mardi 13 novembre 2018

La Chine trop généreuse, pour quel dessein?


Ces dernières années, l’étranger qui débarque pour la première fois sur le sol africain, quelles que soient les raisons de son voyage, est  surpris par l’état de délabrement de nos villes, la pauvreté de la population et…la présence massive des Chinois dans nos rues et sur les nombreux chantiers qui fleurissent sur tout le continent. Si le laisser-aller et la mauvaise gestion de la chose publique expliquent le délabrement des villes et la pauvreté de nos populations, la présence chinoise reste vrai énigme pour l’étranger. L’Afrique serait-elle en train de vivre une autre « colonisation » ?
À première vue, non. Mais à y regarder de près, ça y ressemble beaucoup. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, cette présence n’est pas le fait d’un pur hasard. Elle est le résultat d’un long travail de réflexion mené par des responsables politiques chinois pendant plusieurs années, sous la direction de Mao Zedong et, plus tard, de Deng Xiaoping. Rappelez-vous. À l’origine de cette réflexion, un rapport statistique de 1954 qui estimait la population chinoise à un (1) milliard d’habitants à l’horizon 2000. Ce rapport alarmant, mais très sérieux a fait l’objet de plusieurs analyses de la part des responsables chinois de l’époque. Des mesures très originales (contraception obligatoire et légalisation de l’avortement) (*) sont prises pour ralentir une démographie trop galopante. La Chine ne pouvait pas se permettre d’abriter un (1) milliard d’habitants à l’étroit sur son sol avec la menace de la famine qui planait sur le pays. Les Chinois avaient donc un grave problème à résoudre : leur espace vital. Nous sommes pendant les années 50 et un vent de décolonisation souffle sur l’Afrique. C’est une planche de salut pour la Chine. L’Afrique est un continent sous-peuplé qui dispose d’assez d’espace pouvant accueillir un grand nombre d’immigrés. C’est aussi un marché de plusieurs millions d’habitants qui raffolent des produits chinois. Leur succès dans les foires commerciales africaines, au fil des années, est incontestable. Cette période de décolonisation, pendant laquelle les États africains s’efforcent de trouver de nouveaux repères, est donc un moment favorable. Et la tenue d’une conférence afro-asiatique à Bandung, en Indonésie (du 18 au 24 avril 1955) offre une tribune idéale à Chou-en-lai, alors premier ministre Chinois, pour convaincre les dirigeants africains de « bonnes intentions » de la Chine à l’égard de l’Afrique et apaiser, par la même occasion, les craintes des délégations anticommunistes présentes à la conférence par un discours modéré empreint d’un esprit de conciliation. Une caresse dans le sens du poil qui aboutit à la signature de quelques accords de coopération avec une quinzaine de pays africains. La Chine ne pouvait pas espérer mieux. Ces premières années de coopération sino-africaine se concluent avec des résultats qui placent la Chine au rang de meilleur partenaire dans la lutte pour le développement de l’Afrique. D’importants crédits sans intérêt, cage de l’amitié chinoise, sont distribués aux pays africains. La Tanzanie et la Zambie, deux anciennes colonies anglaises, sont au premier rang. Elles bénéficient d’un prêt sans intérêt qui leur permet de construire, avec l’aide des milliers de Chinois, la voie ferrée Lusaka-Dar-es-salam, la Tanzam. Cette œuvre gigantesque impressionne tout le continent. Cependant, quelques dirigeants africains, très éveillés, comme l’Ivoirien Houphouët Boigny, le Camerounais Hamadou Hahidjo ou le Malgache Philippe Tsirana, se montrent très sceptiques et se posent beaucoup de questions sur les méthodes chinoises d’aide au développement. À la conférence de l’OCAM (Organisation commune africaine et malgache) tenue à Abidjan, ils expriment des craintes de voir un jour les Chinois considérer l’Afrique comme une terre de colonisation. Pour eux, derrière la main généreuse chinoise se cache un projet ambitieux. « Les Chinois ont existé en tant que peuple, en tant que civilisation, bien avant l’Europe, et ont gardé une nostalgie du passé. Et quand ils auront acquis le prestige de peuple européen, lorsqu’ils auront la faculté de disposer d’engins nucléaires, ils ne voudront rester à la remorque d’aucun autre peuple » dixit Houphouët Boigny. Dès lors, la pénétration chinoise est perçue, déjà à cette époque-là, par une partie de l’intelligentsia africaine comme un danger pour l’Afrique.
Du Sénégal à la Tanzanie, de l’Angola à l'Algérie, il n’est pas étonnant aujourd’hui de rencontrer des travailleurs chinois à tous les coins de rues. Pourtant, il y a quelques années, leur présence était plus discrète. Maintenant, ils font partie du paysage africain. Ils sont partout et ils font tout. Ils arrivent pour construire des autoroutes, des bâtiments administratifs, des logements ou des stades, et contre toute attente, à la fin des travaux, ils se fixent et changent d’activité professionnelle. Une conversion qui provoque de l’agacement dans les milieux syndicaux africains. Leur implication directe dans les travaux ne favorise pas la résorption du chômage. Dans certains cercles d’intellectuels, la réaction est plus mesurée. La pénétration chinoise est qualifiée de préoccupante, mais c’est surtout autour de l’idée que les accords de coopération sino-africaine profitent plus aux Chinois que s’établit un consensus. Nos politiciens sont-ils pris au piège du « prêt sans intérêt » ? Qu’est-ce que les Chinois nous offrent-ils hormis les lignes de crédit? Rien ou presque rien. Aucun investissement dans la formation professionnelle ni dans l’enseignement supérieur ou la recherche scientifique. Tout va dans les bâtiments et les infrastructures routières. Ils ne sont pas nombreux ceux qui avaient compris la subtilité chinoise. Aujourd’hui, peu sont les États africains capables de résister à la générosité chinoise. 
Cet article dont l’objet est encore d’actualité, je l’ai écrit et publié en 2007 sur un site d’informations de Brazzaville (congoplusinfo). Je le publie de nouveau pour vous donner l’occasion de débattre du sujet. Ne nous voilons pas la face, la présence chinoise en Afrique est un vrai problème.

