dimanche 19 septembre 2021

LE RETOUR DE JES, UN "TIMING" SURPRENANT.


Est-ce la fin de son exil ? L’ancien président de la République de l’Angola est rentré la semaine dernière  à Luanda. Officiellement, c’est pour assister à la cérémonie des fiançailles de son fils, le plus jeune. Mais lorsqu’un homme politique de sa stature décide de rentrer dans son pays après deux ans d’exil, son retour suscite beaucoup de questions. L’emprisonnement de son fils, la relégation d'une de ses filles de l'Assemblée nationale, les poursuites judiciaires contre sa fille ainée  et plusieurs de ses proches ont suscité en lui un sentiment de rejet  et  donné naissance,  au sein du parti au pouvoir, à un climat de défiance. Les propos tenus à son endroit et à l’endroit de sa famille, depuis son départ du pouvoir, ont été d'une indélicatesse désobligeante. Plusieurs membres du Parti au pouvoir n’ont jamais apprécié le traitement que les nouveaux dirigeants lui font subir, à lui et à ses proches. Même acquis aux idées du parti, il y a aujourd'hui une fissure. Conséquence: à l’intérieur de ce parti est né un clivage qui a donné naissance à deux courants : les “lourencistes” et les “eduardistes”. Et depuis, les deux tendances se regardent poliment comme des chiens en faïence. Parmi les "eduardistes" certains caciques ont manifesté l'intention de quitter le parti.  Mais avec le retour de leur champion, qui jouit encore de l'influence au sein de ce parti, ils retrouvent de la vigueur. Le congrès et les élections générales, deux événements à l'agenda du parti au pouvoir, seront pour les deux tendances les deux leviers qui leur permettront de peser sur les importantes décisions du parti. C’est au cours du congrès que la “tête de liste” du parti est désigné. Au vu des frictions existantes entre le nouveau et l’ancien président, même si personne ne veut le reconnaitre, il n’est pas certain que les violons s’accordent sans qu’il y ait concession de part et d’autre. L’absence du nouveau président et des membres de son gouvernement à l’arrivée de l’ancien président à Luanda est un signe qui ne trompe pas. Le défilé à Miramar, résidence de l’ancien président, de ses amis politiques qui voient en l'actuel président un homme décidé à en finir avec les “eduardistes”, ranime de vieux souvenirs. Le scénario du coup de téléphone du PR à son ancien patron est subterfuge pour faire croire à l'opinion publique que tout va bien. C'est de la poudre aux yeux.  À son ainé et bienfaiteur qui revient d'un long voyage après deux ans, la moindre des choses est de lui rendre visite pour  témoigner sa gratitude. C'est la culture bantoue. 

Le retour à Luanda de JES n'est pas du à un hasard. Il y a quelque chose qui se prépare. Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid? Humilié et trainé dans la boue par les proches de son successeur, l'ancien chef d'État, revient remettre les pendules à l'heure. Pour y arriver dans les règles du jeu , le meilleur endroit n'est-ce pas le congrès? Bloquer par un vote  la désignation de JLo comme "tête de liste" du Mpla ne serait-il pas une revanche  retentissante? Après la gifle leur  infligée la semaine dernière par l'opposition, les "lourencistes" commencent à douter de leur capacité à se maintenir au pouvoir en 2022. C'est conscient de leur impopularité croissante que JLo décide d'annuler la manifestation convoquée, en réponse à celle de l'opposition,  par le secrétaire provincial de Luanda. Le moment est mal choisi pour engager une confrontation. Sagesse, pragmatisme? Attendons le congrès de décembre pour être fixé sur les vraies intentions du pouvoir à Luanda. Le linge sale se lave en famille, parviendront-ils à se réconcilier ?    Et vous, quel regard portez-vous sur ce retour de JES à Luanda? 

Que la peur quitte nos esprits et que vive l'Angola, notre bien commun.  

