samedi 17 décembre 2016

Zé Kitoumba, l'homme qui devait...,mais n'a pas pu.


Il s’appelait Zé Kitoumba et était devenu chef du village depuis la mort de son oncle par alliance, Kota Mangouxi. Selon la coutume, la chefferie ne devait pas lui revenir, mais comme il était le seul neveu dont le profil correspondait à ce que le clan recherchait, il fut intronisé. Néanmoins, quelques jours avant son intronisation, les anciens s’étaient réunis pour débattre de sa désignation à la tête du clan. À cette importante réunion, censée être consensuelle, un vrai clivage est apparu: les gardiens de la tradition et les colombes. Pour les premiers, le fait que le père et la mère de Kitoumba ne soient pas de la région ne plaidait pas vraiment en sa faveur. Pour les autres, plus indulgents, le petit pouvait occuper la chefferie puisque le vieux Mangouxi était marié à la sœur de sa mère et qu’il avait grandi dans le village. Comme vous l’aurez certainement compris, Zé Kitoumba n’est pas né dans cette contrée. Sa mère l’y a ramené alors qu’il n’avait que quatre ans. Très studieux, à sa majorité il a quitté le village pour aller s’instruire à l’étranger. Quelques années plus tard, il est revenu formé et très cultivé. Même s’il a toujours été maladivement timide, son niveau intellectuel le disposait à substituer le vieux Mangouxi, arrivé, lui aussi, à la tête du clan dans des conditions très contestables. En tout cas, le jeune homme avait l’air très honnête même s’il paraissait, à certains égards, quelque peu moins sûr de lui. Mais ne dit-on pas: c’est en forgeant le fer qu’on devient forgeron ? Devant une telle évidence, les gardiens de la tradition ont fini, la mort dans l’âme, par céder. C’est comme cela que    Zé Kitoumba est devenu le plus jeune chef de clan de sa génération.

Cette histoire m’a été contée par mon oncle paternel un soir de clair de lune, la veille de Noël, à la sortie d’une houleuse réunion avec ses frères et sœurs. Mon oncle a voulu par cet échange me montrer combien il est hasardeux/imprudent de confier les rênes d’un clan à quelqu’un dont les origines sont douteuses. À notre époque me disait-il, les blancs avaient introduit, parfois de bonne foi, des hommes venus de loin au sein de nos communautés pour suppléer au manque de la main-d’œuvre. Arrivés sur nos terres, ces hommes se sont mariés et ont eu des enfants avec nos filles.  Un jour, ils sont partis sans laisser d’adresses. Les enfants issus de leurs unions sont devenus un vrai problème pour nous quand est arrivé le moment de leur confier des responsabilités au sein de différents clans. Aujourd’hui, ils éprouvent énormément de difficultés à pouvoir s’identifier à nous. Quels que soient les efforts qu’ils fournissent pour se mettre dans la peau d’un natif du village, il y a toujours un ou deux légers détails qui les embarrassent. Ils manquent de spontanéité dans leurs actions. On voit bien que leurs racines sont ailleurs.

Kota Mangouxi n’était pas un homme extraordinaire, c’est vrai, mais il avait le souci du bien-être des siens. À ses débuts, le jeune Kitoumba marchait sur les pas du vieil homme. Dans le village, presque tout le monde appréciait son travail. Des éloges à son endroit fusaient de partout. Des chants de louange étaient chantés en son honneur ; le climat de paix régnait dans la communauté, témoin de la qualité du travail abattu. Mais comme le pouvoir corrompt, Zé Kitoumba, influencé par l’équipe de conseillers qui l’entourait, finit par dévier du chemin tracé par le vieux Mangouxi. Au bout de quelques années, le jeune homme dévoué que les villageois avaient connu s’était mué en rapace. Toutes les personnes ayant collaboré avec l’ancien chef du village étaient écartées du cercle du pouvoir. Pris dans le tourbillon de l’égocentrisme, il est devenu un homme insensible. Les valeurs sur lesquelles était basé son discours ont disparu de sa dialectique. Ce village où coulaient le lait et le miel n’était plus qu’un souvenir. Tous ceux qui s’y étaient installés pour profiter de sa bonne santé économique repartaient chez eux déçus par la mauvaise gestion de Zé Kitoumba. La rivière qui fournissait l’eau au village était devenue boueuse. La nuit, tout était dans le noir complet. Faute de carburant, le groupe électrogène qui alimentait les habitations en électricité était en panne sèche. À cette série noire s’est ajoutée une épidémie de choléra résultante d’un manque criant d’hygiène.  Le village a connu des dizaines de morts. Pas de médicaments, pas de dispensaire. Tout allait à vau-l’eau. Toutes ces difficultés ajoutées les unes aux autres ont fini par générer un mécontentement dans le village. Petit à petit, l’idée de remplacer Zé Kitoumba par un autre chef a commencé à germer dans la tête des dignitaires du village. Enfermé dans sa cour avec ses courtisans, Kitoumba était incapable de lire les signes du temps. Il manifestait de la fatigue dans l’exercice de ses fonctions. Le pouvoir l’avait-il corrompu au point de le rendre malade ?

Mon oncle a-t-il raison lorsqu’il affirme que la chefferie dans une contrée doit revenir uniquement aux natifs du village ? Zé Kitoumba n’a-t-il pas fait preuve d’incompétence dans l’exercice de ses fonctions ? Le travail et les résultats, n’est-ce pas ce qui compte dans la gestion de la chose publique ?  Mon oncle a promis de me raconter le reste de cette histoire après les Fêtes de Noël et du Nouvel An.

Je vous souhaite tous de passer une heureuse fête de Noël et Bonne Année 2017.

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe

Eduardo Scotty Makiese       

dimanche 4 décembre 2016

José Eduardo dos Santos: cette fois, c'est la bonne.


La semaine qui vient de s’écouler a été très riche en émotion dans notre pays. Après une importante réunion du Bureau politique du Mpla, réunion au cours de laquelle le président Dos Santos a exprimé son intention de ne pas briguer un autre mandat à la tête de l’État, c’est au Comité central du même parti qu’est échue quelques jours après la décision d’entériner non seulement le choix du leader du Mpla, mais d’avaliser aussi la nomination de Joâo Lourenço (ministre de la Défense et vice-président du Mpla sur la photo) et Bornito de Sousa ( ministre de l’Aménagement du territoire) comme têtes de liste du Mpla aux élections de 2017. À l’annonce de cette nouvelle, beaucoup d’Angolais se sont réjouis du fait que cette fois, Dos Santos a tenu parole. Erreur. Dos Santos ne se retire pas de la scène politique par sa propre volonté, il y est contraint par ses médecins. Depuis un certain temps ses visites médicales à Barcelone sont devenues très fréquentes, signe d’une rapide dégradation de sa santé. Les responsabilités à la tête de l’État exigent que le patron soit en bonne santé physique et mentale. Ne pouvant plus répondre à cette condition, Dos Santos, malgré lui,  a décidé de céder sa place au tandem proposé par le BP de son parti.

Le peuple a-t-il raison de se réjouir du retrait de Dos Santos ? Si c’est vrai que le président Dos Santos a toujours été un problème pour notre pays, le système qu’il a installé dans le pays pendant les 37 années de règne l’est autant. Lui partit, le Mpla et le système resteront en place avec leurs méthodes répressives. D’ailleurs, depuis quelques jours nous assistons à un conditionnement de l’opinion publique. En lisant les nouvelles sur les sites d’informations du gouvernement, on a l’impression que la monarchie est en train de s’organiser pour couronner le successeur du roi. Et les élections en 2017 ? Qui nous dit que le Mpla va les gagner ? La fraude électorale serait-elle déjà organisée ? Dos Santos et ses amis ont un bilan à défendre, et à ce que je sais, il n’est pas très brillant. Si Dos Santos dans les années 80 bénéficiait d’un important soutien populaire dans le pays, au cours de cinq dernières années, il a connu une période de dépérissement de son image. Un dépérissement lié à une ascendante impopularité au sein de la jeunesse qui, à travers les réseaux sociaux, l’accuse d’être un président qui recourt aux forces de la police pour opprimer tous ceux qui critiquent sa longévité au pouvoir. Les scandales de corruption et le népotisme ont été très préjudiciables à ses 37 années de règne. Je me demande si l’opinion lui pardonnera toutes les injustices commises pendant son long mandat.