Le débat est ouvert.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M. Scotty.            

jeudi 27 septembre 2018

VENT DE PANIQUE EN ANGOLA.


Cette fois, c’est parti et bien parti. Selon les informations en provenance de Luanda, la lutte contre la corruption et les malversations financières est entrée dans sa phase pratique. Les têtes commencent à tomber. Finalement, le VI congrès extraordinaire du Mpla a été l’événement qui a permis de briser la glace et d’apporter du grain à moudre au moulin du Procureur de la République.

« …Dans cette croisade, le Mpla doit prendre les devants, être en première ligne, assurer le rôle de leader, même si les premiers à tomber sont les militants ou de hauts dirigeants du Mpla »  dixit : Joâo Lourenço, président du Mpla. C’est cette recommandation apparemment  innocente contenue dans le discours de clôture de JLo au congrès du Mpla qui a remis les pendules à l’heure et déclenché l’action judiciaire qui a abouti à l’arrestation des pilleurs de la République. Connu pour sa lenteur dans l’ouverture des dossiers criminels contre les membres du Mpla, cette fois le Procureur de la République s’est exécuté promptement.

Dans ma publication du 24 août 2018, que vous avez certainement lu, je me pose la question de savoir ce que, in fine, JLo en tant que président apportera au Mpla. Je me suis interrogé aussi sur les retombées de ce congrès extraordinaire pour une organisation politique qui avait perdu une grande partie de sa crédibilité. Ce congrès était-il un moment charnière dans l’histoire du Mpla ? Visiblement, l’incarcération de ceux (pas encore tous) qui ont plongé la main dans les caisses de l’État répond à ces questions. Si ceux qui sont sous le verrou croyaient qu’ils pouvaient vivre dans ce monde et ne pas en faire partie, ils se sont gourés. Il y a des règles dans ce monde et il faut les respecter.

