jeudi 31 décembre 2020

Général Lourenço: les raisons de sa chute dans l'opinion.


L'année 2020 qui se termine ce jour a été très difficile pour tout le monde. Pour les Angolais, la pandémie du coronavirus, la remontée difficile du prix du baril de pétrole, le réveil de la jeunesse angolaise contre la mauvaise gouvernance du Mpla et l'opacité dans la gestion de la république, ont plongé leur pays dans une situation compliquée. Accrochés à l'idée que l'espoir fait vivre, après 38 ans sous le régime du président José Eduardo dos Santos, João Manuel Gonçalves Lourenço (JLo) est apparu  comme le "Sauveur de la Patrie", c'est-à-dire "la personne idéale" capable de  diriger l'Angola. La société civile, même certains partis politiques d'opposition, ont réagi positivement à son discours.

Seulement, après trois ans, la situation a changé et la popularité de JLo a chuté de façon spectaculaire. Une dégringolade  semblable  à la chute des cours des actions lors de la Grande Dépression de 1929. Comment peut-on expliquer la baisse de cette popularité du Général Lourenço ?

Il y a plusieurs facteurs qui justifient cet écroulement  dans l'opinion.  Mais, pour ne pas être accablant, j'en ai sélectionné quelques-uns que je considère les plus pertinents:

1. Lutte sélective contre la corruption et l'impunité.

La lutte contre la corruption et l'impunité reste, de l'avis de tous, une lutte sélective. Il apparaît que des traitements différents sont appliqués pour des situations similaires. Or, la lutte contre la corruption  étant la pièce maitresse  de son programme politique, le Général  Lourenço devrait être plus cohérent en termes de responsabilité pénale des délinquants. Cependant, il est à noter que les figures hégémoniques du Mpla restent jusqu'à ce jour impunies. L'opinion publique conclue que le Général a un poids sur la conscience  et son manque d'indépendance d'esprit à mener un véritable combat impartial le place dans une position inconfortable. Cette sélectivité dans la lutte contre la corruption  continue à soulever beaucoup de doutes dans la population.

2. Coût de la vie élevé

En trois ans de règne de JLo, les conditions de vie de citoyens ordinaires ont atteint des niveaux alarmants. On constate que la pauvreté croît d'une manière inquiétante , tandis que les moyens de subsistance décroissent à une vitesse vertigineuse en raison du coût trop élevé de la vie, surtout, des produits du panier de base.

Lors d'une tournée à l'un des marchés de Luanda, le 21 août 2017, Agência Lusa avait vérifié les prix suivants: Sac de riz 4.300 Kzs, litre d'huile 700 Kzs et 1 Kg de sucre 250 Kzs.

Actuellement (fin 2020), les prix de ces produits sont montés en flèche: riz (13.000 Kzs plus 62,9%), 1 litre d'huile (1.200 Kzs plus 71,4%) et 1 Kg de sucre (600 Kzs plus 140%)

Juste pour avoir une idée, avec un salaire minimum de 35.000 Kz par exemple, le consommateur pouvait acheter  en 2017 un peu plus de 8 sacs de riz. Avec l'augmentation du prix de ce bien (13 000 Kz), le consommateur ne peut acheter que 2,7 sacs de riz. Notez que le consommateur a perdu beaucoup de son pouvoir d'achat. L'augmentation des prix des produits sur le marché ne correspond plus au revenu mensuel du citoyen lambda.  

2. Manque d'attention aux besoins prioritaires

Tout au long de ses trois ans au pouvoir, JLo s'est beaucoup écarté des priorités et des besoins fondamentaux de la population, privilégiant davantage des projets d'infrastructure pour répondre, très souvent, aux caprices de ses amis prioritaires des entreprises de construction. 

Le Programme intégré d'intervention dans les municipalités (PIIM), par exemple, qui se caractérise davantage par des projets d'infrastructure ne traite  pas les situations urgentes qui sapent la vie quotidienne des citoyens. Des situations qui affligent la majorité : la faim et la pauvreté.

Adam Smith, considéré comme le père de l'économie, suggère ce qui suit: "Compte tenu de la multiplicité des besoins et de la rareté des ressources, les besoins les plus urgents doivent avoir la priorité ".

5. Non-respect des promesses électorales

Parmi les promesses faites par le Général Lourenço au cours de ses campagnes électorales, celles qui ont retenu particulièrement  l'attention est la création de 500.000 emplois en cinq ans, la transformation de Benguela en Californie, et la valorisation des travailleurs.

Concernant les 500.000 emplois, JLo serait obligé de créer en moyenne 100.000 emplois/an. Or, selon les données de l'Institut national de statistique (INE), le taux de chômage en Angola a augmenté entre 2017 -2019 de 8,8% à 28,8%  de la population active. Rien qu'entre octobre et décembre 2019, le taux de chômage était de 31,8%, et en 2020, l'INE prévoyait un taux de chômage de 34%. Ces données contrastent avec les promesses électorales.

