jeudi 3 janvier 2019

L'illisibilité d'une politique.


La dernière publication de « sobamasoba.com » date de plus d’un mois. Vous aurez sûrement remarqué que depuis l’arrivée au pouvoir de Joâo Lourenço, la fréquence d’apparition de mes analyses sur l’Angola a connu un léger tassement. Cette situation est due en grande partie à l’important déficit de lisibilité qui entoure la politique du nouveau gouvernement. Dans le doute, j’ai décidé de m’abstenir pour ne pas prêter le flanc aux spéculations. Pourtant, il y a beaucoup à dire. De l’arrestation de Filomeno dos Santos et de son complice Claude de Bastos à la dernière conférence de presse annuelle de Joâo Lourenço, énormément d’eau est passée sous le pont. Sur la scène politique, les efforts consentis par le gouvernement sur son versant judiciaire tournent autour de la moralisation de la société et de la lutte contre la corruption. Une lutte aux contours difficilement déchiffrables, surtout lorsque le verbe n’accompagne pas l’action. On retrouve dans les rues de Luanda la plupart de tous ceux qui devaient se trouver en prison. Ils continuent à vivre tranquillement sans être inquiétés alors qu’ils sont connus pour avoir mis la main dans la caisse de l’État. Cette absence de rigueur à leur endroit génère une profonde suspicion dans la population. Le citoyen lambda ne sait plus à qui croire. Les discours qui ne sont pas suivis d’effets commencent à lasser. Dans les cafés de la périphérie de Luanda, il se murmure que les loups ne se mangent jamais entre eux. Sinon, pourquoi les généraux Higinio Carneiro, Manuel Helder Vieira Dias (Kopelipa) ou Leopoldino do Nascimento (Dino), pour ne citer que ceux-là, ne sont-ils pas inquiétés ? Pourquoi ?  

La raison se trouve peut-être dans la Loi fondamentale que nous a léguée Dos Santos. Celle qui fait de la « tête de liste » aux élections générales (une position hiérarchiquement réservée au président du parti) un chef de l’État en cas de victoire.  Pourtant, la Constitution angolaise n’impose nullement dans ses dispositions que le président de la République élu exerce en même temps les fonctions de président du parti au pouvoir. C’est insidieusement que Dos Santos a introduit cette coutume pour servir ses intérêts et ceux de ses amis. Une coutume qui place le pays dans une situation très atypique. Justification: c’est pour éviter le bicéphalisme. Tous les pouvoirs doivent être concentrés dans les mains d’une seule personne. Voilà pourquoi pendant plus de 38 ans, dans un « parti État », les dirigeants du Mpla se sont servis sans vergogne jusqu’à institutionnaliser la corruption. Aujourd’hui, tous les corrompus, qualifiés de « marimbondos » par le président Joâo Lourenço, sont membres du Mpla. C’est d’ailleurs une évidence : on ne dirige pas un pays pendant plus de 38 ans sans laisser des cadavres dans les placards. Dans l’éventualité d’un changement de personne à la tête du pays, si celui-ci est issu du même parti, il lui incombe de nettoyer ces placards. Mais à quel prix?  Au début, ce sont des discours pleins de bonnes intentions auxquels succèdent de petites réformes, juste assez pour jeter de la poudre aux yeux de la population, ensuite vient une période de léthargie et d’immobilisme qui n’en finit point. L’administration Lourenço se trouve exactement dans cette situation. Le président a les poings liés. S’il veut aller loin, il doit ménager sa monture.  Frapper très fort sur ses propres camarades peut finir par détruire l’image déjà très abimée du parti. Il faut penser aux prochaines élections locales de 2020. Le Mpla peut y laisser des plumes. Dans les rangs des forces armées, certains généraux ne cachent plus leur désaccord avec le président de la République. C’est dans ces forces armées que l’on retrouve la majorité des corrompus. Ces généraux et colonels qui se sont enrichis illicitement pendant la guerre qui a opposé le Mpla à l’Unita.

Pendant que Joâo Lourenço essaye de remettre de l’ordre dans la boutique, le peuple souverain, lui, attend avec impatience le début de l’année 2019, date butoir pour le rapatriement des fonds volés et cachés dans les banques à l’étranger. Car c’est à partir de cette date que les Angolais se feront une véritable opinion sur la sincérité du président JLo à vouloir lutter contre l’impunité et la corruption. Dans les milieux populaires, la loi sur ce fameux rapatriement de l’argent détourné qui sert de soubassement à cette lutte ne convainc pas et n’inspire pas confiance à la population. L’information relayée par la « Lettre du continent », site français d’informations africaines, et publiée dans son édition du 12 décembre 2018 est venue jeter un pavé dans la marre. Selon cet article, le Président Joâo Lourenço serait à la tête d’une fortune évaluée à plus 50 millions de dollars américains (source Forbes). Cette révélation que je prends avec beaucoup de réserve remet, à mon humble avis, en question l’intégrité du Président Joâo Lourenço. Lorsqu’on veut lutter contre la corruption, des informations de cette nature ne plaident pas en sa faveur. Surtout quand on sait que depuis 1975, JLo fait partie de la classe dirigeante en Angola. Aurait-il commis quelques indélicatesses pour que les investigateurs de la revue «Forbes  » le crucifient au pilori en publiant leurs compromettantes conclusions ? Est-ce à cause de cela que Manuel Vicente, poursuivi au Portugal pour corruption et devenu conseiller dans l’ombre du président serait-il devenu intouchable ? Le Procureur général ne montre aucun empressement à boucler son dossier. Sous d’autres cieux, le parlement se serait saisi du cas et aurait créé une commission d’enquête parlementaire pour éclaircir cette ambigüité. C’est ce manque de contrôle parlementaire qui crée le flou dans la perception de la politique menée par le gouvernement Lourenço. C’est un manque criant de lisibilité dans la politique menée par JLo et son gouvernement. Janvier 2019 nous apportera-t-il des réponses à nos questions ?

BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2019.  BONHEUR ET PROSPERITÉ POUR TOUS.

Sobamasoba.com, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M. Scotty.