En écrivant ces lignes, je m’interrogeais sur la lecture que font les Angolais de la situation politique dans leur pays. Il y a ceux qui comme des moutons suivent le berger sans se poser des questions, mais il y a aussi d’autres, comme vous et moi, qui cherchent à comprendre le pourquoi de ce qui se passe dans le pays. Parce qu’aussi incroyable que cela puisse paraître, peut-être vous ne la saviez pas, il y a des irréductibles dans les rangs du Mpla. Parmi eux, il y a des intraitables comme Manuel Helder Vieira Dias ou le Général  José Maria qui croient que le président, quel que soit son état de santé, ne peut pas quitter le pouvoir. Pour eux, le départ de Dos Santos signifierait la fin de leurs privilèges. D’ailleurs, pour montrer leur attachement à ces privilèges, à la réunion du Comité central, Manuel H.V.Dias a poussé Kundi Paihama, le fidèle parmi les fidèles, et Joanes André à  organiser à l’intérieur du parti un front des faucons opposés au retrait de la vie politique du président Dos Santos. C’est vraiment dommage pour lui que la tentative n’ait pas réussi. Toutefois, cela n’a pas empêché le puissant Général Zé Maria de tenter de prendre le président par les sentiments. « S’il s’en va, je m’en vais aussi » a-t-il confessé aux officiers de son service (source club-k.net) alors qu'il est déjà sur la liste des officiers qui iront à la retraite dans quelques mois. Voilà le genre d'officiers à qui les Angolais ont confié leur destin. Pitoyable. En tout cas, nous savons maintenant que pour lui, entre Dos Santos  et l’Angola, le choix est clair. Alors, je me pose la question de savoir : Au service de qui était-il pendant toutes ces années ? Dos Santos, serait-il à ses yeux, plus important que l’Angola ? Les masques vont tomber.   

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.  

Eduardo Scotty Makiese.

lundi 28 novembre 2016

La manifestation du 26 novembre 2016 interdite à Luanda.


Le 26 novembre 2016, cette date vous dit-elle quelque chose ? Non ? Je m’en doutais. C’est le jour que la société civile angolaise avait choisi pour organiser à Luanda une manifestation contre la nomination d’Isabel dos Santos à la tête du Conseil d’administration de Sonangol. Une entorse à la loi sur la probité. La demande en annulation déposée par un groupe d’avocats n’ayant pas abouti, un petit comité de patriotes composé de Marcolino Moco (frondeur du Mpla), William Tonet (journaliste Folha8), Luaty Beirâo (du procès 15+2), David Mendes (Mâo livre, avocat) et Sizaltina Cutaia ont décidé de braver la peur du régime et d’organiser une manifestation pour protester contre l’attitude complice du tribunal suprême dans le dossier « Isabel dos Santos-Sonangol ». L’organisation des manifestations ne requérant aucune autorisation, selon la constitution angolaise, 45 jours avant le 26 novembre, une note d’information par laquelle les organisateurs demandaient aux autorités urbaines de sécuriser les abords de la place du 1°Maio pour éviter tout débordement, fut adressée au gouverneur de la ville. C’est la procédure. On croirait que le respect de la constitution était entré dans les mœurs. Erreur. Deux jours avant l’événement, un communiqué de l’Autorité urbaine interdisait la manifestation sous prétexte que le Conseil des églises chrétiennes en Angola avait prévu d’organiser à cette date et sur le même parcours une manifestation ayant pour thème « le rôle de la femme religieuse dans la consolidation de la paix en Angola ». Foutaise !

Lorsque j’ai eu connaissance de cette information, je me suis rappelé ce qui se passe actuellement dans la très démocratique République du Congo (RDC) avec le président Joseph Kabila. Dans ce pays voisin de l’Angola, chaque fois que les partis d’opposition décident, pour une raison ou pour une autre, d’organiser un meeting ou une quelconque manifestation, les chefs de la police organisent un match de football (de 5heures du matin à 18 heures) à l’endroit prévu pour le meeting afin de les empêcher de s’exprimer. Nulle part ailleurs en Afrique on ne peut assister à ce genre d’écrasement.   Seule la région de l’Afrique centrale est en train de devenir le creuset des méthodes d’oppression dignes de machiavels. Après les changements de constitutions en Angola, au Burundi, au Rwanda, au Congo et au Tchad, le musellement des opposants par ce nouveau procédé qui apparemment ne viole aucune loi s’est déjà étendu au Gabon. Et demain…

Revenons au cas de l’Angola qui nous intéresse le plus. L’État, pour justifier l’annulation de la manifestation du 26 novembre, a utilisé le Conseil des églises chrétiennes en Angola (CICA) dont le rôle dans le scénario parait peu structurant. Nous sommes tous d’accord pour dire que les femmes ont, indiscutablement, le droit d’exercer de la manière qu’elles désirent leur liberté religieuse dans notre pays qui est un État laïc. Mais, que le CICA apparaisse au milieu d’un imbroglio d’histoires mal contées me rappelle des positionnements politiques qui avilissent l’image de l’Église. Est-ce le cas ? Peut-on affirmer que le CICA est inféodé au Mpla ? Il existe parfois des coïncidences qui nous obligent à nous interroger. Parce que la réalisation d’une marche pour la paix à une date hors du contexte et qui coïncide avec une autre manifestation convoquée par la société civile  et qui a été largement divulguée ouvre sincèrement des brèches pour plusieurs interprétations. À moins que quelque chose d’extraordinaire soit arrivé, on imagine mal la main de Dieu dans cette coïncidence.

Dénoncer une telle posture ne fait pas de moi un opposant. Ceux qui croient que je suis contre le Mpla se trompent sur toute la ligne. Ce que je condamne, c’est la politique et les méthodes du Mpla. Dans leurs agissements il n’y a pas de place pour le peuple. Sinon pourquoi il y aurait autant de pauvres dans notre pays ? « Avec cette posture, le Mpla est en train de semer les graines de la révolte sociale » a dit William Tonet.   A-t-il raison ? 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.

 

 

               

vendredi 25 novembre 2016

L'Angola, un pays riche en pauvres.


La semaine dernière, SIC tv, chaine portugaise d’informations, a présenté à ses téléspectateurs un reportage sur l’Angola d’aujourd’hui. Réalisé à l’intérieur du pays, ce documentaire dont le contenu reflète exactement le vécu de l’Angolais dans sa vie de chaque jour a été également vu par plusieurs milliers de téléspectateurs à Luanda. Moi, c’est sur internet (http://sic.sapo.pt/) que j’ai pu le regarder. Je l’ai trouvé intéressant et interpellant. « Angola, um pais rico com 20 milhôes de pobres » est le titre de l’œuvre télévisée. Contrairement au reportage diffusé par TVI il y a deux ans, exaltant en termes irréels et pompeux le soi-disant progrès social en Angola, le document  présenté par SIC tv retrace, à mon humble avis, une autre réalité, celle des hommes et des femmes qui vivent dans la misère et n’ont plus peur de dire la vérité. C’est à Chavoka, Catumbela, Lobito et Benguela que Sic tv a réalisé ce reportage plein de récriminations.