Augusto da Silva Tomàs, ex-ministre des Transports, et Ernesto Manuel Norberto Garcia, directeur de UTIP et membre influent du Mpla/Jes n’ont pas respecté ces règles et ils sont les premiers à goûter aux délices de la privation de libertés. Augusto Tomàs à la prison de Sâo Paulo, et Norberto Garcia en résidence surveillée à Benfica.  Accusés de détournements des fonds et de corruption active, ils sont arrêtés et mis à l’ombre sans aucune possibilité de liberté sous caution. Ils attendront leur jugement en prison. La liberté sous caution leur a été refusée parce que l’argent volé ne peut pas servir au  payement d’une quelconque  caution. Ce serait trop facile.  

La même chose est arrivée à José Filomeno dos Santos, ex-président du Fonds souverain de l’Angola et fils de José Eduardo dos Santos, et à ses amis Jean Claude Bastos de Morais, Jorge G.F.Sebastiâo, António S.B.Manuel. Ils ont été arrêtés et conduits en prison. Dorénavant, la maison d’arrêt de Sâo Paulo et celle de Viana sont leurs nouveaux lieux de résidence. Même si Zenu est enfermé dans une cellule VIP, cela ne change rien à son statut.  Il est en prison. Et, pour une prise, c’est une grosse prise. Pendant longtemps, alors que les crimes sont avérés, le Procureur général de la République a beaucoup hésité devant la gravité de la décision à prendre. Face au vent du changement qui souffle actuellement sur le pays, il s’est patriotiquement exécuté. Laisser en liberté José Filomeno dos Santos et son complice Jean Claude Bastos de Morais, deux voleurs dangereux qui ont tenté de dépouiller l’État angolais de 500 millions de dollars, a été un cas de conscience difficile à gérer pour le PGR. Aujourd’hui, le courage a pris le dessus. La présence des badauds esquissant des pas de danse lors de l’arrivée de ces prisonniers VIP à la prison de Sâo Paulo est un signe de reconnaissance à l’acte posé par la Justice. Et les autres ? À chaque chose son temps.

Quelques-uns sont déjà en fuite. Samuel Barbosa da Cunha, un sujet brésilien, associé de José Filomeno dos Santos, qui a empoché, selon un média angolais sur le web, la modique somme de 24.850.000 de dollars pour des services que son entreprise fantôme n’a jamais prestés, a quitté précipitamment l’Angola. Hugo Onderwateur, hollandais, un proche d’Isabel dos Santos, a senti tourner le vent et a, lui aussi, abandonné le navire. D’autres sont en train de se préparer pour faire la même chose. Tous ceux qui n’auront pas rapatrié l’argent volé et planqué à l’étranger avant la date butoir seront arrêtés et traduits en justice. D’ici le mois décembre 2018 nous allons assister à un sauve-qui-peut général. La vague qui va les emporter s’approche dangereusement de nos rivages. Lev Leviev ; un sujet israélien, très proche d’Isabel dos Santos, son associé dans ASCORP (diamants) a quitté précipitamment l’Angleterre pour la Russie après une investigation secrète menée par la police britannique. Apparemment, les rats commencent à quitter le navire. Que nous réserve l’avenir ? Wait and see.

Aux dernières nouvelles, Paulo Tchipilica serait victime d’un AVC dû au stress causé par les incessants contrôles du Tribunal des comptes à son département. Ils ont tous le feu au c…

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M. Scotty.   

                              

jeudi 13 septembre 2018

Le MPLA survivra-t-il au vent du changement?


