samedi 21 novembre 2020

RÉPRESSION : l'arme absolue.

Que retiendra l’opinion publique de la célébration du 45e anniversaire de l'indépendance nationale de l'Angola et du MPLA au pouvoir depuis 1975 ? Sans aucun doute, entre autres faits, la répression des marches de protestation qui ont eu lieu dans diverses régions du pays en raison des revendications sociales et politiques des jeunes angolais. Pour la première fois depuis les manifestations inspirées par le printemps arabe en 2011 au Maghreb, nous avons vu la police angolaise  tirer des balles réelles sur un jeune manifestant. Il est mort, même si les chefs de la police angolaise ne veulent pas le reconnaitre. Il s'agit de Inocêncio de Matos, étudiant à l’Université Agostinho Neto en troisième année d'ingénierie. Selon les informations en provenance  en ma possession, plusieurs cas de citoyens blessés sont également signalés. Dans différentes régions à l’intérieur du pays, il y a eu une vague d'arrestations, dont celle de huit activistes dans la municipalité de Balombo, à Benguela, la veille de la manifestation. L'une des conséquences de l'irresponsabilité politique qui, en général, caractérise la société angolaise est l'incapacité des autorités de rendre compte des  résultats de leurs actions. Cela s'apparente à une absence de préoccupation collective pour la vie de nos concitoyens. Le gouvernement a mis en place, à travers tout le pays, ce 11/11/2020 un appareil policier extraordinaire de répression pour étouffer dans l'œuf les manifestations. À Luanda, la police a isolé plusieurs quartiers de la capitale, dont Kilamba,  empêchant de cette manière  la circulation des taxis et des citoyens dans toute la ville. C'est pareil dans les villes de provinces. À Cabinda, les agents de sécurité ont envahi le domicile de Dom Balmiro Chissengeti, évêque de Cabinda. Pourquoi?  Ce sont ces méthodes de répression sauvage qui ont réveillé dans la mémoire collective le souvenir d'un pays qui,  à l'époque coloniale, donnait envie d'y vivre, mais  après 45 ans, l'Angola n'est plus qu'un désastre social.    

Il y a 45 ans, l'Angola était le 1er producteur mondial de sisal et d'huile de palme, 2ème producteur mondial de café, 2ème producteur mondial de sucre, 2ème producteur mondial de coton, 4e producteur mondial de maïs et de riz, le plus grand exportateur de bananes au monde, possédait la plus grande usine de pneus et de batteries en Afrique, la plus grande flotte de pêche en Afrique construite dans les installations navales de Lobito, le plus grand exportateur de conserves de poisson d'Afrique, l'un des plus grands producteurs au monde de divers minerais et roches. Le port minier de Namibe était un des meilleurs au monde, réussissant à charger des navires à un taux de 50 tonnes par minute, par lequel passaient six (6) millions et trois cent mille tonnes de minerai de fer par an. Le pays était autosuffisant en produits agricoles et fruits, haricots, produits laitiers, viande (exportation d'animaux  vivants) et le plus grand exportateur de bœuf et de poisson d'Afrique (le plus grand exportateur de farine de poisson en Afrique), en plus d'approvisionner toute l'Afrique australe et certains pays européens en conserves de poisson, et à cette époque il n'était pas question de pétrole. La capitale, Luanda, fut construite avec l'argent du café. Le pays disposait d'une chaîne de montage de camions Mercedes et Scania, ainsi que de bus Leyland, d'une usine de motos, de vélos, de réfrigérateurs et de câbles électriques. La croissance du PIB en 1973 était de 17%. À ce rythme de croissance quel serait la situation de ce pays aujourd'hui si les dirigeants étaient à la hauteur de leur tâche? 

45 ans après, quel tableau peut-on peindre de ce pays qui avait tous les atouts pour réussir? Un tableau noir avec des ilots de lumière par-ci, par-là. L'arrivée du Général Lourenço au pouvoir n'a apporté aucune touche nouvelle à ce tableau. Entourés des anciens dirigeants hérités de son prédécesseur, l'image  sur le tableau est restée figée.  Les anciennes pratiques ayant la peau dure, le Général Lourenço est pris en otage par ses propres camarades englués dans la corruption et la compromission. Associés à leurs nouveaux amis Chinois, ils sont de plus en plus riches et leurs affaires sont très florissantes. Pendant ce temps, les Chinois qui viennent pour construire les infrastructures, s'amènent avec leurs matériaux, leur force de travail. Les cadres angolais ne sont pas admis dans les entreprises chinoises qui pourtant sont payées avec du pétrole vendu à un très bas prix. Quant à leurs autres amis,  les Cubains, ils ont en 1989, avant de rentrer chez eux, détruit toute notre capacité de production de sucre, pour ne pas avoir de concurrents.

Le réveil, quoique  tardif,  de la jeunesse angolaise est perçu par l'opinion nationale comme un sursaut patriotique. Même si ce réveil ne provoque pas des résultats immédiats, le Mpla ne regardera plus ces jeunes de la même manière. Le 11/11/2020 est la ligne qui a marqué la séparation. L'avenir nous dira si les actions de notre jeunesse auront servi vraiment à quelque chose. Et vous, vous croyez que les jeunes ont bien fait d'exprimer leur ras-le-bol?   