Le Général  a promis de transformer Benguela en Californie pendant son mandat. Il est à noter que la Californie est le plus grand centre industriel des États-Unis et un leader national dans la production de produits agricoles. Cette promesse reste sans actions concrètes, jusqu'à aujourd'hui et, la ville de Benguela est toujours comme elle était.

L'appréciation des cadres administratifs, indépendamment de leurs couleurs de parti, était aussi l'une de ses promesses. Mais, JLo continue de s'écarter de cette promesse faite au peuple, continuant à travailler uniquement avec les cadres du MPLA. Pendant ce temps, la carte militante parle plus fort au détriment de la compétence et de la méritocratie.

Retrouver sa popularité sera pratiquement impossible. Cependant, il est essentiel de concilier les discours avec la pratique, et les politiques publiques doivent être celles qui peuvent changer  réellement la vie de tous les Angolais. JLo en sera-t-il capable? 

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.

À tous ceux qui prennent le temps de lire ce blog, Sobamasoba vous souhaite une heureuse année 2021. Que Dieu soit avec vous et vous protège. 



















lundi 7 décembre 2020

ECHEC/FIASCO : J.Lourenço rencontre les jeunes angolais dans toute leur diversité. Pour quel résultat?

Ils étaient plus de cent. Des jeunes issus des horizons divers. Tous  invités par le Général Lourenço. Les manifestations du 24/10 et 11/11/2020 avaient fait mouche. La rue a parlé et le Général a réagi. Il fallait éviter que l’image du Mpla soit trop écornée dans l’opinion. D'où l'idée de réparer les dégâts. C’est à Talatona, le 26/11, dans la banlieue de Luanda que le pouvoir se présente face à la jeunesse. Un show  souhaité par le président. Une élucidation exigée par les jeunes. Si le cadre est choisi par Joâo Lourenço, les sujets de la discussion sont laissés à la convenance des participants. Pas d’orientation, aucun sujet tabou. Seules sont exigées la clarté et la précision. Après 45 ans au pouvoir, le Mpla se trouve à la croisée des chemins. Sa politique est illisible. Communiste ou social-démocrate, le jeu est flou. Les jeunes, fatigués de l'indifférence des ainés montent au créneau. Ils sont excédés par le paternalisme du Mpla. Face au Général Lourenço, la duplicité n’est pas admise. C'est pendant ce face-à-face que le clivage apparait. Les pro-Mpla et les radicaux. Les premiers encensent. Les seconds attaquent de front. Les jeunes proches du Mpla ont, tout de suite, choisit leur camp. Les modérateurs aussi. Au cours des échanges, parfois musclés, le discours courtois du président au début est devenu progressivement  agressif. Offusqués, les jeunes radicaux se sont senti offensés. Méprisés, à la limite. Leurs préoccupations ne trouvant pas des réponses, ils se sont inclinés (?). 

Ils étaient plus de cent. Ils n'avaient pas tous les mêmes motivations. Ni le même courage. Mais tous, face aux violences policières subies, espéraient  entendre  des excuses de la part du chef. Inocência de Matos est mort assassiné par "le pouvoir populaire" au cours d'une manifestation. Un petit mot à son sujet aurait décrisper l'atmosphère. Mais hélas! Comme à l'époque de Dos Santos, le Général n'a aucun respect pour les jeunes. En réponse à leurs préoccupations, c'est l'arrogance, le mépris. La marque du Général Lourenço. Ce qui explique que l'indignation populaire  n'a jamais été aussi élevée. Le Général le sait. Au regard de l'opinion publique, il a perdu sa honte. Ceux qui l'obéissent n'ont plus beaucoup  de respect pour lui. Que des promesses faites. Que des engagements non tenus. Même l'an 2021 ne sera pas l'année des élections locales. Le pays, selon JLo, ne réunit pas les conditions pour les organiser. Encore une fuite en avant. 

Ils étaient plus de cent. Les intervenants étaient choisis suivant un critère fixé par le Général. L'activiste Nito Alves n'était pas repris sur la liste. Trop radical? Peut-être. Victime de la brutalité policière, les participants attendaient son intervention. Le Général en avait décidé autrement. Peur d'entendre la vérité? La vérité sur les méthodes de sa police ? La police qui tire sur le peuple pendant que le Général président inaugure un hôtel de luxe à l'autre bout de la ville ? Attitude méprisante.    

 Ils étaient plus de cent. Leur rencontre avec Joâo Lourenço est un échec. La montagne a accouché d'une souris. Ni l'arrogance, ni le mépris n'ont eu raison de la détermination des jeunes. Leurs exigences : -Date des élections locales,- Baisse des prix des produits de bases, -Dépolitisation des institutions publiques,-Révision du budget attribué à l'éducation et à la santé,- Libération de la communication sociale,- Exonération de Edeltrudes Costa de la présidence pour corruption,- Encadrement des manifestations selon la constitution, et Réorganisation de la commission électorale. Si ces exigences ne sont pas légitimes, alors...

Et vous qu'en pensez-vous? 

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Eduardo M.Scotty