 
Ca y est. Le congrès extraordinaire tant attendu a eu lieu. Le Mpla a son nouveau président en la personne de Joâo Lourenço. Entre les émotions mal contenues d’un président sortant qui s’est repenti en assumant publiquement ses erreurs et la détermination affichée par le nouveau président qui, d’entrer de jeu, a donné un coup de pied dans la fourmilière, il n’y avait pas d’espace pour l’hypocrisie. Les centaines de délégués et militants présents dans la salle de congrès de Belas ont eu le privilège d’assister à un passage de témoin apparemment pacifique. Personne n’était dupe. La tension entre José Eduardo dos Santos et Joâo Lourenço était palpable. Visiblement, JES regrette   amèrement d’avoir cédé le pouvoir à celui qu’il croyait être un fidèle. Ne l’avait-il pas nommé au poste de ministre de la Défense nationale et à celui de vice-président du Mpla ? Ne lui était-il pas redevable ? Apparemment, il s’était trompé dans son choix. Beaucoup de ses amis n’ont cessé de le lui reprocher. La preuve : la voie choisie par son successeur pour sortir le pays de la crise cause quelques soucis, et non des moindres, à tous ceux qui gravitaient autour de lui. Dans les hautes sphères du parti et de l’État, la quiétude d’hier a laissé la place à l’incertitude du lendemain.

"Les maux que nous devons corriger et surtout combattre sont la corruption, le népotisme,  l’hypocrisie et l’impunité. (…) Ces maux sont l’ennemi public numéro un contre lequel nous avons l’obligation de lutter et de vaincre. Dans cette croisade, le MPLA doit prendre les devants, être en première ligne, assumer le rôle de leader, même si les premiers à tomber sont les militants ou de hauts dirigeants du  MPLA ». Ces paroles sont de Joâo Lourenço, le  président élu du MPLA. Elles ont été prononcées lors de la clôture du congrès extraordinaire qui l’a porté à la tête de ce parti.

« Être membre du MPLA n’est pas une porte ouverte vers l’enrichissement illicite ». Des mots très forts qui continuent à résonner dans  l’enceinte de cette illustre salle même après le départ de tous les militants et cadres du MPLA. Le président Joâo Lourenço a fixé le cap de sa politique basée sur la correction de ce qui est mal et l’amélioration de ce qui est bien. Pour y arriver, le Bureau politique et le Comité central issus de ses assises ont été profondément modifiés.  Beaucoup de caciques sont restés sur le bord de la route. Il est difficile de lutter contre la corruption quand on est entourée des dirigeants corrompus jusqu’à la moelle épinière.  Paulo Cassoma, Dino Matross, Higinio de Carneiro, Roberto de Almeida, França Ndalu, Kundi Payama, Manuel Vicente, Joâo Miranda et Joana Lina cessent d’être  membres du BP du Mpla. Dans le comité central et le nouveau BP, Joâo Lourenço a injecté du sang nouveau. Sortir le pays du marasme dans lequel l’a plongé JES et ses amis exige du l’honnêteté et du patriotisme. La présence de ces hommes et femmes dans les instances dirigeantes du parti pendant plus de trente ans a écorché l’image du parti.  Pour le public angolais, le Mpla est devenu un parti dont les membres sont dépourvus de moralité. Les valeurs sur lesquelles le Mpla a bâti sa force politique sont piétinées par ses éminents dirigeants qui placent leurs propres intérêts au-dessus de ceux de la population. Intégrité, fraternité, solidarité, justice sont des valeurs qu’on ne retrouve plus dans le Mpla. Elles ont été remplacées par la cupidité, l’égoïsme, la corruption, le népotisme et l’hypocrisie. La mise à l’écart de ces dinosaures, même si elle correspond aux attentes du peuple, n’est pas sans danger pour la stabilité du nouveau régime. Dans cette nouvelle configuration qui se met en place dans le pays, le pouvoir doit poser des actes très forts pour refréner les ardeurs de tous ceux qui auraient des idées cagneuses derrière la tête.  La meilleure manière de tordre le cou à ce genre d’individus, c’est de commencer par mettre en prison tous ceux dont les délits sont avérés. Filomeno dos Santos (Zenu), Jean Claude Bastos de Morais, Isabel dos Santos, Valter Filipe devaient être en prison. Leur arrestation donnerait de la matière à réflexion à tous ceux qui oseraient s’en prendre, d’une manière ou d’une autre, à l’actuel président de la République.

