vendredi 24 février 2017

José Eduardo dos Santos, un pas dedans, un pas dehors?


En échos à mon analyse sur une éventuelle alliance de partis de l’opposition angolaise, l’opinion nationale a enregistré la réaction de Isaias Samakuva (coïncidence ?), président de l’Unita, qui, au cours d’un point de presse à Luanda, a rejeté l’idée d’une coalition avant les élections pour des raisons de stratégie politique, il s’est prononcé plutôt en faveur d’une union de partis d’opposition après le scrutin en vue de former une majorité parlementaire. Les raisons invoquées pour justifier ce rejet ne m’ont pas convaincu, mais je respecte sa position et celle de son parti. Au sujet cette théorie de la coalition, le positionnement d’Abel Chivukuvuku de Casa-ce n’est pas très éloigné de celui de Samakuva. Concomitance ?   Nous ne le saurons jamais.

Mais revenons à notre sujet d’aujourd’hui. « Méfiez-vous des déclarations politiques et publiques de politiciens. Méfiez-vous encore plus de ce qu’il y a derrière leurs déclarations, car généralement, ces professions de foi renferment beaucoup de fourberie ». Ce conseil est de mon oncle : celui qui habite à Bangoula-city et ne cesse de m’appeler pour me faire profiter un peu de sa sagesse. Pour lui, il est maintenant clair, si l’on considère la volonté de Dos Santos, que Joâo Lourenço « le choisi » est le prochain président de l’Angola. Grâce à sa stratégie de renonciation, l’opinion internationale fait aujourd’hui l’éloge de l’Angola : finalement, encense-t-on, José Eduardo dos Santos est un homme d’État qui a choisi de quitter la scène politique avec dignité. En indiquant son successeur, le dictateur angolais insuffle de l’oxygène à un régime moribond incapable de trouver des solutions aux problèmes que connait le pays. Cet oxygène permet que soit reporté le procès de transition démocratique (ô combien nécessaire) et de réforme économique. Or, sans l’une ou l’autre, les Angolais ne peuvent penser ni au progrès ni au bien-être. Au regard de ce qui se vit dans le pays, se plaint mon oncle, tout est fait pour que l’Angola ait un nouveau président dictateur, choisi par le monarque. Seulement, si c’est certain que Joâo Lourenço occupera le fauteuil présidentiel, il n’est pas sûr que le pouvoir effectif, le pouvoir exercé dans l’État réel, celui qui a toujours été dans les mains de Dos Santos et sa famille,  puisse lui revenir. En termes de discipline et de contrôle au niveau du Mpla, Dos Santos sera toujours aux commandes. Joâo Lourenço devra donc agir en se conformant aux désirs de JES. Hormis le fait qu’il n’aura aucune emprise sur le parti, il n’aura non plus aucun droit de regard sur la SONANGOL, principale source financière de l’État, dirigée par Isabel dos Santos et ses hommes de confiance. D’ailleurs, Isabel s’est très habilement évertuée à préparer les conditions pour que, le moment venu, Joâo Lourenço soit sous sa dépendance. Les accusations de mauvaise gestion lancée contre l’équipe dirigeante sortante ouvrent le chemin à l’argument selon lequel la Sonangol n’a pas d’argent et, pour ce motif, ne peut pas financer le gouvernement. Il s’agit là d’une menace qui, si elle est mise en pratique, laissera Lourenço sans moyens financiers. Les ressources financières et le parti étant dans les mains du vieux ; le pétrole et les diamants dans celles de sa fille ; le Fonds souverain avec toutes les réserves financières stratégiques, sous le contrôle de ZENU, que restera-t-il à Joâo Lourenço ?  Aura-t-il le courage dans la lutte qu’il a annoncée contre la corruption de destituer Isabel dos Santos et Filomeno Zenu de leurs postes ?  Je laisse à chacun la liberté de répondre aux deux questions.

Au regard de ce qui précède, les institutions formelles du gouvernement et leur appareil juridico-légal ne reflètent pas la véritable nature du pouvoir qui sera toujours exercé par l’actuel président de la République malgré sa prochaine « sortie ». Il est évident que l’objectif des actuels détenteurs du pouvoir n’est pas le changement /l’alternance politique, mais la préservation. D’ailleurs pour garantir la continuité de son pouvoir Dos Santos a mis en place quelques mesures hasardeuses de démocratisation qui vont ponctuellement donner une certaine légitimité populaire et une crédibilité internationale à son régime. C’est dans ce contexte que se développe le système de clientélisme au profit d’une classe politique elle-même profondément corrompue.

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.
Sources: Angonoticias
             Makaangola

 

Eduardo Scotty M.    

 

     

vendredi 10 février 2017

L'opposition politique angolaise va aux élections en ordre dispersé. Pourquoi?


