mercredi 24 avril 2019

Le MPLA, un boulet au pied de Joâo Lourenço?


« Si pour qu’il y ait la paix en Angola, il faut que je meure, je vais me sacrifier. Mais après ma mort, ne faites plus la guerre, négociez la paix et ne vous préoccupez pas du Mpla parce qu’entre eux ils vont se ficeler/river les uns aux autres jusqu’au moment où la corde qui les enroule va rompre. Et quand cela arrivera, ce sera la fin du MPLA » dixit Dr Jonas  Savimbi de l’Unita.

Dans ma dernière publication, j’ai souligné combien il était difficile pour le président Joâo Lourenço d’être au four et au moulin. Combien il est difficile pour lui de s’émanciper de son parti, le Mpla. JLo est à la tête d’un parti dont la dialectique ne correspond plus au désir ardent de changement qui l’habite. Qui, à votre avis, doit s’adapter à l’autre ? Avec les millions d’Angolais qui croient encore en lui, le président Joâo Lourenço, aux antipodes des agissements des caciques de son parti, éprouve quelques difficultés à satisfaire les attentes d’un peuple qui ne cesse de souffrir de la politique du Mpla. Sa loyauté est perçue par l’opinion comme une protection  des intérêts d’un groupe de « marimbondos » qui cherchent à se protéger de la colère du peuple. Et, pour ne pas se mettre à côté du vent de changement qui souffle sur l’Angola, le MPLA qui est, pour qui l’ignore,  une sorte de secte qui gouverne l’Angola depuis 1975,  organise depuis samedi 20 avril 2019, un colloque ayant pour thème : « Campagne publique pour la moralisation de la société angolaise ».  L’acte officiel de lancement a eu lieu à l'Hôtel de Conventions de Talatona, dans la périphérie de Luanda, sous l'emblématique orientation de la vice-présidente du parti, Luísa Damião.
Selon le Département d'information et propagande du Comité central du MPLA, « combattre la corruption, le népotisme, l'adulation et l'impunité c'est garantir un avenir meilleur et assurer le bien-être des familles angolaises », et cette campagne pour la moralisation de la société aura lieu dans tout le pays jusqu'en 2021, la veille des élections de 2022. Cette opération de sensibilisation est conçue pour être une activité permanente du parti au pouvoir, à tous les niveaux.
C’est très astucieux de la part du Mpla d'utiliser cette croisade pour séduire le peuple. Seulement, au lieu de proposer un combat contre « la corruption, le népotisme, l'adulation et l'impunité », il aurait peut-être fallu tout simplement dire que l'idée est de combattre l'ADN de MPLA. Tous ces maux que l’on reproche à la classe politique angolaise  constituent justement le soubassement fonctionnel du MPLA.
La difficulté à faire décoller l’économie nationale conduit les stratèges de l’ancien parti marxiste devenu social-démocrate à revoir leurs copies.  Il est évident que cette stratégie consiste à attirer surtout les investisseurs. Parce que s’il faut prendre cette campagne au sérieux, de toute évidence le MPLA est condamné à l'extinction. Le parti de Joâo Lourenço est une des plus grandes sectes du monde avec le plus grand nombre de corrompus et de flatteurs invétérés par mètre carré.
Avec cette action d'éducation patriotique et de lavage de cerveau, MPLA dit vouloir contribuer à la moralisation de la société angolaise en combattant la corruption, le népotisme,  l'adulation et  l'impunité. Comment finance-t-on la campagne ? Avec l’argent des contribuables, bien sûr. Le Mpla veut par cette même action soutenir aussi le Président du Parti et l'Exécutif dans l’euphémique lutte contre ces maux ; empêcher des actes identiques dans la société ; divulguer les lois approuvées sur la corruption, le rapatriement coercitif de capitaux, le blanchiment de capitaux; encourager les citoyens à dénoncer ces pratiques immorales et promouvoir les valeurs morales, civiques et éthiques : la citoyenneté et le patriotisme. Cela ressemble beaucoup à du déjà vu, non ?
Avec cette stratégie de marketing, le MPLA attend, comme hypothétiques résultats : l'accroissement du dialogue et de la prise de conscience de la société sur la nécessité impérieuse du combat à son propre ADN gangrené par la corruption, le népotisme, l’adulation et l’impunité ; l'ouverture d'espaces de débat sur des sujets sensibles de l'actualité dans le pays et l'engagement de la société dans le combat à des pratiques d'improbité publique. Celle-là, on l’a déjà entendu aussi.
Il faut ajouter à ce qui précède, l'assomption du phénomène comme un problème social, culturel et économique à être combattu par tous ; le soutien au Président de MPLA et à l'Exécutif, dans la matérialisation du Programme du gouvernement 2017/2022 (ce ne sera pas, plutôt, 2017/2052 ?) et la promotion de la sauvegarde des valeurs morales et civiques au le sein de la société angolaise.
Le MPLA garantit que des académiciens, chefs religieux et membres de la société civile vont disserter au long de la campagne sur les différents sujets proposés, avec l'intention d’œuvrer à l’agrandissement de la Patrie angolaise (du MPLA) et à la consolidation de la Nation (du MPLA), parce que c’est depuis 1975 que l’Angola est le MPLA, et le MPLA, l’Angola. Cette tentative de faire converger les intentions du Chef de l’État et le soi-disant programme du parti est un exercice qui demande une certaine habilité politique. À l’aube des élections locales, le Mpla sera-t-il en mesure de séduire ses électeurs au point de bénéficier de la présomption d’innocence ?  Ses dirigeants sont tellement confus qu’ils n’osent plus regarder dans les yeux ce peuple qu’ils ont meurtri durant plus de 38 ans. Les dernières manifestations organisées par la société civile devant le parlement angolais sont un signe qui ne trompe pas.    À cause du MPLA, le président Joâo Lourenço serait-il en train de perdre du terrain dans l’opinion ? Comment se débarrasser de ce boulet ?  Même en trichant, je ne pense pas que le Mpla soit capable de gagner haut la main les prochaines élections. À moins que…

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe 

Edaurdo M.Scotty



  

mercredi 17 avril 2019

Joâo Lourenço nuit-il à la démocratie en Angola?