L’Angola vit en ce moment une vraie rupture avec son passé. Dans les milieux intellectuels, les avis sont partagés entre ceux qui baignent plus ou moins dans la corruption et ceux qui vivent honnêtement de leur revenu. Blessés dans leur amour propre, les exclus du BP et du CC ne s’avoueront pas vaincus. Le président Joâo Lourenço est-il suffisamment outillé pour contrer ces millionnaires auxquels il a retiré le pain de la bouche ?  Que nous réserve l’avenir ?  Wait and see.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.           

 

                                                                                                                              

 

vendredi 24 août 2018

Joâo Lourenço et le MPLA, mariage de raison ?


Dans quelques jours, Joâo Lourenço aura accompli un an à la tête de la République d’Angola. Que peut-on concrètement retenir de cette période ?
Selon certains observateurs de la politique angolaise, Joâo Lourenço et son gouvernement manquent de fermeté dans leurs actions. Ils donnent l’impression de marcher sur des œufs. Si le président est à l’offensive sur la politique internationale, surtout dans la région australe de l’Afrique (Sadc), il est très timoré dans ses actions à l’intérieur du pays. Après une année de pouvoir, nous retrouvons dans la démarche de l’actuel gouvernement les tics de l’ancien régime. Le Mpla qui est le parti au pouvoir depuis toujours a quelques difficultés à se défaire de ses vieilles habitudes de parti communiste. Le dernier communiqué du Bureau politique du Mpla a replongé les Angolais dans une sorte d’atonie collective. Beaucoup se sont rappelé de la période de parti unique alors tout, vraiment tout, (le discours contre la corruption, la lutte contre le népotisme, la moralisation de la société, etc.)  indiquait que le pays se préparait à négocier un virage important. S’il y avait encore quelques doutes sur l’orientation politique du président Joâo Lourenço sur sa politique intérieure, le communiqué du BP du Mpla est venu remettre les pendules à l’heure. Une manière de rappeler à l’opinion la prédominance du Mpla dans les affaires de l’État. Exactement comme dans les régimes dictatoriaux. Dans ces pays-là, seuls les partis au pouvoir émettent souvent des communiqués dans lesquels ils proclament l'exact contraire de la réalité. Dans un pays dont les populations vivent en sous du seuil de la pauvreté, le parti ne s'offusque pas d'affirmer : « Notre peuple vit dans l’abondance, il dispose des aliments frais, les champs sont verdoyants et les récoltes magnifiques. Tout ceci grâce au Grand Timonier de notre Nation ! » L’Union Soviétique, la Chine maoïste, Cuba, la Corée du Nord, Venezuela et beaucoup autres ont utilisé et abusé de ces rhétoriques. Apparemment, malgré de la prétendue introduction du multipartisme en Angola, le MPLA n'a pas perdu ces manies communicationnelles. Le récent communiqué de la 6.ª réunion de son Bureau politique, rendu public le 3 août 2018, est aussi surréaliste, et en même temps idéologiquement aussi dangereux. C’est pour cette raison qu’il mérite une attention particulière. Convoquée pour préparer le congrès extraordinaire de septembre qui va élire Joâo Lourenço à la tête du Mpla, la réunion du BP s’est aussi penchée, comme par hasard, sur la situation sanitaire des populations. Ils ont découvert qu’il y a plusieurs foyers de choléra dans le pays. Et dans un  communiqué qui a surpris plus d’un observateur, le BP du Mpla « manifeste sa préoccupation face aux foyers de choléra (…), en exhortant le gouvernement à des efforts multisectoriels, pour l'éradication de ce mal, passible de causer la douleur et le désarroi dans les familles angolaises, principalement plus les plus démunies». Le sujet est trop sérieux pour laisser passer cette affirmation hypocrite. Le choléra est une infection intestinale causée par des bactéries qui se trouvent dans les eaux non traitées, dans les aliments mal conservés et dans les lieux sales. En résumée, c'est une maladie résultant de la saleté et de l'inexistence d'infrastructures qui garantissent de l'eau potable, des aliments sains et des habitations salubres. Telles comme la malaria, les principales circonstances qui promeuvent les foyers de choléra sont politiques. De facto, il y a pauvreté, il y a choléra, parce qu'il y a un manque criant d'assainissement basique, d’eau potable et des installations sanitaires adéquates dans les habitations. En Angola, la majorité de la population ne jouit pas des conditions qui permettent d'éviter le choléra et la malaria. Ce qui nous conduit à nous interroger : Qui a toujours dirigé le pays ?  Qui n'a pas créé les conditions d’assainissement basique ? C’est le Mpla. Quand ce parti vient maintenant « manifester sa préoccupation » face aux foyers de choléra, ce parti qui a autant des décennies à son compteur dans la conduite du pays, il y a de quoi tomber à la renverse. Le Mpla est-il  complètement déconnecté de la  réalité ? De l’avis du citoyen lambda, cette gesticulation du BP du MPLA est non seulement hypocrite, inqualifiable, mais répréhensible. Finalement, l’arrivée de Joâo Lourenço n’aura rien changé à la gestion du pays parce que le MPLA continue sur la même ligne, celle du passé. Ne pas s’attaquer aux vraies causes du choléra, feindre que ce qui se passe est un problème, mais externe, c’est de l’irresponsabilité.