Au lendemain de la présentation de ce document, les réactions ne se sont pas fait attendre. Un des arguments de contestation officielle pour discréditer la chaine Sic tv est la négation des statistiques présentées par la télé portugaise. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Comment peut-on contester des chiffres qui sont publiés par des organismes internationaux auxquels appartient l’Angola ? 80% des élèves du primaire n’atteignent pas le niveau secondaire ; 60% de la population n’ont pas accès à l’eau potable ; 90% des habitations ne disposent pas du nécessaire pour l’hygiène basique ; 3% seulement du budget sont alloués à l’Éducation et 5% à la Santé. Présentés de cette manière, ces chiffres sont mortifères pour le pouvoir, mais ils ont la vertu d’indiquer à quel  résultat est arrivé un pays riche dans le processus de paupérisation de sa population. D’ailleurs, présentement, dans la liste des pays en voie de développement, l’Angola tient la queue avec la Birmanie, le Zimbabwe et le Swaziland. Ces chiffres sont aussi le résultat de la mauvaise gestion de la chose publique et du détournement de fonds publics qui, à la rigueur, peuvent servir d’exemple dans un quelconque manuel d’économie dont le titre serait « Comment paupériser un pays riche ». Sur un total de 188, l’Angola occupe la 149° place en termes de développement humain (IDH) ; l’espérance de vie est de 52 ans ; le taux de mortalité infantile est de 101 bébés sur 1000 (un taux supérieur à 10%) ; seulement 167,4 enfants sur 1000 atteignent l’âge de 5 ans (16%) ; le décrochage scolaire de 68,71% dans l’enseignement primaire ouvre la voie à l’analphabétisme.

Quant à la pauvreté, les statistiques indiquent que 43,4% de la population vivent avec 1,25 dollar par jour, soit 38 dollars par mois. À l’intérieur de cette population, une nouvelle classe a vu le jour, celle des travailleurs pauvres. Ils sont 56,4% et vivent avec 2,00 dollars par jour. Ceci signifie que le travail et l’emploi ne concourent plus à l’éradication de la pauvreté. Au contraire, cette valeur fondamentale qu’est le travail a perdu tout son contenu, et condamne une importante frange de la population au désespoir, la pire condamnation qui puisse exister dans le monde. Devant cette vérité, nous les Angolais devons dénoncer tous ceux qui manipulent, comme un certain camarade dont je préfère taire le nom, attaché de presse à l’ambassade de l’Angola à Lisbonne, les chiffres pour donner une meilleure image de notre pays à l’étranger. L’Angola doit être vu tel qu’il est avec ses insuffisances afin nous puissions les surmonter. C'est pourquoi je m'évertue à dire la vérité dans toutes mes analyses. Tous ceux qui croient en Dieu savent que la vérité affranchit. S'atteler à dire la vérité ne fait pas de moi un opposant au régime de Dos Santos. Si je prends le risque de publier ce qui fait mal à nos dirigeants, c’est parce que j’estime qu’il est de mon devoir d’informer mes concitoyens et les amis de l’Angola. Mon but n’est pas de renverser le régime et de prendre le pouvoir. Je n'en ai pas les moyens. Par mes écrits je veux susciter le débat et éveiller les consciences. Si nous étions plusieurs à accomplir ce devoir, nos concitoyens nous seraient très reconnaissants.

Honni, soit qui mal y pense.     


-          http://data.worldbank.org/


Je vous laisse ces liens pour qu’ils enrichissent votre recherche.

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.

 

         

dimanche 13 novembre 2016

Kundi Paihama, le Général devenu maître dans l'art de conditionner les opinions publiques.


Ma publication d’aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, ne se penchera pas uniquement sur l’analyse d’un fait, mais elle sera en partie consacrée au portrait d’un homme. Un homme qui par ses méthodes peu orthodoxes cultive et entretient l’image du Mpla au début de chaque campagne électorale ; un militaire converti en homme politique. Cet homme est un personnage qui intrigue et suscite autour de lui énormément de curiosité.   Plusieurs fois ministre et gouverneur de province, Kundi Paihama puisque c’est de lui qu’il s’agit, incarne à lui tout seul ce que le Mpla renferme de machiavélique. Il appartient, comme son collègue le général Zé Maria, à la catégorie de ceux qui, au sein du parti,  imposent leur volonté au président Dos Santos. Parler spécialement de ce Général/gouverneur c’est entrer au cœur du système qui soutient le parti au pouvoir. De tous ses camarades au sein du Mpla, il est un des rares dont la loyauté au président Dos Santos est indéfectible. Depuis 1979, il est omniprésent dans les sphères du pouvoir. Les analystes politiques à Luanda le considèrent comme faisant partie des hommes du président, intouchable et fidèle.   

Ce haut dignitaire du régime, très proche de Dos Santos, ne fait entendre le son de sa voix qu’à l’approche des élections. Dans la machine à faire « gagner » le Mpla, c’est lui qui conçoit l’élément de langage qui sert de soubassement à la propagande du parti. Sa stratégie consiste à insuffler dans l’esprit des Angolais l’existence dans le pays des bandes armées ou des terroristes imaginaires qui menaceraient l’intégrité territoriale et provoqueraient une conflagration. Dans un pays qui a connu 27 ans de conflit armé, agiter le spectre de la guerre réveille des peurs et des souvenirs que le peuple souhaite oublier à jamais. À l’approche des élections de 2017, le Général Kundi Paihama, devenu gouverneur de la province de Cunene après son éviction de Huila et Huambo, refait surface dans une affaire plus insolite que celle des armes cachées par l’Unita en 2012. Cette fois encore, le but poursuivi est le même: conditionner l’opinion nationale et internationale; emmener les éventuels électeurs à prendre fait et cause pour Dos Santos et ses amis malgré la situation désastreuse du pays. Pour convaincre l’opinion nationale de la sincérité de son argumentaire, comme d’habitude il s’est choisi une cible : le père catholique Jacinto Pio Wacussanga. Pourquoi lui ? Les propos tenus par ce prêtre au cours d’une interview à un journal de Luanda, quand on connait le soutien dont bénéficie le régime auprès de la CEAST (conférence épiscopale de l’Angola et Sao Tomé), dérangent au plus haut niveau de l’État. En temps ordinaire, c’est dans les églises que les prêtres angolais pendant les homélies se déchainent contre le régime. Jamais en public.  Pio Wacussanga en dénonçant le régime a franchi la ligne rouge. Et la réaction ne s’est pas fait attendre. Kundi Paihama, le gardien du patrimoine idéologique du parti est monté au créneau en qualifiant le curé de terroriste. De là à affirmer qu’il est membre de l’Unita, il n’y a qu’un pas. Je vous rappelle ici qu’en l’absence d’un motif plausible pour éliminer les adversaires politiques qui, selon le régime, sont des ennemis, Dos Santos et ses amis raffolent jouer la carte du danger terroriste ou du retour à la guerre civile. La prise de position du Père Wacussanga est venue les conforter dans leur politique d’exclusion et de stigmatisation. D’ailleurs, si ça se trouve, Kundi Paihama a déjà mis le nom du curé sur la liste des indésirables comme leader terroriste qui menace la paix chèrement conquise. 

« Être prêtre en Angola fut difficile à l’époque do communisme et de la guerre civile. Cette difficile situation continue aujourd’hui à cause du climat qui nous est imposé par le système en place dans le pays. En Angola, seuls les prêtres qui se consacrent à l’administration ou aux études notariales n’ont pas des problèmes. Mais tous ceux qui éprouvent de la compassion pour les pauvres et les exclus, entrent en collision avec le régime et ont des problèmes ». Plus loin dans l’interview, Pio Wacussanga ajoute: « La vague (tsunami) qui ronge le régime de l’intérieur est la corruption qui, alliée à la crise provoquée par le pouvoir, va favoriser la chute du Mpla. C’est inévitable. Cela prendra le temps que ça prendra. Le régime est, de facto, dans une situation de survie… » Pour Kundi Paihama, ces mots constituent une déclaration de guerre. Celui qui les a prononcés ne peut être qu’un terroriste.   

