jeudi 25 août 2016

VII°congrès du MPLA: des illusionnistes en quête des naïfs?


Le mois d’août qui s’achève a été marqué par la tenue à Luanda du congrès du MPLA, le VII° en 59 années d’existence. Pour une meilleure organisation de ses assises, et conformément aux pratiques démocratiques, un appel à candidatures a été lancé par le secrétaire général du parti pour le poste du président. Une manière de conférer, dans le cadre du processus de renouvellement des mandats, un caractère démocratique à l’événement. Seulement, les observateurs de la politique angolaise ont constaté, et porté à la connaissance du public, que jusqu’à la veille de l’ouverture du congrès aucune candidature n’était enregistrée par la commission instituée à cet effet. À mon avis, deux raisons peuvent justifier ce manque d’empressement à se déclarer candidat : soit, le MPLA ne dispose pas à son sein des cadres de qualité capables de se mesurer au président sortant, ou alors l’appréhension d’être considéré par ses pairs comme un vulgaire traitre ambitieux, irrespectueux de la ligne du parti qui privilégie la candidature unique.

Pour moi, et certainement pour beaucoup d’entre vous, les deux hypothèses émises par ces observateurs correspondent exactement à l’analyse que font certains Angolais sur le manque d’audace des cadres du Mpla. Je peux même ajouter que ces mêmes cadres n'ont aucune estime de soi, ils se rabaissent devant leur propre opinion publique. Ils n’ont aucune considération pour eux-mêmes. Ils choisissent de s’effacer pour ne pas perdre leurs privilèges. Le seul qui est sorti du lot est l’ambassadeur Ambrosio Lukoki, ancien membre du BP du Mpla, qui a eu des mots très durs à l’endroit de la direction de son parti la veille de l’ouverture du congrès. «L’impopularité de Dos Santos déteint sur le parti » a-t-il affirmé lors d’un point de presse à Luanda. « Aux militants sont imposées des positions qu’ils doivent accepter sans discuter. Et aussi longtemps que Dos Santos sera à la tête du parti, le MPLA ne sera plus jamais le parti que nous avons connu » a-t-il ajouté. À la fin de sa conférence de presse, il a demandé que son nom soit retiré de la liste du prochain comité central. C’est un acte politique courageux que je salue.

Le congrès a bien eu lieu du 17 au 20 août 2016. Sans surprise, José Eduardo dos Santos est réélu président du Mpla. Cela signifie que si son parti remporte les législatives de 2017, Dos Santos restera président du pays. Le système angolais ne prévoyant pas d’élection présidentielle, le pays sera dirigé par le chef du parti majoritaire. Dans ce cas, la promesse de quitter la politique active en 2018 tient-elle toujours ou devons-nous reconsidérer la « sage décision » du président ? L’honnêteté intellectuelle fait-elle partie des valeurs qui guident l’action politique de Dos Santos ? L’avenir nous le dira.

De quoi a-t-on parlé à ce congrès ? De rien de nouveau que nous ne savons déjà. Pourtant, les Angolais attendaient ce congrès avec beaucoup d’expectatives. Ils vivaient dans l’espoir de connaître le début de quelque chose d’important. Pour la première fois, pensaient-ils, Dos Santos allait faire taire les spéculateurs et prouver qu’il savait lire les signes du temps. Mais hélas, ils se sont trompés.   Au milieu des siens, tous à ses pieds, dans une salle d’adulation, Dos Santos a tenu, selon la Rfi, un discours offensif (sic). Il a, comme d’habitude, sous les applaudissements de ses laquais, fustigé les forces extérieures qui menacent sa paix et condamné ceux qu’il qualifie de « faux entrepreneurs » qui s’enrichissent sur le dos du peuple. Un discours soporifique, exactement comme celui du Mauvais Loup qui défend le végétarisme pendant qu’il est en train de dévorer un jeune sanglier. Comment croire en quelqu’un qui vous dit une chose aujourd’hui et son contraire le lendemain ? Rien d’important n’est sorti du congrès du Mpla. Les résolutions issues de cette rencontre n’ont surpris personne. Le Mpla n’a plus les moyens de sa politique. Ils ont parlé de la diversification de l’économie, le sujet à la mode à Luanda, c’est bien, mais avec quels moyens ? À dire vrai, ce congrès n’a été qu’une formalité. Puisque les statuts du parti l’exigent, alors ils l’ont organisé. Le comité central élu est une autre obligation statutaire qui consiste à contenter les naïfs qui croient encore dans les idéaux du Mpla. Après le congrès sera exactement comme avant le congrès. La corruption, les injustices sociales, l’impunité, l’exclusion politique, les démolitions des maisons de pauvres au profit de l’élite dont il n'a pas parlé, continueront à être une réalité dans l’Angola de Dos Santos. La nomination de Joâo Lourenço à la vice-présidence du parti et de Paulo Kassoma au secrétariat général ne changera rien à la politique menée par le Mpla depuis plus de 40 ans en Angola, et encore moins à sa manière de fonctionner. « Aidons le MPLA à se démocratiser » a écrit José Eduardo Agualusa dans sa dernière chronique «  nous y gagnerons tous ».  A-t-il raison ?   

 

 

Sobamasoba : l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.

       

 

            


lundi 15 août 2016

Angola - FMI : pourquoi Dos Santos s'est-il opposé à l'exercice de la transparence du FMI?


