Il
y a environ un mois depuis que Joâo Lourenço exerce les fonctions de Chef de
l’État en Angola. Porter un jugement sur sa manière de gouverner le pays,
pendant les trente premiers jours de son mandat, est, à mon avis, un peu
prématuré. Toutefois, compte tenu de ce qui se dit à son sujet, il n’est pas
absurde d’analyser les premières mesures prises par lui et son gouvernement
depuis leur arrivée au pouvoir. Dans ma dernière publication, parue après la
promulgation de ce nouveau gouvernement, j’ai focalisé mon analyse sur un
élément qui m’a paru fondamental et qui est intervenu dans la composition de
cet exécutif : le népotisme. Beaucoup d’observateurs de la politique
angolaise ont, comme moi, retrouvé dans ce premier cabinet Lourenço la griffe
de José Eduardo dos Santos. La configuration de l’équipe Lourenço ressemble
tellement à celle de son mentor que nous croyions tous à la main mise du parti
sur le gouvernement. Finalement Dino Matross, secrétaire général du Mpla,
a-t-il raison quand il affirme que Joâo Lourenço est tenu à obéir aux
injonctions de son parti ?
Visiblement,
il y a léger vent de rébellion qui souffle à la « Cidade Alta ». En
analysant les informations en provenance de Luanda, j’ai la nette impression
que le nouveau Président de l’Angola veut s’émanciper de la puissante tutelle
du Mpla. Ses pas sont encore hésitants, mais on sent une certaine fermeté dans
sa démarche. Dès qu’il a été informé par le Procureur général de la République des
poursuites dont Carlos Aires da Fonseca PANZO, son secrétaire aux affaires
économiques, faisait l’objet par la justice helvétique (Suisse), il l’a, sans
hésiter un seul instant, démis de ses fonctions. En 42 ans, c’est une première
pour les Angolais. Seulement, n’allons pas trop vite en besogne. Quel crédit
doit-on accorder à cet acte ? Quand l’aumône que l’on donne à un mendiant
est trop conséquente, le mendiant se méfie. Poser un acte d’une telle grandeur,
dans un pays où l’impunité est une règle, rend l’acte suspect aux yeux des
personnes averties. Mais il y a un doute raisonnable. D’autres actes posés par
le nouveau président laissent croire à un véritable changement de mentalité dans
la conduite de la politique en Angola. Voyons quelques exemples qui sortent de
l’ordinaire :
Quand
elle a été nommée à la
Présidence de Sonangol,
Isabel
dos
Santos
a démis l’ancien Président de
la commission exécutive de Sonangol (Recherche et Production SNL), Carlos
Sousa e Oliveira, dans des conditions humiliantes en l’accusant de présenter « des insuffisances en
matière de gestion et de détournements de fonds ».
Pour remettre les choses
dans l’ordre, João Lourenço a nommé récemment ce même Carlos Sousa e Oliveira au poste de Secrétaire d'État des pétroles, une nomination qui le place dans une position hiérarchiquement
au-dessus d'Isabel dos Santos et de ses consultants portugais.
Pendant
20 ans, Isabel
dos
Santos,
grâce au
pouvoir détenu
par son
père, avait à elle toute seule le monopole du secteur des télécommunications.
Cette position lui permettait d’empêcher d’autres entrepreneurs, nationaux ou étrangers, d’investir dans la téléphonie mobile en Angola.
Dans sa condition de détentrice du monopole des télécommunications, Isabel dos Santos fixait, à travers sa société UNITEL, les prix les plus élevés sur ce marché. À la
grande surprise des Angolais,
le président de la République, João Lourenço, a déclaré ce lundi 16 octobre qu'il va soumettre à l'Assemblée nationale l'approbation d’une loi sur la concurrence afin de finir avec les monopoles et autres imperfections existants sur le marché angolais.
Dans
la poursuite de la modification
des statuts de Sonangol, Isabel dos Santos a récemment
écarté de la société l'ingénieur Paulino Jeronimo, un administrateur
exécutif et un cadre de confiance du général Leopoldino de Nascimento « Dino ».
Pour corriger
cet abus, selon des informations qui circulent à Luanda, le président Joâo
Lourenço place Paulino Jeronimo comme le meilleur candidat pour la direction
de la future
agence des pétroles, une agence qui aura la compétence de
contrôler la Sonangol.
Depuis
qu’elle est devenue la
Présidente de Sonangol,
Isabel
dos
Santos est considérée
comme un foyer d'instabilité en Angola.
À l'intérieur de MPLA, il y a eu des pressions pour que le Président João Lourenço l’écarte de cette entreprise d’État avant qu’elle ne la fasse
couler. Récemment, une dirigeante de
OMA, Lourdes Caposso, a lancé sur les réseaux sociaux un appel suggérant le sauvetage de Sonangol.
En même temps les fonctionnaires de la société ont élaboré un manifeste pour que le Président de la République
annule le décret qui attribue à Isabel dos
Santos le pouvoir de nommer les membres du Conseil d’Administration de la société. Peut-on considérer ces tacles comme un début de
changement dans la manière de gouverner ? La réduction du nombre des
vice-gouverneurs de provinces de 54 à 38, et la proposition de nommer de
nouveaux procureurs de la République en lieu et place des anciens, corrompus et
incompétents, sonnent comme un avertissement aux oreilles de ceux qui sont
habitués à l’oisiveté et à l’impunité. Peut-on
dire que l’Angola est en train de se débarrasser de ses mauvaises habitudes et des
méthodes de José Eduardo dos Santos? Seul le temps nous le dira. Mais en
attendant, je vous laisse juger.
Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.
Eduardo Scotty M.