L'Architecte de quoi ? La seconde référence absurde que l’on retrouve dans le communiqué de MPLA est l'hommage à José Eduardo dos Santos (JES) « Architecte de la Paix ». En ce moment la principale préoccupation de João Lourenço est de récupérer les milliards de dollars volés à l'Angola par les fils de José Eduardo dos Santos, peut-on rendre hommage à celui qui a favorisé ces détournements? À ce sujet, il semble que MPLA a quelques difficultés à se positionner dans ce combat contre la corruption. Le débat sur ce thème s’est déplacé sur les réseaux sociaux, heureusement. Des milliers de personnes quotidiennement fustigent MPLA, les « escroqueries » de ses directeurs, la corruption de ses chefs et l'inaptitude de leurs politiques. Ce mouvement de contestation est en train de s’étendre, et dans un pays avec une population extrêmement jeune, la tendance se développe très sérieusement. Le Mpla qui n’arrive pas à contrôler cette situation et sait qu’à tout moment elle peut placer son apanage politique en danger à quelques mois des élections locales. C'est pour cette raison que, de temps en temps, il lance des ballons d'essai pour une redéfinition du rôle des réseaux sociaux. Tout le monde sait que la Chine exerce un contrôle de fer sur les réseaux sociaux, pour éviter toute dissidence. Angola étant un allié et un élève privilégié de la Chine, de qui d'ailleurs nous dépendons financièrement. Il n’est pas surprenant d’affirmer que le Mpla soit en train d'étudier les méthodes chinoises de contrôle des réseaux sociaux pour les appliquer en Angola. C'est cela qui justifie les termes contenus dans le communiqué : « MPLA  exhorte  tous les citoyens à accomplir leurs devoirs dans l'exercice de leurs droits, en respectant les principes et les valeurs d’éthique et d’obéissance à la loi et à l'ordre public, principalement en l'usage moral et rationnel des réseaux sociaux et des nouvelles technologies d'informations, pour lesquelles, ensemble, les Angolais construisent une Angola saine et digne Il s'agit d'une suggestion extrêmement dangereuse, à laquelle les défenseurs des libertés doivent être très attentifs. Que fera le gouvernement sous la pression du Mpla pour mettre en œuvre l'« utilisation morale et rationnelle » des réseaux sociaux ?

