vendredi 6 janvier 2017

Du marxisme au libéralisme sauvage, le MPLA peine à trouver sa voie. Laquelle?


Décidément, la période précédant les fêtes de Noël et de Nouvel An inspire beaucoup mes oncles paternels. Après celui qui m’a briefé sur Zé Kitoumba, c’est au tour du cadet, le jour suivant, à m’expliquer combien les idéologies politiques rapportées de l’étranger peuvent causer du tort aux populations des pays fraîchement libérés du joug colonial. Leur passage d’un régime colonial assujettissant à un autre qui lui ressemble par ses méthodes, les plonge inévitablement dans une longue et difficile recherche d’identité politique et économique. Mon oncle qui est un bon observateur de tout ce qui se passe autour de lui tient à illustrer son propos en me racontant l’histoire de Bangoula, le pays où il a passé toute sa jeunesse et qui a accédé à l’indépendance dans des conditions dramatiques. Une guerre fratricide a salué l’accession de ce pays à la liberté ; une guerre qui a duré plusieurs années et fait des milliers de victimes.  Dans ces conditions, durant les premières années d’indépendance de la nouvelle république, les ressortissants de ce pays n’ont pas pu jouir des bénéfices de l’indépendance. Le départ précipité des colons les avait plongés dans un abîme d’incertitudes. Le nouveau pouvoir, trop susceptible, avait imposé un contrôle rigoureux à la circulation des hommes et des biens. Le rationnement était devenu le nouveau mode de vie dans le pays. C’est dans ce climat d’inconstance que le premier président de cette nouvelle République populaire décède d’une mort consternante. L’espoir d’un changement durable qui commençait à poindre à l’horizon s’était brisé comme une vague sur les rochers au bord de l’océan. Avec la nomination d’un nouveau Chef de l’État, la population, sur toute l’étendue du territoire, a vu apparaitre dans sa vie de chaque jour une réalité nouvelle : celle d’un pays dans lequel les uns bénéficient de tout et les autres, de rien. Finalement, les promesses contenues dans la propagande qui a précédé la libération du pays n’ont été que des balivernes. Et au fil des années, le mode de vie imposé par l’État a fini par mettre un terme aux illusions postcoloniales de ce peuple désabusé. Meurtris dans l’âme, les Bangoulais, résignés et incrédules, ont assisté à la confiscation de toutes leurs libertés, même les plus élémentaires.  Fini le temps d’acheter, comme à l’époque coloniale, n’importe quoi, n’importe quand. Toute acquisition de biens industriels ou alimentaires était désormais conditionnée par la possession d’une carte spéciale dont seuls les travailleurs étaient attributaires. «Qui ne travaille pas, ne mange pas ». C’était le communisme dans sa version bangoulaise. Un système social, politique et économique fondé sur la propriété collective à l’intérieur duquel l’égalité devait être le principe fondateur. L’égalité, la lutte des classes. Des principes qui sous d’autres cieux augurent dans les meilleurs de cas d’une société dans laquelle les bénéfices de l’État sont redistribués équitablement. Mais était-ce le cas dans la République populaire de Bangoula? Visiblement, non ! La manière de gérer le pays ne correspondait pas aux exigences du peuple qui  s’était aperçu très tôt des injustices flagrantes dont il était victime. Comme dans tous les pays communistes à l’époque, les cadres supérieurs et dirigeants du parti au pouvoir vivaient dans l’opulence tandis que le reste de la population se contentait des miettes. Plusieurs années après, c’est toujours pareil à Bangoula. Chaque jour, le fossé qui sépare les riches des pauvres est de plus en plus profond.  

Ce résumé de l’histoire de la République de Bangoula ressemble à s’y méprendre à l’histoire de l’Angola. Marxiste à son accession à l’indépendance, social-démocrate dans les années 90, l’Angola est aujourd’hui plongé dans un libéralisme sauvage qui ne dit pas son nom. Le passage du marxisme au libéralisme n’a pas été, me semble-t-il, suffisamment pensé. Car l’économie planifiée liée à la doctrine marxiste dont le régime s’est affublé durant plusieurs années a pris en otage tout le système économique angolais. Aujourd’hui, c’est dans un désordre dévastateur que l’économie de marché se fraye un chemin dans le système communiste moribond expérimenté par le Mpla dans le pays. Une nouvelle économie dont la complexité a malheureusement ouvert la porte à la culture de la corruption, du népotisme et de l’impunité. Ne sachant pas dominer les mécanismes des phénomènes de production, de circulation, de répartition et de consommation des richesses, base fondamentale de l’économie de marché, le Mpla a plongé le pays dans un profond désordre des finances publiques. La situation difficile que connait l’Angola aujourd’hui n’est pas seulement liée à la baisse du prix de pétrole, mais elle est le résultat d’une méconnaissance des règles qui régissent l’économie de marché. Dans le souci de bien faire, il est plusieurs fois arrivé aux dirigeants angolais de mélanger les principes de l’économie planifiée, à laquelle ils sont intimement liés, à ceux de l’économie de marché.  Dans cet apprentissage du libéralisme, à chaque tentative ils se sont pris les pieds dans le tapis. Pour preuve, la conversion des UEE (Unidade economica estatal) en entreprises privées fut une catastrophe. Et le résultat est celui que nous vivons actuellement dans le pays.

Mon oncle n’a pas l’âme d’un opposant. Lorsqu’il me raconte cette histoire, il ne cherche pas à faire de moi un opposant. Et moi quand je vous la raconte, je ne cherche pas à faire de vous des opposants. Je veux tout simplement que vous ne croupissiez pas dans l’ignorance. Car, qui ne connait pas sa vraie histoire, la vraie histoire de son pays, est comme un être sans repères. Pensez-y !

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo M. Scotty.