C’est cette attitude que je dénonce avec force. Au moment où nous nous battons pour mettre fin à la dictature du Mpla, nous ne pouvons pas accepter que constater et faire part de son constat puissent constituer un motif de représailles. Dans toutes les vraies démocraties, même dans celles qui sont en gestation, la tolérance est une attitude qui favorise le vivre ensemble. Constater n’est pas synonyme de critiquer. Même si on assimile un constat à une critique, est-ce une raison de taxer de terroriste  toute personne qui juge avec sévérité l’action du pouvoir ? Comment peut-on rester impassible devant l'arrogance de Kundi Paihama qui, avec dédain, nous jette à la figure: « Je dors bien, je mange bien, ce qui reste à ma table je préfère le donner aux chiens qu’aux pauvres qui habitent à côté de moi»? Cette phrase dépourvue d’humanité est l'expression du mépris dont nous sommes victimes.  Qu’en pensez-vous ?

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.

    

lundi 24 octobre 2016

"L'état de la nation" selon José Eduardo dos Santos.


Dans les pays véritablement démocratiques, comme les Usa, une fois par an le président se rend au congrès pour délivrer un message sur l’état de la nation. Il fait part aux congressistes de la situation réelle du pays et leur propose des solutions, à court et moyen terme, susceptibles de résoudre les situations qui requièrent une conclusion urgente.  C’est un exercice démocratique d’une grande portée politique. En Angola, chaque année à l’ouverture d’une nouvelle session parlementaire, le Chef d’État se soumet à cet exercice au cours duquel il est appelé à présenter au peuple la vraie photographie du pays. Le message qu’il livre est normalement  le résultat d’une l’analyse minutieuse que ses services font de la situation économique, politique et sociale du pays. Cette année, Dos Santos ne s’est pas dérogé à la règle. Seulement, cette fois en l’écoutant, je n’ai pas su reconnaitre le pays dont il parlait parce que la description qu’il faisait de notre pays ne correspondait pas à la réalité. Tous ceux qui ont eu, comme moi, le privilège de l’écouter ont eu l’impression qu’il parlait d’un autre pays.  Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui ont eu la même sensation et leur réaction s’est résumé en ces mots : « Le président qui s’est adressé aux députés de l’Assemblée nationale ne sait absolument rien de réalités du pays qu’il gouverne ». D’ailleurs comment le saurait-il ? Il ne sort jamais de son palais de peur de contracter le virus de la pauvreté et de la misère qui circule dans l’air de Luanda. Il se contente, quand la constitution l’astreint, de se rendre au parlement pour lire les discours que ses collaborateurs confectionnent et dans lequel ils omettent volontairement de transcrire la vérité sur la situation telle qu’elle est vécue par le peuple. Aucun mot sur la dette publique de l’État ; aucun mot sur l’expropriation de terres des paysans ; aucun mot sur la crise identitaire, sociale, institutionnelle et financière ; aucun mot sur la fièvre jaune qui a endeuillé plusieurs familles dans le pays ; aucun mot sur l’augmentation de la criminalité dans le pays ; aucun mot sur la corruption ; aucun mot sur les conditions salariales des travailleurs angolais ; aucun mot sur les démolitions des maisons dans les quartiers populaires au profit de dignitaires du régime.

Ces omissions volontaires que nous constatons chaque année dans les allocutions du président Dos Santos ne sont rien à côté des mensonges qui y trouvent une place de choix. Pour illustrer mon propos, la semaine dernière dans son message sur l’état de la nation, le président a affirmé : « malgré la crise provoquée par la baisse du prix du baril de pétrole, l’Angola s’en sort mieux que d’autres pays dans la même situation », à quels pays fait-il allusion ? Quand il parle de la diversification de l’économie : « le manque des conditions objectives a ralenti considérablement la diversification économique ». Quelles sont ces conditions objectives ? Ceux qui pillent l’argent de l’État et s’enrichissent aux dépens du peuple attendent-ils la création des conditions objectives pour s’enrichir ? Sur le plan social, Dos Santos a constaté, je ne sais par quel miracle, "une baisse progressive des prix des biens essentiels, une diminution du nombre de chômeurs, une amélioration de la vie sociale". Mais dans quel pays vit-il ? Les entreprises ferment, le chômage explose, les pharmacies dans les hôpitaux sont vides, et il affirme que tout va bien ?

Les Angolais espéraient que pour la fin de son mandat le président Dos Santos aurait le courage de leur dire toute la vérité sur l’état du pays, sans langue de bois. Espoir vain ! Ce n’est pas aujourd’hui, et encore moins demain, que Dos Santos, embourbé dans diverses malversations, va devenir à l’instar de Nelson Mandela ou Juluis Nyerere, un dirigeant politique honnête. Il est tellement corrompu que l’honnêteté ne fait plus partie de ses valeurs. Vous avez certainement eu vent de l’implication de l’Angola dans le procès « lava jato » au Brésil. Un procès dans lequel notre  pays est accusé, à tort ou à raison, de participation active à la corruption des dirigeants brésiliens. Voilà un sujet que le président aurait dû aborder pour lever le doute sur cette salissante accusation. Malheureusement, sur ce point le président n’a rien dit. Savez-vous pourquoi ? « L’épicentre de la corruption se situe à la présidence de la république, et Dos Santos n’a pas encore trouvé comment commencer un combat contre lui-même » m’a confié un frère angolais qui souhaite garder l’anonymat pour des raisons que vous connaissez tous. Il est du MPLA.

« En Angola, a ajouté le même frère, nous savons deux pays. Un pays formel qui fonctionne en respectant la constitution et un autre parallèle, dirigé par une machine complexe que la constitution ne connait pas. C’est cette machine qui contrôle l’État formel. À son sein, il y a des personnalités de diverses nationalités liées à la présidence de la république. L’État parallèle est exempté de tout contrôle ».  C’est de cet État là que Dos Santos parle dans son discours. Un État qui n’a rien à voir avec le peuple angolais.

Pour vous faire votre propre opinion : http://club-k.net/ integra-da-mensagem-sobre-estado-da-nacao

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.                

 

samedi 8 octobre 2016

Remaniements: on reprend les mêmes et on recommence. Pour quels résultats?


Le thème que j’aborde aujourd’hui est un sujet auquel peu de gens accordent de l’importance.  Beaucoup d’entre vous considèrent que cela ne vous regarde pas. Vous semblez ignorer ou vous ne mesurez pas l’impact que peut avoir la composition d’un gouvernement sur votre vie sociale. La qualité des personnes qui entrent dans un gouvernement est aussi importante que leur dévouement à la cause publique. Lorsqu’il est installé, un gouvernement est mis en place pour durer. Mais quand, pour une raison ou pour une autre, le chef de l’État est emmené à remanier son équipe, vous devez vous poser la question de savoir, pourquoi. Est-ce une question de cohésion, d’efficacité ou de loyauté ? En Angola, ceux qui s’intéressent à la politique de notre pays l’auront certainement remarqué, les évictions et les nominations sont monnaie courante. Il ne se passe pas six mois sans que des ministres et des secrétaires d’État soient débarqués du gouvernement. Dans les entreprises d’État et les conseils d’administration de certaines banques, c’est pareil. Et le chef de l’État abuse de cette prérogative. Lorsqu’en 2014 nous avons commencé à ressentir les morsures de la crise, nous attendions que Dos Santos use de ses attributs pour amorcer une cure d’amaigrissement de son exécutif et de sa pléthorique administration. Peine perdue ! Prisonnier de son entourage, il a maintenu en place son exécutif de 35 ministres, 45 secrétaires d’État, 18 gouverneurs de province, 54 vice-gouverneurs dont la qualité,  à quelques exceptions près,  laisse à désirer. Et quand il remanie, c’est pour reprendre les mêmes et recommencer. Au cours de son très long mandat, nous avons connu plus de dix-huit (18) remaniements et les résultats sont toujours les mêmes.  