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

 MKS/..      

       


















         

lundi 13 septembre 2021

RAPPORT DES FORCES, LES LIGNES ONT BOUGÉ.

Incroyable. La politique, dit-on, est régit par un rapport des forces. Dans des pays démocratiques, le parti politique qui aligne plus de militants et sympathisants se présente toujours comme un poids lourd politique avec lequel il faut compter. C'est au cours des meetings et manifestations que l'opinion publique se rend compte de la popularité d'une organisation politique parti. En Angola, durant des années, le pouvoir s'est toujours évertué à empêcher l'opposition d'organiser des manifestations sous prétexte que le pouvoir ne se conquit pas dans la rue. La crainte d'être taxé d'agitateurs enclins à déstabiliser l'État et le peu d'adhésion de la population aux idées de l'opposition ont longtemps favorisé le parti au pouvoir.  Seulement, la gestion lamentable du parti au pouvoir durant les 45 dernières années a apporté beaucoup de grains au moulin de l'opposition. Si hier  le doute subsistait encore dans la perception par le peuple des politiques publiques du gouvernement à Luanda, aujourd'hui le scepticisme n'est plus permis. Le bilan du pouvoir en place est négatif sur les plans économique et social. C'est une évidence. Et, devant cette certitude, les manifestations se sont succédées à Luanda et à l'intérieur du pays. Même si les organes officiels de presse n'en font pas mention, c'est de bonne guerre, les liens entre le peuple et le pouvoir en place se sont distendus. Le rapport des forces, au vu des dernières manifestations, est plus en faveur de l'opposition que du pouvoir. La dernière modification partielle de la constitution à la demande du PR en dit très long. Dans la foulée, certaines lois électorales sont revisitées pour assurer les arrières d'un parti au pouvoir presque aux abois, même si aux dernières nouvelles le PR a exigé le réexamen de ces lois pour corriger ce qui est mal et améliorer ce qui est bien. Mais qu'à cela ne tienne.    

Samedi dernier des milliers d’Angolais sont descendus dans la rue pour manifester leur inclination à des élections justes et transparentes en 2022. La méga manifestation, convoquée par les partis politiques de l’opposition et la société civile, a été une vraie démonstration de force. Luanda, qui est un bastion du parti au pouvoir, a vu déferler une importante masse humaine sur la grande avenue "estrada de Catete". Le peuple angolais, tel un dinosaure, s'est réveillé du profond sommeil dans lequel le parti dominant l'avait plongé durant plus de 45 ans. Le manque de volonté politique du pouvoir à résoudre les problèmes du peuple et la corruption endémique ont fini par exaspérer la population. le combat contre ces deux maux n'ayant pas donné les résultats attendus, les Angolais se sont convaincus que le changement ne viendrait pas des dirigeants actuels et que la seule l'alternance est la solution à leurs problèmes. 

La manifestation de samedi est un message fort aux dirigeants actuels. Ignorer ce message équivaut à se mettre politiquement une corde au cou. Un suicide politique. La détermination de la masse humaine présente à la manifestation exigeant des élections justes et transparentes laisse entrevoir d'autres manifestations si leurs revendications ne sont pas prises dans l'élaboration de futures lois électorales. Le pouvoir à Luanda va-t-il reculer devant la volonté du peuple?  Wait and see.

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Que la peur quitte nos esprits, et que vive l'Angola.

MKS/ 


















  

jeudi 9 septembre 2021

MODIFICATION DE LA LOI ÉLECTORALE, UNE FRAUDE EN GESTATION.