L’arrivée très prochainement du clan Lourenço à la tête du Mpla apportera-t-elle des réponses à nos interrogations ? Wait and see. Le congrès du Mpla du mois de septembre sera-t-il un moment charnière dans l’histoire du Mpla ?

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.  

lundi 25 juin 2018

Levée de boucliers contre Joâo Lourenço.


Dans ma publication du 4 janvier 2018 (Qui veut la peau de Joâo Lourenço ?), j’avais présenté l’actuel président comme un perturbateur inattendu. Un homme qui, même dans la continuité, porte les germes du changement que les Angolais attendent depuis longtemps. Dès son arrivée au pouvoir, des voix discordantes se sont fait entendre au sein de son parti. Son discours et ses méthodes ont été différemment appréciés par ses camarades. Ceux qui sont victimes des réformes mises en place dans le pays sont entrés en « rébellion » contre le président réformateur. Au fil des mois, le groupe de « rebelles » s’est agrandi. C’est comme ça qu’est apparu Bartolomeu Dias à la première page d’un journal luandais critiquant durement le président Joâo Lourenço. Rassurez-vous, il ne s’agit pas ici du célèbre navigateur portugais du XV siècle, mais de notre Bartolomeu Dias local, militant de première heure du MPLA et entrepreneur du Groupe qui porte son nom, B.Dias. Ce Groupe se compose de plusieurs sociétés dont : Diexim Expresso (aviation), Angoinform (informatique), International Travel (agence de voyages), Diexim routier (camionnage), Sud-Kuanza (immobilier) et Cleaning (société de nettoyage).  Le groupe Bartolomeu Dias a failli mettre la clé sous le paillasson, déclarer la faillite, l'année passée, n’eut été un financement non identifié provenant de Dubaï. D’ailleurs, il parait que son nom se trouve sur la prétendue liste de débiteurs de BESA, au 60. Il appartient donc à cette espèce d’entrepreneurs angolais créée par le MPLA durant le règne de Dos Santos et embourbé dans des prêts, au minimum, très discutables. Bartolomeu Dias était partie prenante dans la nouvelle affaire véreuse qui inaugurerait l'appropriation privée de fonds publics dans l'ère João Lourenço : l’Air Connexion Express. Une magouille qui fut mieux expliquée par Rafael Marques.  Lire les détails sur son  site (makaangola.org). L'entrepreneur du MPLA, à travers sa société d'aviation Diexim Expresso, s'est associé à Fernando Cardoso, ministre d'État et directeur de cabinet de João Lourenço, à Pedro Sebastião, ministre d'État et de la Sécurité de João Lourenço, à João Sequeira Lourenço, frère de João Lourenço, et à Augusto Tomás, ministre des Transports de João Lourenço. Ce sont les cinq magnifiques qui allaient faire la nouvelle société aérienne. Bartolomeu était, de l’avis de tous, parfaitement associé, et collé, aux hommes forts de João Lourenço jusqu’à ce qu’il a su que, dans son entrevue au canal européen Euronews, João Lourenço a annoncé la fin du projet « douteux » d’Air Connexion express. Un projet qui n’a pas eu le temps de sortir de terre, du  moins pour le moment. Cette décision de JLo a plongé Bartolomeu Dias dans une colère noire. Alors, après 38 ans de pouvoir absolu de ses amis, il s’est rappelé de la liberté d'expression que la Constitution angolaise lui garantit. C’est avec des mots très forts qu’il a critiqué la politique menée par João Lourenço. Comme Isabel Santos et Tchizé dos Santos, notre ami Bartolomeu Dias a tout d’un coup découvert les vertus de la liberté d'expression et s’est empressé d’en tirer les avantages. C'est une jolie ironie. Dans son entrevue au journal Valeur économique du 11 juin, l'entrepreneur Dias affirme que João Lourenço ne veut pas créer des emplois, qu’il est opposé à toute forme de développement, et que certaines de ses affirmations sont, à son avis, dangereuses. Un peu plus loin dans cette même entrevue, Mr. B.Dias élabore une théorie ethnique déraisonnable, en défendant l'existence d'un négativisme typiquement africain dans lequel João Lourenço se retrouve. C'est-à-dire, il défend la théorie selon laquelle João Lourenço est le noir qui ne veut pas voir les autres noirs vivre heureux. Il a suffi qu’on leur retire le pain de la bouche pour qu’ils débloquent et commencent à dire n’importe quoi.