Les exemples pour illustrer ce jeu de chaises musicales sont légion. Le camarade Kundi Paihama, connu pour ses méthodes crues et son inefficacité à gouverner une province, après Huila et Huambo, se retrouve à la tête de la province de Cunene. Promotion ou punition ? Si c’est sa mauvaise gestion dans l’affaire Kalupeteka qui lui a valu son éviction, pourquoi alors lui confier une autre province ? Manuel Muandumba, ancien ministre de la jeunesse et des sports ne nous a jamais donné l’image d’un ministre compétent. C’est sous son mandat qu’est né le Mouvement des jeunes révolutionnaires « revus ». De l’avis du régime, il n’a pas su donner à la jeunesse les outils nécessaires à un épanouissement qui correspond à la doctrine du parti. Et pourtant, il vient d’être nommé ministre de l’Insertion sociale. Armando Manuel, évincé du ministère des Finances se retrouve au Fond souverain de l’Angola. Ana Paula Neto, secrétaire d’État à la famille, malgré sa méconnaissance du domaine,  passe aux Sports tandis qu’Albino José Conceiçâo devient ministre des Sports et j’en passe. Ce sont toujours les mêmes, mais pour quels résultats ?

Sempre a mesma PANELINHA, o mesmo Guisado. Como sempre o POLEIRO e sempre o mesmo, apenas mudam de Lugar, sempre os mesmos Ministros, mesmos Governadores, mesmos Secretarios. Afinal de Contas um Ministro estudou tanto assim que pode sair de uma pasta para outra sem contudo ter a devida experiencia? Nosso Pais Angola parece um SACO roto ou entao parecido a uma PANELA com com o mesmo Guisado Queimado porque cheira sempre o Mesmo. Que pena! Sera que ja nao temos outras pessoas capazes de Governar o Pais? Ou Angola e propriedade do MPLA e dos seus Governantes? Me parece que sim, porque sao 33 anos sentindo o cheiro do mesmo Guisado. Isso ja Aborrece, porque ate mesmo os Cegos nao precisvam ver ou conhecer quem sao os Governates deste Pais. E SEMPRE A MESMA PANELINHA.

Ce commentaire est celui d’un citoyen angolais qui pense comme moi et qui a eu le courage d’exprimer son ras-le-bol sur le site www.voaportugues.com/a/1516627/html.  

Il y a longtemps que nous n’avons pas eu, en Angola, autant d’incertitudes quant à notre avenir. Quelles que soient les gesticulations de notre gouvernement, notre horizon socioéconomique parait limité par un mur invisible. Logiquement, c’est maintenant que nous avons vraiment besoin d’un remaniement de l’Exécutif qui apporte des réponses à nos problèmes. Au lieu de nous convier à un jeu de chaises musicales, pourquoi Dos Santos ne commencerait-il pas par réduire le nombre de ses collaborateurs ? Nous économiserions de l’argent qui servirait à acheter des vaccins pour la population, par exemple. C’est une piste à exploiter, qu’en dites-vous ? Le renouvèlement de la classe politique, c’est aussi une autre piste à examiner. De nouvelles têtes avec des idées neuves. Ne dit-on pas que ce sont les idées qui conduisent le monde ? Si Dos Santos est à court d’idées, alors…

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.     

 

 

dimanche 4 septembre 2016

Fraude électorale, l'outil par excellence de Dos Santos et sa clique.


Au moment où l’Angola se prépare à organiser, en 2017, les élections législatives, les seules auxquelles le peuple angolais a droit, il convient de s’interroger sur les techniques de fraudes que le Mpla apprête pour se maintenir au pouvoir. Parler de ce sujet à un an des élections n’est ni prématuré ni outrancier. Je tiens à préciser ici qu’une fraude électorale est un processus qui démarre plusieurs mois avant l’acte électoral. C’est d’ailleurs pour cette raison que Samakuva de l’Unita et André Mendes de Carvalho de Casa-ce se sont insurgé contre l’usurpation par le gouvernement des compétences attribuées à la CNE (commission nationale électorale). Dans l’enrôlement des électeurs, le ministère de l’Administration du territoire (MAT) s’est substitué à la CNE. Ce qui laisse croire qu’une fraude électorale est en préparation. L’inquiétude est-elle injustifiée ? Je me pose cette question parce que dans nos pays, pour donner l’impression que la démocratie est devenue une réalité, le suffrage universel loin d’être l’expression de la volonté populaire, devient le moyen par lequel le système politique se maintient au pouvoir, et par le même fait, exclut les populations comme à l’époque coloniale. Là où nous faisons l’apprentissage du droit à l’expression, les élites du Mpla travaillent à  la mise en œuvre du plébiscite dans la ligne des anciens partis uniques. Ne pouvant perdre le pouvoir, tout est fait pour que le Chef soit élu « démocratiquement ». Et c’est là que la fraude, ombre accolée à toute forme de suffrage, prend une dimension nouvelle. Elle légitime le pouvoir en privant le peuple du bénéfice de son choix.

Dans l’Afrique d’aujourd’hui, se perpétuer au pouvoir est devenu un impératif pour les gouvernements en place. Le Gabon des Bongo est l’exemple le plus récent. Pour y arriver, tous les moyens sont bons, et organiser une fraude électorale n’est plus comme jadis, elle est entrée dans les mœurs. C’est pour cette raison que les partis politiques de l’opposition passent plus de temps à trouver la parade à la fraude qu’à mobiliser leurs militants. Il suffit qu’il n’y ait pas fraude pour que le parti au pouvoir perde les élections, ça c’est connu.  « Dans les circonstances actuelles, si les élections sont justes et transparentes, le Mpla n’obtiendra pas plus de 10% de suffrage » a déclaré Adalberto Junior, président du groupe parlementaire de l’Unita à l’Assemblée nationale. C’est justement pour éviter un tel scénario que Dos Santos et ses amis s’évertuent à imaginer des solutions qui les mettent à l’abri d’un désastre électoral. Le MAT, dirigé par Bornito de Sousa, un très proche de Dos Santos,  qui pilote la manœuvre a d’abord proposé le découpage de la province de Moxico, dans sa majorité favorable à l’opposition, en deux petites provinces. Malheureusement, les projections préélectorales effectuées n’ayant pas donné les résultats escomptés, le projet a été balayé. « Aujourd’hui la fraude électorale est plus propre et revêt les apparences d’une transparence irréprochable » a affirmé Samakuva au cours d’un point de presse à Luanda. Si les inquiétudes de l’opposition sont avérées, le peuple angolais doit être vigilant, car la fraude électorale commence, à mon sens, avec la composition du corps électoral. Elle vise à l’élimination indue des électeurs à priori défavorables et à l’inscription indue des électeurs favorables au Mpla. Ces deux techniques, souvent utilisées conjointement, emploient des moyens similaires. Pour rendre effective la fraude, des complicités dans les services de l’administration communale et municipale sont nécessaires. Voilà pourquoi le Mpla refuse pour le moment d’organiser les élections locales. Dans les communes et municipalités sous contrôle de partis politiques de l’opposition, il est difficile au pouvoir de manipuler les chiffres.

L’autre forme que prend la fraude électorale est celle portant sur la campagne électorale. Lorsque le parti au pouvoir, en l’occurrence le Mpla, influence voire contrôle les médias (radio, tv, journal quotidien) il lui est facile de s’assurer la maitrise du discours et de limiter voire empêcher la propagande électorale d’autres partis. C’est le moyen moderne par excellence, car il respecte (sic) formellement les règles du vote et faute d’indicateurs pertinents et reconnus (qui ne sont pas toujours en place) il est difficile de prouver toute forme de fraude. Dans les milieux à fort taux d’analphabètes, ou peu accessibles aux médias, ces milieux sont particulièrement sensibles à la propagation des rumeurs et de toutes sortes de fausses nouvelles tendant à discréditer les opposants. Ces manipulations de l’information dont le Mpla est spécialiste sont des éléments constitutifs de la fraude électorale puisque leur but est de détourner les voix de l’opposition. En dehors de ce facteur, le rejet des candidatures adverses, l’emprisonnement, l’empoisonnement, l’assassinat des opposants et le bourrage d’urnes sont aussi une autre forme de fraude électorale. « Mieux vaut prévenir que guérir » disent les sages. Car malgré l’impopularité dont le Mpla fait l’objet  dans le pays à cause de la corruption, du chômage, du népotisme, de l’insécurité, de l’impunité, les ténors du Mpla ne cessent de claironner qu’ils vont gagner les élections. Comment vont-ils faire ? D’où leur vient cette assurance ? « Tala ku nseki…tala ku mamba » ! (Proverbe Kisuku= vigilance).

