Les apparences dit-on
sont souvent trompeuses. Vu de l’extérieur, même après le départ de Dos Santos,
le Mpla continue à donner l’image d’un parti politique très organisé et
apparemment très homogène. C’est une apparence. Le vernis qui entoure ce parti
n’a pas pu résister aux successives frondes au cours de deux dernières années.
Avec les attaques de Tchizé dos Santos, la contestation au sein du parti a
atteint son apothéose. La parole s’est libérée et la peur a quitté les esprits.
C’est dans ce climat politique relativement décrispé que certains militants du
Mpla, tenus hier par la discipline du parti, osent aujourd’hui exprimer leurs
points de vue. L’idée que l’ex-président José Eduardo dos Santos soit convoqué
par le Procureur de la République pour une audition en qualité de témoin dans
les dossiers de détournements de fonds a soulevé, à tort ou à raison, un tollé indescriptible
dans les rangs du Mpla, surtout parmi ses amis. La virulence de leur réaction
n’a pas vraiment surpris. L’opinion publique s’y attendait.
Je transcris ici intégralement en français les
propos tenus par un des inconditionnels de Dos Santos au sujet de son
éventuelle convocation dans les bureaux du PGR. L’audio de ce militant du Mpla
qui a souhaité garder l’anonymat a fait le buzz sur internet. Lisez :
« Mes chers amis, si c’est vrai que le
président Joâo Lourenço a l’intention de convoquer le camarade José Eduardo dos
Santos pour une audition dans les bureaux du Procureur général de la
République, nous n’hésiterons pas à organiser une grande manifestation pour
exprimer notre désapprobation. Si cela arrive, ce sera une guerre de tous
contre tous. Si c’est pour toucher en la personne de José Eduardo dos Santos,
le patriote qui a sacrifié toute sa jeunesse pour son pays, Joâo Lourenço doit
accepter d’être confronté, au cours d’une grande manifestation, au le peuple,
et nous ne nous gênerons pas pour publier la vérité des urnes sur les élections
qui l’ont conduit à la Présidence de la République. Nous allons divulguer
toutes les vérités sur ces élections, car
personne ne peut accepter que José Eduardo dos Santos qui a tout
sacrifié pour l’Angola soit humilié. Joâo Lourenço est devenu Chef de l’État
par la volonté de Dos Santos. Qui serait-il sans Dos Santos, il ne serait rien
du tout. Ce n’est pas parce qu’il était général dans l’armée qu’il doit se
croire au-dessus de tous. N’importe qui peut devenir général. Général
d'armée, est une mission patriotique que l’on confie à un individu dans
l’armée. Cela ne fait pas de lui un homme extraordinaire. D’ailleurs, nous
n’avons pas peur des armes. Mourir aujourd’hui ou demain, il y a-t-il une
différence ? Comme disait un grand penseur : TROP BON, TROP COUILLON.
José Eduardo dos Santos a fait de Joâo Lourenço un Chef de l’État, et c’est de
cette manière qu’il remercie son bienfaiteur ? Nous ne permettrons jamais
que l’on touche à un patriote. Nous ne permettrons jamais que la Constitution
qui garantit des immunités à l’ancien président soit violé pour des raisons
politiciennes. Nous ne tolérerons jamais une quelconque chasse aux sorcières
dans ce pays pour assouvir des appétits de vengeance. Toutes nos actions
doivent avoir pour objectifs l’éradication de la criminalité, de la
prostitution et de la précarité ».
En analysant ces
propos, deux faits attirent mon attention. Le premier, c’est la consécration de
l’impunité. Le fait qu’un individu sacrifie sa jeunesse pour la libération de
son pays le met-il, quel que soit le
crime commis, à l’abri de la justice ? Est-ce pour cette raison que les
militants du Mpla ont pillé le pays ? Se sont-ils arrogé le droit de se
servir parce que beaucoup d’entre eux ont lutté les armes à la main contre le
colonialisme ? Cette manière de penser est déraisonnablement propre au
Mpla. L’arrogance dont ils n’ont cessé de faire étalage durant les quarante
dernières années trouve finalement ses origines dans l’argumentation de cette
nature. Ils sont nombreux, au Mpla, ceux qui ont sacrifié leur jeunesse pour la
libération de l’Angola. Et c’est curieusement parmi eux que l’on trouve tous
les corrompus de la République. Beaucoup n’aimeraient pas être à la place de
Joâo Lourenço. Les poings liés, pourra-t-il aller au bout de sa logique ou
versera-t-il dans la « sélectivité ». Attraper le menu fretin et
laisser le gros poisson.
Le deuxième, c’est la
menace de divulguer les vrais résultats des élections. Ce militant n’est pas le
premier à utiliser cet argument pour pondérer les ardeurs du pouvoir. Higinio
de Carneiro, ancien gouverneur de Kuando-Kubango et de Luanda, après sa
convocation dans les bureaux du Procureur général de République, avait menacé,
lui aussi, de rendre publics les résultats des élections présidentielles de
2017. Finalement, les partis de l’opposition avaient-ils raison de réclamer
auprès de la Cour constitutionnelle l’invalidation de ces résultats proclamés
par la CNE ? Je vous laisse vous faire votre propre opinion sur le sujet.
Sobamasoba, l’analyse
politique qui informe.
Eduardo M. Scotty