Ca y est ! Cette fois, c’est officiel. José Eduardo dos Santos a jeté l’éponge. Il ne se présentera pas aux prochaines élections. À sa place, c’est Joâo Gonçalves Lourenço qui conduira la liste du Mpla. Je ne veux pas revenir ici sur mes précédentes analyses même si la répétition est la mère des sciences. Néanmoins, je tiens à souligner quand même le manque de vision/projet constaté par les observateurs de la politique angolaise de celui qui est censé, si le Mpla gagne les élections, diriger l’Angola pour les cinq prochaines années. « Mon unique priorité en ce moment est d’œuvrer pour gagner les élections, après nous verrons » a répondu Joâo Lourenço aux journalistes qui cherchaient à connaitre son projet politique et les intentions de son parti pour la prochaine législature. Gagner les élections, oui, mais sur quel programme ? Sur celui avec lequel Dos Santos a conduit le pays au désastre ? Cette absence de vision, ce vide politique sont, à mon avis, une réalité qui avantage l’opposition dans son approche des thématiques qui touchent à la vie sociale, politique et économique du peuple angolais. Il faut remplir ce vide. Seulement, il est plus aisé de dire que de faire. Je vous le concède. Parce que ç’aurait été plus facile si, comme dans d’autres pays africains, les opposants angolais étaient capables de se dépasser, de sacrifier leurs petits intérêts et d’aller au-delà de leurs partis pour le bien-être du peuple. Dans les pays où cet exercice a eu lieu, les opposants ont gagné les élections. Quelles que soient leurs différences « idéologiques », au moment où les jeunesses africaines se réveillent, les partis d’opposition sont appelés à s’unir pour vaincre. Au Sénégal, en Gambie, en Côte d’Ivoire, pour ne citer que ces pays, l’opposition, devenue aujourd’hui pouvoir, s’est coalisée en un front dont seule la volonté de vaincre a été le dénominateur commun. En Angola, il y a quelques mois une timide tentative de former un front de l’opposition s’est soldée par un échec. Apparemment, la situation que traverse le pays fait croire aux opposants que la victoire est d’avance acquise. Une situation qui génère le rejet du Mpla dans la population et réconforte les partis d'opposition dans leur prétention de gagner aisément le scrutin de 2017. Là, je crois qu’ils commettent une grosse erreur.  Ce rejet n’est peut-être qu’apparent. Le mécontentement gronde, c’est vrai. Tout le monde parle de la mauvaise gestion du Mpla, mais au moment de faire le choix dans l’isoloir du bureau de vote, rien ne garantit que le choix de l'électeur soit l’expression de la frustration. Si nous ajoutons à ce rejet le sondage publié par une agence américaine qui donne CASA-CE vainqueur des élections avec 40% des voix, suivi de l’UNITA avec 32% et le MPLA 9%, nous nous trouvons devant des données dont le résultat peut conduire inévitablement à l’anesthésie des opposants. À mon humble avis, l’opposition politique angolaise doit se méfier de tout ce qui donne l’impression que c’est perdu d’avance pour le Mpla. Rappelez-vous mon analyse sur la fraude électorale. Combien de fois n’avons-nous pas entendu les dirigeants de l’Unita se plaindre au sujet de l’enrôlement des électeurs et du contrôle de cette opération par le Ministère de l’Aménagement du territoire en lieu et place de la CNE ? Cette plainte de l’Unita, en apparence anodine, est justifiée parce que Bornito de Sousa, actuel ministre de MAT, candidat à la vice-présidence de la république et responsable des opérations d’enrôlement, ne peut pas être juge et partie. Il y a incompatibilité. Raison de plus pour que l’opposition se réunisse en front commun.

La solution pour gagner les élections de 2017 se trouve dans le rassemblement de toutes les forces acquises au changement. Aller à ce scrutin en ordre dispersé est une démarche vouée à l’échec. Quelles que soient les différences existantes entre l’UNITA, CASA-CE, PRS et PDP-ANA, il faut un front soudé pour vaincre le Mpla. Il n’est pas correct dans les circonstances actuelles de faire cavalier seul. S’adapter aux réalités du moment, être pragmatique: voilà la meilleure méthode pour affronter le Mpla dans la bataille électorale qui se pointe à l’horizon. Je crois qu’il est encore temps, pour l’opposition angolaise, de reprendre les négociations enfin de constituer une plate-forme politique capable d’offrir une alternance au peuple angolais. Penser, comme le font déjà certains politiciens de l’opposition, former une coalition avec le Mpla pour gouverner le pays, apparait aux yeux de l’opinion nationale comme une trahison de la promesse faite au peuple; l’engagement de lui offrir une autre politique, celle de la justice sociale et du respect des droits de l’homme.  Sinon, à quoi auront servi toutes les années de lutte ?

Mon oncle à qui j’ai raconté cette histoire de coalition m’a fait comprendre qu’à Bangoula, c’est pareil. Les opposants n’arrivent pas à trouver un consensus au sujet de la formation d’une plate-forme politique. Et pourtant, a-t-il ajouté, Dieu seul sait combien cela faciliterait les millions d’électeurs analphabètes que compte le pays. Avec deux bulletins de vote, un de l’opposition et l’autre du parti au pouvoir, le choix de l’électeur est facilité. Le dépouillement devient aussi facile. Qu’en pensez-vous ?

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty Makiese.