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.


jeudi 25 août 2016

VII°congrès du MPLA: des illusionnistes en quête des naïfs?


Le mois d’août qui s’achève a été marqué par la tenue à Luanda du congrès du MPLA, le VII° en 59 années d’existence. Pour une meilleure organisation de ses assises, et conformément aux pratiques démocratiques, un appel à candidatures a été lancé par le secrétaire général du parti pour le poste du président. Une manière de conférer, dans le cadre du processus de renouvellement des mandats, un caractère démocratique à l’événement. Seulement, les observateurs de la politique angolaise ont constaté, et porté à la connaissance du public, que jusqu’à la veille de l’ouverture du congrès aucune candidature n’était enregistrée par la commission instituée à cet effet. À mon avis, deux raisons peuvent justifier ce manque d’empressement à se déclarer candidat : soit, le MPLA ne dispose pas à son sein des cadres de qualité capables de se mesurer au président sortant, ou alors l’appréhension d’être considéré par ses pairs comme un vulgaire traitre ambitieux, irrespectueux de la ligne du parti qui privilégie la candidature unique.

Pour moi, et certainement pour beaucoup d’entre vous, les deux hypothèses émises par ces observateurs correspondent exactement à l’analyse que font certains Angolais sur le manque d’audace des cadres du Mpla. Je peux même ajouter que ces mêmes cadres n'ont aucune estime de soi, ils se rabaissent devant leur propre opinion publique. Ils n’ont aucune considération pour eux-mêmes. Ils choisissent de s’effacer pour ne pas perdre leurs privilèges. Le seul qui est sorti du lot est l’ambassadeur Ambrosio Lukoki, ancien membre du BP du Mpla, qui a eu des mots très durs à l’endroit de la direction de son parti la veille de l’ouverture du congrès. «L’impopularité de Dos Santos déteint sur le parti » a-t-il affirmé lors d’un point de presse à Luanda. « Aux militants sont imposées des positions qu’ils doivent accepter sans discuter. Et aussi longtemps que Dos Santos sera à la tête du parti, le MPLA ne sera plus jamais le parti que nous avons connu » a-t-il ajouté. À la fin de sa conférence de presse, il a demandé que son nom soit retiré de la liste du prochain comité central. C’est un acte politique courageux que je salue.

Le congrès a bien eu lieu du 17 au 20 août 2016. Sans surprise, José Eduardo dos Santos est réélu président du Mpla. Cela signifie que si son parti remporte les législatives de 2017, Dos Santos restera président du pays. Le système angolais ne prévoyant pas d’élection présidentielle, le pays sera dirigé par le chef du parti majoritaire. Dans ce cas, la promesse de quitter la politique active en 2018 tient-elle toujours ou devons-nous reconsidérer la « sage décision » du président ? L’honnêteté intellectuelle fait-elle partie des valeurs qui guident l’action politique de Dos Santos ? L’avenir nous le dira.

De quoi a-t-on parlé à ce congrès ? De rien de nouveau que nous ne savons déjà. Pourtant, les Angolais attendaient ce congrès avec beaucoup d’expectatives. Ils vivaient dans l’espoir de connaître le début de quelque chose d’important. Pour la première fois, pensaient-ils, Dos Santos allait faire taire les spéculateurs et prouver qu’il savait lire les signes du temps. Mais hélas, ils se sont trompés.   Au milieu des siens, tous à ses pieds, dans une salle d’adulation, Dos Santos a tenu, selon la Rfi, un discours offensif (sic). Il a, comme d’habitude, sous les applaudissements de ses laquais, fustigé les forces extérieures qui menacent sa paix et condamné ceux qu’il qualifie de « faux entrepreneurs » qui s’enrichissent sur le dos du peuple. Un discours soporifique, exactement comme celui du Mauvais Loup qui défend le végétarisme pendant qu’il est en train de dévorer un jeune sanglier. Comment croire en quelqu’un qui vous dit une chose aujourd’hui et son contraire le lendemain ? Rien d’important n’est sorti du congrès du Mpla. Les résolutions issues de cette rencontre n’ont surpris personne. Le Mpla n’a plus les moyens de sa politique. Ils ont parlé de la diversification de l’économie, le sujet à la mode à Luanda, c’est bien, mais avec quels moyens ? À dire vrai, ce congrès n’a été qu’une formalité. Puisque les statuts du parti l’exigent, alors ils l’ont organisé. Le comité central élu est une autre obligation statutaire qui consiste à contenter les naïfs qui croient encore dans les idéaux du Mpla. Après le congrès sera exactement comme avant le congrès. La corruption, les injustices sociales, l’impunité, l’exclusion politique, les démolitions des maisons de pauvres au profit de l’élite dont il n'a pas parlé, continueront à être une réalité dans l’Angola de Dos Santos. La nomination de Joâo Lourenço à la vice-présidence du parti et de Paulo Kassoma au secrétariat général ne changera rien à la politique menée par le Mpla depuis plus de 40 ans en Angola, et encore moins à sa manière de fonctionner. « Aidons le MPLA à se démocratiser » a écrit José Eduardo Agualusa dans sa dernière chronique «  nous y gagnerons tous ».  A-t-il raison ?   

 

 

Sobamasoba : l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.

       

 

            


lundi 15 août 2016

Angola - FMI : pourquoi Dos Santos s'est-il opposé à l'exercice de la transparence du FMI?


Après plusieurs semaines d’absence, (un grand malheur a frappé ma famille), je vous retrouve de nouveau pour qu’ensemble nous puissions partager, comme d’habitude, quelques réflexions sur ce qui se passe dans notre pays. Depuis ma dernière publication, beaucoup d’événements ont alimenté la vie politique et sociale en Angola. Vous m’excuserez de ne pas les citer tous, mais je vous suggère, si vous le voulez bien, d’aborder le sujet qui préoccupe incommensurablement les populations de l’intérieur comme celles de la capitale de notre pays : celui de la crise qu’elles vivent et de la manière dont le président Dos Santos envisage d’y apporter des solutions. Si je propose que notre réflexion se porte sur la situation chaotique, je n’exagère rien, créée par Dos Santos, son gouvernement et sa majorité parlementaire, c’est parce que cela nous concerne directement, nous, nos enfants et les enfants de nos enfants. Dans sa politique économique et financière, Dos Santos nous mène depuis plusieurs années sur le chemin des emprunts à outrance. Or, chaque fois que le pays emprunte de l’argent, il faut penser à son remboursement. Qui dit crédit, dit acquittement, dit intérêts. Des intérêts qui se chiffrent à des milliards de dollars et s’échelonnent sur plusieurs années. Ceux qui, comme Dos Santos et ses amis contractent ces dettes aujourd’hui, pillent les caisses de l’État s’en iront et ce sont les autres qui à travers des injustes impôts viendront payer la facture. Comme dans beaucoup d’autres pays africains, la corruption et la mauvaise gestion de la chose publique nous ont amené dans le gouffre que nous connaissons actuellement. Les emprunts chinois se sont tellement accumulés que le président Dos Santos pour éviter une asphyxie totale du pays a envisagé de se tourner vers le FMI (Fonds Monétaire International). Enfin, une sage décision, a-t-on entendu dans les rues de Luanda. 

