, il était inconnu du public et personne ne parlait de lui. N’eussent été les vociférations de son épouse, Irène Neto, un silence complice aurait entouré l’affaire. 

Sur le plan pratique, depuis le début de cette lutte contre la corruption, nous ne cessons de souligner que l’utilisation d’anciennes institutions judiciaires, mal préparées et attachées aux pratiques du passé, n’était pas une solution. La corruption en Angola, en raison de son ampleur, est un problème politique et économique, de nature systémique, qui doit être traité de manière globale. Pour le dire autrement, ce n'est pas avec un processus ici, un processus là-bas, institué par le PGR et allant devant les tribunaux ordinaires, que la corruption sera vraiment combattue. Une voie appropriée doit être mise en place, un système mondial de lutte contre la corruption, qui permet de mener des enquêtes, des poursuites et des jugements de manière intégrée, indépendante, globale et rapide. Et vous, qu'en pensez-vous?

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Eduardo M.Scotty.  

Source: makaangola