C'est du jamais vu. Ce à quoi assistent les Angolais à quelques mois des élections générales est inimaginable. Malmené dans les sondages, le pouvoir en place à Luanda recourt à une modification de la loi électorale pour freiner l'élan de l'opposition. D'ordinaire, les vrais leaders politiques ne pensent pas tous les temps aux élections. Ils pensent aux futures générations de leurs pays. Ils ne changent pas les règles du jeu en pleine compétition, juste pour se maintenir au pouvoir. Cette méthode est d'une malhonnêteté intellectuelle flagrante. Aujourd'hui en Angola, tout le débat politique tourne autour d'un nouveau système de dépouillement que le pouvoir angolais veut introduire dans le processus électoral. C'est du jamais vu. Mais dans un pays atypique comme l'Angola, tout est possible. En fait, de quoi s'agit-il?    

Désormais, après le vote, toutes les urnes, toutes, seront dépouillées à Luanda. Dans un pays dont les voies de communication sont en piteux état, par quels moyens se fera l'acheminement des urnes? Déplacer les urnes de l'intérieur du pays à la capitale a un coût. A-t-on pensé à la dépense que va occasionner cette absurdité alors le dépouillement sur place ne coûte rien à l'État? Cette procédure ne va-t-elle pas sacrifier les votes des populations de l'Angola profond? Qui vont procéder au dépouillement, des femmes et des hommes acquis au pouvoir? C'est clair que par cette modification, le pouvoir s'arroge les prérogatives dévolues aux CNE municipales et provinciales. Le dépouillement des votes devient alors une "affaire d'État". La cacophonie générée après la proclamation des résultats des élections de 2017 a laissé un goût très amer dans la bouche du pouvoir. Ils veulent éviter que cela se répète. Pourtant, l'expérience prouve que le dépouillement effectué dans les bureaux de vote municipaux ou provinciaux est un instrument efficace de contrôle  qui contribue à consolider  les acquis de la démocratie et diminue toute possibilité de fraude. Deux exemples pour illustrer ce propos : 

Au Portugal, la démocratie n'a pas été imposée au régime fasciste de Salazar et Caetano. Même sous le fascisme, le Portugal organisait déjà des élections municipales (avec dépouillement  municipal), législatives et présidentielles. Il y avait déjà un État de droit, mais pas démocratique. C'est après le 25 avril 1974 que des élections démocratiques et transparentes sont introduites à cause de la culture démocratique qui préside à l'organisation des élections. Au Portugal, il n'y a pas de parti/État. Tous les partis politiques sont égaux devant la loi. Le gouvernement n'intervient pas en matière électorale; la presse est libre ; la corruption n'est pas institutionnalisée ; les tribunaux sont indépendants ; et, surtout, les citoyens font confiance à l'indépendance et à l'autorité de l'institution qui organise les élections. Il n'y a pas de pratique d'élections contestées. Pour toutes ces raisons, il n'y a pas besoin de mécanismes de contrôle en amont ou en aval pour garantir la vérité et l'intégrité électorales.

Le Cap-Vert, un pays africain frère, est l'une des démocraties les plus dynamiques d'Afrique. Ce pays a embrassé volontairement le régime démocratique après avoir rompu avec le régime du parti unique. Par contre, l'Angola, le Mozambique, le Congo Brazzaville et d'autres pays de l'orbite de l'ex-URSS ne sont pas de "vraies" démocraties. Ils ont adopté des « régimes autoritaires compétitifs », ou des « pseudo-démocraties », voire des « régimes électoraux autoritaires ». Dans ces régimes, les mécanismes de contrôle de la transparence et de la vérité électorale sont différents de républiques démocratiques. Le fait qu'il y ait un parti/État  dominant dit tout. En 2008, 2012 et 2017, le régime a ordonné à la CNE d'annoncer des résultats qu'il n'avait pas produit. Des résultats qui ne sont pas sortis des bureaux de vote. Or, lorsque le parti dominant viole le principe fondamental de la transparence, alors il n'y a plus des règles de droit.

Je vous laisse imaginer ce qui arrivera lorsque les urnes seront dépouillées à Luanda.

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.

Que la peur quitte vos esprits, et que vive l'Angola. 

MKS/ 

Source: club-k.net