Avec la chute du prix du baril de pétrole (le pétrole nous sert de monnaie d’échange dans la majorité de nos transactions commerciales), quémander une nouvelle ligne de crédit auprès des Chinois devenait déshonorant au regard de ce que nous leur devons. Croyez-moi, notre dette envers la Chine est énorme. Le FMI était devenu, de toute évidence, une partie importante de la solution à notre problème. Tout de suite après la demande de l’Angola, nous avons vu débarqués à Luanda les experts du FMI décidés à faire le ménage. Seulement, dès les premiers contacts, le climat s’est crispé. Les Angolais ne le savaient peut-être pas, mais pour obtenir l’appui du FMI, il faut se plier à certaines exigences. Selon ce que j’avais compris, et je ne suis pas seul, l’Angola devait exécuter le même programme qui a été appliqué au Portugal en 2011-2014 en se soumettant à une espèce de « strip-tease » des finances publiques, du budget et de toutes les pratiques et procédés liés aux recettes et dépenses de l’Etat. Vu sous cette optique, cela ne m’étonne pas, et vous non plus d’ailleurs, que le président Dos Santos ne soit pas disposé à permettre une analyse transparente et publique des comptes de l’Etat et de ses associés. Le président Dos Santos a vu ce qui est arrivé au Portugal : on a découvert que les banques étaient en faillite à cause des magouilles entre politiciens et entrepreneurs ; que son ami Socrates est allé en prison ; on a révélé que, comme en Angola, durant des années les comptes publics étaient maquillés et la dette de l’Etat supérieure à ce qu’on laissait croire. Si au Portugal le FMI a découvert toutes ces « erreurs de gestion », quelles seront les conséquences d’un contrôle méthodique et sérieux mené par des experts en Angola ? Dos Santos a pris peur. Voilà pourquoi il a décidé de refuser l’appui du FMI. C’est pour ne pas montrer les squelettes qu’il cache dans ses placards. Il ne veut pas qu’on lui pose des questions embarrassantes. C’est lui le Chef de l’Exécutif, non ? 

La situation en Angola a, naturellement, ses particularités. Il n’y a rien que je puisse ajouter que vous ne sachiez déjà. En ce moment ce qui parait grave, sur le plan économique et financier, c’est l’absence totale de cap. L’Exécutif est complètement désorienté. Il navigue comme un navire sans boussole. Beaucoup commencent à douter de la capacité du capitaine à conduire le bateau à bon port. Il faut stimuler l’économie, mais il n’y a pas d’argent public. Les caisses sont vides. La dévaluation de la monnaie nationale que nous avons connue n’a pas boosté les exportations. Les économistes pensent qu’une autre dévaluation ne fera qu’aggraver l’inflation. Il est donc urgent, nonobstant la situation dans laquelle nous nous trouvons, de faire des réformes et une restructuration profonde pour surmonter la situation actuelle.  Il est évident qu’avec le FMI l’Angola aurait bénéficié d’un excellent plan de réformes pour faciliter la récupération du pays, mais au lieu de cela Dos Santos a choisi la voie du désastre économique. Aux dernières nouvelles, il envisage d’emprunter 16 milliards de dollars pour réajuster son budget 2016. Dans cette sorte d’égarement intellectuel, où compte-t-il mener le pays?  Combien de générations faudra-t-il pour payer notre dette publique ? Obscure perspective.

 

Sobamasoba : l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.

             

  


mercredi 22 juin 2016

L'opposition politique angolaise va-t-elle à la dérive?


GENVAL. Il y a quelque temps, ce nom ne signifiait absolument rien pour beaucoup d’entre nous. C’était juste le nom d’une petite commune dans la banlieue de Bruxelles. Une petite commune qui a eu l’honneur d’accueillir les assises de partis politiques congolais d’opposition. Du 8 au 9 juin 2016, les opposants au régime de Kabila se sont rencontrés pour élaborer une stratégie commune. Les résolutions issues de ce conclave définissent clairement leur position. À Kinshasa, le camp du président Kabila, arrogant et moqueur, exprimait des doutes quant à l’union des opposants. Et pourtant, ils sont arrivés à dégager un consensus autour de l’ordre du jour proposé par les organisateurs de la réunion.

Lorsque j’observe la détermination et le patriotisme avec lesquels ces forces politiques congolaises de l’opposition se démènent pour faire entendre leurs voix et occuper l’espace qui leur revient de droit dans le pays, je suis très admiratif. À travers leurs actions, manifestations et meeting, qu’ils osent organiser dans leur pays, j’ai le sentiment d’avoir en face de moi des hommes et des femmes qui croient dans ce qu’ils font et ont la profonde conviction d’aller dans la bonne direction. Le courage dont ils font preuve, malgré les différences qui existent entre eux, mérite une immense admiration de tous ceux, comme moi, accompagnent le processus de démocratisation en RDC. Même si leur démarche est entachée de quelques imperfections, ce qui est tout à fait normal, il faut reconnaitre qu’à GENVAL, ils ont été capables de mettre de côté leurs ambitions personnelles pour privilégier les intérêts du peuple. Seuls nos frères du Burkina Faso peuvent en dire autant.

En Angola, mon pays, je souhaite que les choses se passent de la même manière que chez nos voisins. Malheureusement, à Luanda, quoique l'on dise, les opposants sont soumis au régime et sont complices des excès que ce même régime commet. Les leaders angolais de l’opposition et leurs partis politiques ne se distinguent pas de ceux qui ont opté pour la dictature dans le pays. De temps en temps, ils nous servent un discours moralisateur pour montrer qu’ils existent, et puis plus rien jusqu’à la prochaine déclaration. L’Angola vit une grave crise avec un chômage qui ne cesse d’augmenter à cause de la fermeture des entreprises et du manque de devises dans le système bancaire pour l’acquisition de matériel et de matière première, que fait l’opposition ? RIEN.

Le pays assiste à une importante fuite des capitaux favorisée par la clique de Dos Santos, sa famille et ses amis. Environ 400 millions de dollars volaient, en temps de vaches grasses,  vers d’autres cieux chaque semaine. Qu’a fait l’opposition ? RIEN.

Nous assistons à la hausse vertigineuse du coût de la vie avec l’augmentation de prix des livres, des uniformes, du droit d’inscriptions pour les étudiants, des principaux produits alimentaires, du combustible pour les véhicules et les générateurs (l’électricité est un bien précieux en Angola), que fait l’opposition ? RIEN.

En 2011, des jeunes de Luanda se sont organisés en mouvement révolutionnaire pour protester contre la politique de Dos Santos et son maintien trop prolongé au pouvoir (à l’époque 32 ans). Ils furent arrêtés en 2015, jugés de la manière dont on connait l'irrationalité et condamnés dans des circonstances que tout le monde connait. Avant leur détention, ils ont tenté, seuls, à plusieurs reprises d’organiser des manifestations qui ont toutes été dispersées. Aucun parti de l’opposition n’a montré le bout de son nez pour les soutenir. Face à cette oppression du régime, aux arrestations arbitraires et aux injustices, que fait l’opposition ? RIEN.

Plus grave. La politique discriminatoire du système bancaire qui condamne les enfants de pauvres à l’analphabétisme. Les prix élevés de droits d’inscriptions dans les universités publiques et privées quand les salaires des parents sont insuffisants bloquent l’émergence des cadres issus des milieux pauvres. Ceux qui ont pu, avec beaucoup de sacrifices, envoyer leurs progénitures aux études à l’étranger sont aujourd’hui complètement asphyxiés. La seule option qui leur reste : faire revenir les enfants au pays. Même quand ils ont eu la chance de bénéficier d’une bourse d’études, aujourd’hui ils ne reçoivent plus rien. À ce sujet, que fait l’opposition ? RIEN.

La police nationale, les agents de contrôle (agentes de fiscalizaçâo), les militaires rançonnent la population, maltraitent les petits commerçants ambulants (as zungueiras), confisquent leurs biens et moyens de subsistance dans un pays où trouver un travail est un chemin de combattant, que fait l’opposition ? RIEN.  