Après plusieurs semaines d’absence, (un grand malheur a frappé ma famille), je vous retrouve de nouveau pour qu’ensemble nous puissions partager, comme d’habitude, quelques réflexions sur ce qui se passe dans notre pays. Depuis ma dernière publication, beaucoup d’événements ont alimenté la vie politique et sociale en Angola. Vous m’excuserez de ne pas les citer tous, mais je vous suggère, si vous le voulez bien, d’aborder le sujet qui préoccupe incommensurablement les populations de l’intérieur comme celles de la capitale de notre pays : celui de la crise qu’elles vivent et de la manière dont le président Dos Santos envisage d’y apporter des solutions. Si je propose que notre réflexion se porte sur la situation chaotique, je n’exagère rien, créée par Dos Santos, son gouvernement et sa majorité parlementaire, c’est parce que cela nous concerne directement, nous, nos enfants et les enfants de nos enfants. Dans sa politique économique et financière, Dos Santos nous mène depuis plusieurs années sur le chemin des emprunts à outrance. Or, chaque fois que le pays emprunte de l’argent, il faut penser à son remboursement. Qui dit crédit, dit acquittement, dit intérêts. Des intérêts qui se chiffrent à des milliards de dollars et s’échelonnent sur plusieurs années. Ceux qui, comme Dos Santos et ses amis contractent ces dettes aujourd’hui, pillent les caisses de l’État s’en iront et ce sont les autres qui à travers des injustes impôts viendront payer la facture. Comme dans beaucoup d’autres pays africains, la corruption et la mauvaise gestion de la chose publique nous ont amené dans le gouffre que nous connaissons actuellement. Les emprunts chinois se sont tellement accumulés que le président Dos Santos pour éviter une asphyxie totale du pays a envisagé de se tourner vers le FMI (Fonds Monétaire International). Enfin, une sage décision, a-t-on entendu dans les rues de Luanda. 

Avec la chute du prix du baril de pétrole (le pétrole nous sert de monnaie d’échange dans la majorité de nos transactions commerciales), quémander une nouvelle ligne de crédit auprès des Chinois devenait déshonorant au regard de ce que nous leur devons. Croyez-moi, notre dette envers la Chine est énorme. Le FMI était devenu, de toute évidence, une partie importante de la solution à notre problème. Tout de suite après la demande de l’Angola, nous avons vu débarqués à Luanda les experts du FMI décidés à faire le ménage. Seulement, dès les premiers contacts, le climat s’est crispé. Les Angolais ne le savaient peut-être pas, mais pour obtenir l’appui du FMI, il faut se plier à certaines exigences. Selon ce que j’avais compris, et je ne suis pas seul, l’Angola devait exécuter le même programme qui a été appliqué au Portugal en 2011-2014 en se soumettant à une espèce de « strip-tease » des finances publiques, du budget et de toutes les pratiques et procédés liés aux recettes et dépenses de l’Etat. Vu sous cette optique, cela ne m’étonne pas, et vous non plus d’ailleurs, que le président Dos Santos ne soit pas disposé à permettre une analyse transparente et publique des comptes de l’Etat et de ses associés. Le président Dos Santos a vu ce qui est arrivé au Portugal : on a découvert que les banques étaient en faillite à cause des magouilles entre politiciens et entrepreneurs ; que son ami Socrates est allé en prison ; on a révélé que, comme en Angola, durant des années les comptes publics étaient maquillés et la dette de l’Etat supérieure à ce qu’on laissait croire. Si au Portugal le FMI a découvert toutes ces « erreurs de gestion », quelles seront les conséquences d’un contrôle méthodique et sérieux mené par des experts en Angola ? Dos Santos a pris peur. Voilà pourquoi il a décidé de refuser l’appui du FMI. C’est pour ne pas montrer les squelettes qu’il cache dans ses placards. Il ne veut pas qu’on lui pose des questions embarrassantes. C’est lui le Chef de l’Exécutif, non ? 

La situation en Angola a, naturellement, ses particularités. Il n’y a rien que je puisse ajouter que vous ne sachiez déjà. En ce moment ce qui parait grave, sur le plan économique et financier, c’est l’absence totale de cap. L’Exécutif est complètement désorienté. Il navigue comme un navire sans boussole. Beaucoup commencent à douter de la capacité du capitaine à conduire le bateau à bon port. Il faut stimuler l’économie, mais il n’y a pas d’argent public. Les caisses sont vides. La dévaluation de la monnaie nationale que nous avons connue n’a pas boosté les exportations. Les économistes pensent qu’une autre dévaluation ne fera qu’aggraver l’inflation. Il est donc urgent, nonobstant la situation dans laquelle nous nous trouvons, de faire des réformes et une restructuration profonde pour surmonter la situation actuelle.  Il est évident qu’avec le FMI l’Angola aurait bénéficié d’un excellent plan de réformes pour faciliter la récupération du pays, mais au lieu de cela Dos Santos a choisi la voie du désastre économique. Aux dernières nouvelles, il envisage d’emprunter 16 milliards de dollars pour réajuster son budget 2016. Dans cette sorte d’égarement intellectuel, où compte-t-il mener le pays?  Combien de générations faudra-t-il pour payer notre dette publique ? Obscure perspective.

 

Sobamasoba : l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.