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Eduardo M.Scotty















samedi 7 novembre 2020

Que se passe-t-il en Angola? Le Général Lourenço renoue-t-il avec les anciennes pratiques?

Cette question est sur toutes les lèvres dans les milieux intellectuels angolais et au sein des communautés angolaises à l'étranger. La manifestation organisée le 24/10/2020 par la jeunesse à Luanda et dans quelques villes à l'intérieur du pays a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective. Jamais en Angola, à l'époque de Dos Santos, les jeunes ne s'étaient permis de défier l'autorité. Après son départ du pouvoir, le semblant d'ouverture politique amorcée par Joâo Lourenço a généré une certaine  confiance  dans la population au point où manifester est redevenu un droit. Un droit consacré dans la constitution. 

"Chassez le naturel, il revient au galop".  Il est difficile de changer en trois ans des habitudes acquises pendant plus de quarante ans. La police censée encadrer la manifestation du 24/10 s'est comportée exactement comme à l'époque de José Eduardo dos Santos. Obéissant aux ordres de leur  hiérarchie, les policiers ont interpellé  brutalement une centaine de jeunes manifestants. Une brutalité  qui  a occasionné inutilement des blessés et des arrestations. Parmi les interpellés, 71 sont condamnés pour "crime de désobéissance" et 29 sont relaxés. Dans les quartiers périphériques de Luanda, en réponse à cette brutalité, les états majors des jeunes s'organisent pour une méga manifestation le 11/11. Sur les réseaux sociaux, les jeunes angolais de la diaspora s'apprêtent, par solidarité à leurs frères de l'intérieur, à battre le pavé et lancer, à travers des manifestations dans plusieurs villes européennes, un message fort au Général Lourenço et à son gouvernement. Les promesses électorales non tenues par le Général Lourenço et les engagements pris  lors de ses  campagnes de mobilisation, ont fini par impatienter les jeunes. C'est le ras-le-bol. Trois ans après son arrivée au pouvoir, aucune excuse n'est plus permise. Le chômage est endémique. La lutte contre la corruption et l'impunité est sélective. Les conditions sociales de la population continuent désastreuses. Ceux qui travaillent gagnent un salaire de misère.  Ce tableau noir a fini par réveiller les consciences endormies pendant des années par la soporifique propagande du Mpla. Ce réveil, même tardif des jeunes, a généré une sorte de révolte au sein de la jeunesse. La date du 11/11, pour une grande manifestation, n'est pas choisie au hasard. D’ordinaire, c'est ce jour que, comme un seul homme, tous derrière le Mpla, le peuple fête sa libération du joug colonial et l’accession du pays à la souveraineté. Et depuis 44 ans, les festivités allusives à cet événement se passent sans aucune perturbation.  Seulement, cette  année risque de ne pas ressembler aux autres. L’arrivée au pouvoir du Général Lourenço en 2017, avec son lot des promesses électorales, a redonné de l'espoir aux Angolais. La lutte contre la corruption, l’amélioration des conditions sociales de la population et la création de 500.000 emplois pour les jeunes font partie  de ces promesses électorales. Seulement, entre promettre et concrétiser, la marge est immense. C’était sans compter avec la crise économique qui s’est abattue sur le pays privant le Général Lourenço des moyens de sa politique. La baisse du prix du baril de pétrole oblige le gouvernement à revoir ses prétentions au rabais. La découverte de l'immense trou financier laissé dans les caisses de l'État par les détourneurs de fonds publics handicape tout plan de développement. Il est donc  du devoir de Joâo Lourenço d'expliquer clairement à ceux qui lui ont confié son mandat de Chef de l'État les problèmes que connait le pays. Mais comme le Mpla n’a aucune culture du dialogue, tous les partis marxistes léninistes sont pareils, informer le peuple des difficultés que connait le pays s’apparente à un viol d'un secret d’État. Cela donne souvent cours à des spéculations. Et les jeunes qui, durant des années ont souffert en silence, ont décidé de remettre les pendules à l'heure et de demander des comptes au Général Lourenço. C'est le devoir de redevabilité. 

Que l'Unita soit derrière cette manifestation ou pas, que c'est que cela change? La manifestation n'est-elle pas un droit constitutionnel? Est-il interdit aux partis politiques de manifester?

Quarante cinq ans après, le problème de la distribution de l'eau potable et de l'électricité est toujours récurrent. La mauvaise qualité des soins médicaux et le manque des médicaments dans les hôpitaux, le manque des transports publics, la piètre qualité de l'enseignement et la lourdeur de la bureaucratie ne sont-elles pas des raisons suffisantes pour emmener les jeunes à manifester leur mécontentement? Faut-il pour cela que l'Unita soit derrière ce mouvement? C'est une insulte à notre jeunesse. Et vous, qu'en pensez-vous? 

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Eduardo M.Scotty