Il accuse aussi le président de « se remplir les oreilles » et de prendre des décisions sur base de conversations de café et non des études sérieuses. Il qualifie Joâo Lourenço d’arrogant et l'accuse de prendre des décisions illégales (?) et d'abuser du pouvoir. Et il conclut ainsi sa tirade contre le président : « Depuis qu'il est devenu Président, il est en train de placer des obstacles (?) sur le chemin qui mène au développement du pays, il n'a rien fait qui puisse emmener le pays vers une véritable croissance économique. (…) Ce n'est pas parler joli qui va développer le pays, c’est en travaillant, en définissant des règles et des stratégies pour certains secteurs. » Le périple du président Joâo Lourenço en France et en Belgique n’a aucune signification pour Mr. Bartolomeu Dias ?

Voilà le MPLA d’aujourd’hui. Lorsque  Luaty Beirão ou Ondjaki font l'éloge de João Lourenço ou, pour le moins ils déposent des espoirs sur Joâo Lourenço en lui conférant le bénéfice du doute, les proches de ceux qui sont censés être ses alliés, conduits par les filles de José Eduardo dos Santos, lui assènent des coups violents. Visiblement, la guerre verbale contre João Lourenço à l'intérieur de certains secteurs de MPLA est déclarée. Nous sommes certains que la prochaine marche pour la Liberté d'Expression sera dirigée par Bartolomeu Dias et Isabel dos Santos. C’est avec beaucoup d’anxiété que nous attendons ce jour. L'entrevue de Bartolomeu Dias ouvre un intéressant débat au sein de la société angolaise en mutation.  En premier lieu, comment un entrepreneur qui défend l'initiative privée explique-t-il que ses partenaires soient tous des ministres ? Des ministres partenaires, est-ce pour pouvoir bénéficier du soutien de l’État ? Qu’on ne  vienne pas nous dire Bartolomeu est plein d'argent, parce qu'en octobre dernier il a dû recourir à un financement de Dubaï pour éviter la faillite. Des ministres puissants comme des partenaires et des financements provenant de la place financière du Dubaï, quand on sait comment est réglementé l’obtention des prêts, l’on alors se demander sont passés les millions de BESA ?  Un autre point à éclaircir est celui de la création d'emplois. Il faut ici démystifier les affirmations de Bartolomeu Dias à ce sujet. Les meilleurs économistes affirment que les affaires bâties sur la corruption ou le clientélisme ne créent pas d’emplois durables, car ils n'ont pas besoin de personnes productives, mais des statistiques pour remplir des formulaires. Les résultats sont toujours désastreux, et à la fin, comme les sociétés ne sont pas viables, ferment et augmentent le nombre des chômeurs. Il suffit de regarder le nombre des licenciés en Angola, surtout les jeunes, pour s’apercevoir que les grandes stratégies du précédent gouvernement n'ont pas créé d’emplois durables. Nous ne savons pas si João Lourenço va dans la bonne direction. Il y a eu beaucoup de zigzags et d’hésitations. Néanmoins, nous savons que le chemin n'est pas celui de Bartolomeu Dias.


Sobamasoba, l’analyse politique qui informe
 

Eduardo M.Scotty

 

Source :makaangola