 
Un débat est en train de ressurgir en Angola. C’est celui de cumul des mandats. Il n’a pas encore pris des proportions comme au début de l’année, mais en privé les conversations tournent déjà autour du sujet. Lorsque le président Joâo Lourenço est arrivé au pouvoir après les élections de 2017, l’opinion publique angolaise, habituée à voir à la tête de l’État le président du parti vainqueur des élections,  s’attendait à l’éviction immédiate de José Eduardo dos Santos de la présidence du Mpla. Dans les milieux du Mpla, favorables au changement à la tête du parti, pour justifier l’impatience latente des réformistes, le terme « bicéphalisme » est entré dans le vocabulaire politique des Angolais. Deux têtes sur un corps, disaient-ils pour légitimer leur revendication, c’est un monstre. Tout le monde n’était pas d’accord, mais la pression était tellement grande qu’au dernier congrès extraordinaire du Mpla, Joâo Lourenço est devenu président du parti au grand bonheur de ses aficionados. Ainsi est né au sein du Mpla, deux groupes de dirigeants, les « Lourencistes » et les « Eduardistes ». Les « Lourencistes » sont ceux qui voulaient que tous les pouvoirs soient concentrés dans les mains d’une personne et les « Eduardistes » souhaitaient que le pouvoir soit partagé entre le chef du parti, Dos Santos, et le chef de l’État, Joâo Lourenço. Pour ces derniers, être chef de l’État, président de la République, président du parti au pouvoir et chef de l’Exécutif est un trop lourd fardeau pour une seule personne. Pendant des semaines dans les médias, Tchizé dos Santos à la tête d’un groupe de parlementaires du Mpla a défendu l’idée selon laquelle le président de la République ne devait pas être président du parti au pouvoir. Dans les démocraties modernes comme en France, en Belgique ou aux Pays-Bas, lorsque le président du parti vainqueur des élections accède au pouvoir, il quitte la tête de son parti. Il devient le chef de toute la population. Ainsi, il a les mains plus libres pour pouvoir arbitrer les éventuels conflits qui peuvent surgir durant son mandat au niveau des institutions du pays. Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo a quitté la présidence de l’UDPS pour se consacrer totalement à la présidence de la RDCongo. Il est le président de tous les Congolais.

Après quelques mois à la tête de l’Angola, le président Joâo Lourenço, qui avait suscité beaucoup d’espoir dans les cœurs des Angolais, est rattrapé par la realpolitik. Dans sa lutte contre la corruption, il s’avère que les corrompus sont tous des membres ou des amis de son parti, le Mpla. C’est un vrai écueil dans la mise en place de sa politique. Comment un loup peut-il manger un autre loup ? En sa qualité de président de la République, s’il s’était affranchi de son parti, c’est avec une certaine hauteur qu’il aurait pu gérer les situations créées par ses amis politiques dans les affaires de détournements de fonds publics. Donc, le débat sur le cumul des fonctions trouve ici tout son sens. Ce dont les Angolais ont le plus besoin pour le moment, c’est d’un président qui ne soit pas chaque fois en conflit avec soi-même ; un président qui n'ait pas les mains liées à cause de l’allégeance à son parti. Le refus de l’ex-président José Eduardo dos Santos de voyager, conformément à la constitution aux frais de l’État, dans un avion mis à sa disposition par le gouvernement, est un signe fort qui relance justement le débat sur la concentration des pouvoirs dans les mains d’une même personne. La justice dans le pays étant ce qu’elle est, le Procureur général de la République, qui reçoit ses ordres de qui l’on sait, éprouve des difficultés pour bien faire son travail. Lorsqu’il doit libérer un malfrat qui a détourné l’argent de l’État sous prétexte qu’il a rendu le bien volé, et cela, sur ordre d’un président de la République qui a, semble-t-il, un problème de conscience, là… il y a un vrai problème.

L’Angola, en ma connaissance, est le seul pays où l’on peut voler en toute quiétude de l’argent de l’État, le fructifier et ensuite le rendre, en gardant les bénéfices réalisés bien sûr, sans que l’on soit embêté par la justice. C’est aussi le pays où les voleurs de l’argent de l’État sont connus, mais ne sont nullement inquiétés. Sauf s’ils appartiennent à l’autre camp. Le président Joâo Lourenço se trouve dans une position très inconfortable dans sa lutte contre la corruption et l’impunité. D’ailleurs, on a l’impression, à y regarder de près, que son discours sur la corruption est destiné aux argentiers de la  Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. Ils sont nombreux, les MARIMBONDOS, comme il les appelle lui-même, mais combien sont-ils sous les verrous ? Avec la libération inexpliquée de Filomeno dos Santos, fils de l’ex-président, et de son ami Jean Claude de Morais, on dirait que les autres « marimbondos » mettent le président au défi de les arrêter. Ils sont prêts à ouvrir la boîte de pandore.  

Sommes-nous sortis d’une « dictature » pour entrer dans une autre plus douce ? Avec le même parti, la même politique conçue par ce même parti, les mêmes dirigeants issus de ce parti ? En tout cas, le débat sur la concentration des pouvoirs dans les mains d’une seule personne est un vrai débat.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.