À regarder ce tableau, on dirait qu’en Angola il n’y a pas d’opposants. Il n’y a personne de la dimension de Jonas Malheiro Savimbi, capable d’élever la voix et de dire STOP. Et pourtant, dans la Constitution angolaise, il y a des dispositions qui, légalement, permettent à l’opposition de s’exprimer. Des politiciens comme Marcolino Moco, Samakuva, Sediengani Mbimbi, Ngola Kabangu Eduardo Kuangana, Filomeno Vieira Lopes, Chivukuvuku, Lopo do Nascimento et autres, au lieu de lire les signes du temps, adopter des politiques de contestation parlementaire, dénoncer des  excès du régime, ils s’enferment dans leurs cocons en croyant que seuls, chacun de nous dans son coin, nous pourrons déboulonner le régime et son système de corruption. D’eux, le peuple attend une véritable UNION de l’opposition avec un projet viable ; une plate-forme politique du changement. Il est temps que, comme les Congolais de la RDC, les opposants à la politique du Mpla se mettent autour d’une table pour débattre de l’Angola. Est-ce trop demander ?    

 

Inspiration : William Tonet

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.          

mercredi 8 juin 2016

L'Unita, victime de l'intolérance politique ou de vengeance?


En ce début du mois de juin, l’actualité est dominée par la nomination de Isabel dos Santos, fille du président Dos Santos, à la tête du conseil d’administration de Sonangol, une entreprise d’État dont l’envergure n’a pas d’égal dans le pays. 80% du budget national proviennent des recettes pétrolières. Sonangol est une vraie vache à lait pour l’État angolais et le parti au pouvoir. Confier sa direction à quelqu’un de confiance ne pouvait vraiment pas surprendre. C’est la personne choisie pour occuper le poste qui pose problème. Si la nomination de Filomeno Zenu à la tête du Fonds souverain n’a pas suscité beaucoup de réactions, celle de sa sœur ainée semble très amère à avaler. « Le Mpla a perdu toute capacité d’arrêter les excès de José Eduardo dos Santos » pouvait-on lire dans un communiqué de CASA-CE, le parti de Abel Chivukuvuku. Des mots très forts pour stigmatiser le népotisme devenu monnaie courante dans la gestion de la chose publique en Angola. Casa-ce n’est pas le seul parti d’opposition à désapprouver la nomination de Isabel dos Santos, d’autres voix, notamment celles de l’Unita et du Prs, se sont aussi levées pour condamner l’acte posé par le président angolais. Des avocats et juristes réunis autour de David Mendes ont décidé de saisir le Tribunal suprême pour annuler ladite nomination. Même si la démarche n’aboutit pas, au moins ils auront essayé.

Maintenant, revenons à notre sujet du jour : l’intolérance politique.  J’ai choisi ce thème à cause de ce qui s’est passé à Kapupa, il y a quelques jours. Une caravane de l’Unita a été attaquée par des individus non identifiés. Bilan : 3 morts, 4 disparus et plusieurs blessés. Devant cet acte de barbarie, les dirigeants de l’Unita ont crié à l’intolérance politique et demandé qu’une commission d’enquête parlementaire soit dépêchée sur le lieu afin de s’en quérir des faits et d’établir un rapport à l’intention de l’Assemblée nationale. Devant une situation de cette nature, et ce n’est pas la première fois que cela arrive, la sagesse nous conseille d’éviter la précipitation et l’émotion. Alors dans le calme, je vous suggère de remonter le temps comme j’aime bien le faire pour trouver une explication plausible à ce tohu-bohu.  

Commençons par intégrer la notion de l’intolérance.  Qu'est-ce qu'une intolérance ? « C’est une disposition haineuse envers ceux qui ont d’autres opinions que soi. Une incapacité viscérale à accepter l’autre ». Dans le cas qui nous concerne, à quel moment les faits qualifiés d’ « intolérances politiques » sont-ils apparus dans l’existence des Angolais? Sauf erreur de ma part,  c’est après les accords de Luena, ceux qui ont mis fin au conflit armé entre le Mpla et l’Unita. Le rapport qui s’est établi entre les deux belligérants étant celui d’un vainqueur et d’un vaincu,  il s’avère que l’arrogance de l’un ne laisse, jusqu'aujourd'hui, aucun espace à l’humilité de l’autre. Dans ce rapport inégal, les vaincus, diminués psychologiquement, se sont attelés petit à petit à élaborer une parade. Chaque fois qu’un quelconque membre de l’Unita est agressé, les « maninhos » s’en pressent de mettre l’agression sur le compte de l’intolérance politique sans vraiment apporter les preuves de ce qu’ils avancent. Cette méthode de victimisation, en d’autres cieux et en d’autres lieux, a donné des résultats escomptés. D’ailleurs le Mpla procède aussi  de la même manière quand ils sont acculés. Eux ils brandissent la « menace de la paix ». Mais ce qui surprend dans le cas de l’Unita,  les supposés actes d’intolérance politique dont ses membres sont victimes ont souvent lieu dans le Centre-Sud de l’Angola. Jamais ailleurs. Qui pratique cette intolérance dans une zone censée favorable à l’Unita? Et pourquoi ? Au début de ces agressions, l’Assemblée nationale avait constitué une commission parlementaire pour évaluer la situation. À la fin de ses travaux, la conclusion fut sans appel : aucune intolérance politique n’avait été constatée. Selon les dépositions recueillies auprès des citoyens de la région, « représailles et vengeance » ont été retenues comme motifs d’agression. Représailles et vengeance des populations sous contrôle de l’Unita durant les 27 années de conflit armé. Ces allégations qui sont difficiles à prouver  laissent entendre que les soldats de l’Unita n’ont pas été des saints pendant toute la durée du conflit. Ils ont commis des excès sur les populations sous leur contrôle. Une assertion que seuls les dirigeants de l’Unita peuvent expliquer, car ces hommes et ces femmes qui ont été tués ou qui sont portés disparus viennent de familles qui n’ont jamais digéré leur disparition. Rassurez-vous, ceci ne concerne pas seulement l’Unita. Le Mpla et le Fnla ne sont pas exemptés de la colère latente des habitants des localités qu’ils appelaient leurs « régions militaires ». Eux aussi ont commis des excès, des dégâts collatéraux, même si on n'en parle pas. 

L’histoire de l’Angola indépendant ne commence pas avec la fin du conflit armé entre le Mpla et l’Unita. Avant ce conflit, pendant les années qu’a duré la guerre d’indépendance, les trois mouvements de libération de l’Angola (Mpla, Fnla, Unita) ne se comportaient pas comme des associations philanthropiques. Et leurs leaders encore moins. Chacun d’eux avait les mains tachées de sang. Dans les prisons de Kinkuzu beaucoup de jeunes gens ont disparu sans laisser des traces. Le frère de Deolinda Rodrigues nourrit une haine viscérale à l’endroit du Fnla, vous savez pourquoi ?   Le 27 mai 1977, le leader du Mpla n’a pas hésité à faire fusiller Nito Alves et ses compagnons. Luanda a connu le plus effroyable bain de sang de son histoire. Le dernier des trois qui était beaucoup plus jeune  a tué presque toutes ses épouses. Tous ces morts et disparus sont des Angolais et ont de la famille dans le pays. Et personne n’est capable de déterminer avec  exactitude le degré du sentiment de vengeance et de haine qui  se développe à l’intérieur des membres de ces familles. Chaque fois qu’ils voient des dirigeants de ces mouvements ou partis se pavaner dans le pays sans être inquiétés, ils cachent mal leur état d’emportement. Et quand les conditions sont réunies pour commettre l’irréparable, ils n’hésitent pas.  Dans cette situation, l’Unita est plus exposée. Quant au Mpla, il est pour le moment protégé par le pouvoir. Le jour où il y aura une alternance dans le pays, ils verront le vent changer de direction et ce sera l’heure de payer. Pensons à ça, avant de qualifier d’intolérance politique tout acte d’agression contre les militants d’un parti. Ce que certains considèrent comme de l’intolérance politique, c’est tout simplement de la vengeance.  C’est vrai que certains militants fanatiques trop zélés peuvent commettre des actes répréhensibles, mais ce sont des cas isolés. Avec tout ce dont ils disposent, le Mpla peut-il s’abaisser à des actes d’une telle bassesse ? Je vous laisse le soin de répondre à la question.

     

Inspiration : Makuta Nkondo.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.