Les deux premiers mois de Joâo Lourenço au
pouvoir ont provoqué un véritable remue-ménage dans le pays. Tous les secteurs
liés à la vie politique et économique sont touchés par une vague de révocations
et nominations. Dans les cabinets ministériels et dans les conseils d’administration
des entreprises d’État les mines renfrognées de responsables témoignent de l’inquiétude
grandissante de la classe dirigeante. Apparemment, pour le nouveau président, seuls
le mérite, l’intégrité et la compétence sont considérés comme critères pour l’affectation
des cadres et dirigeants. Tous ceux qui sont mouillés dans des affaires de
corruption sont d’office écartés. Joâo Lourenço a besoin de poser des actes
forts et spectaculaires ne serait-ce que pour reprendre la main après le départ
de Dos Santos. Je ne pense pas qu’il soit capable de défaire le système mis en
place par son prédécesseur. La révocation emblématique d’Isabel dos Santos est
un gage du nouveau président pour signifier au peuple angolais que personne n’est
au-dessus des lois. Au vu de ses
premiers pas à la présidence de la République, les Angolais enivrés par
ce début de changement doivent-ils se réjouir et applaudir leur nouveau
président? Oui et non.
Oui, parce que toucher à des corrompus qui
se croyaient intouchables est une preuve de la détermination de vouloir
corriger ce qui est mal. L’ouverture par le Procureur de la République d’une
action judiciaire contre le dernier gouverneur de la Banque Nationale est un
indice qui ne trompe pas. D’autres cas moins médiatisés se multiplient et l’opinion
publique croit que cette fois, apparemment, nous sommes sur la bonne voie. Le
laisser-aller de précédents gouvernements a laissé le pays dans un marasme qui
nécessite une restructuration en profondeur. Joâo Lourenço, à travers les
actes qu’il pose, donne l’impression de quelqu’un qui a su cerner le problème angolais.
Non, parce que derrière la révocation des
cadres et responsables, se cache peut-être un agenda que le public ignore. Penser
à l’existence d’un pacte implicite entre le nouveau président et le sortant n’est
pas insensé. Joâo Lourenço étant lui-même issu des entrailles du système Dos
Santos, il lui est pratiquement impossible de se dresser contre les pratiques immorales
d’un parti auquel il appartient. Il est de notoriété publique que les 38
ans de pouvoir de Dos Santos ont abimé l’image du Mpla dans le pays. Personne
ne croit plus à ce parti qui est devenu une machine à fabriquer des resquilleurs
des fonds publics. D’ailleurs n’eut été le tripatouillage de la Commission
électorale nationale aux dernières élections, le Mpla n’aurait pas gagné. Tout
le monde en Angola le sait, et le président élu le sait aussi.
Dans le pays, le bilan des consultations électorales à
partir de 1992 montre à quel point le Mpla est en baisse dans l’opinion
angolaise. Les résultats électoraux obtenus par ce parti aux dernières élections
sont un signal d’alarme qui préoccupe sérieusement le Mpla et sa direction. Même
s’il ne le laisse pas paraître, en sa qualité de vice-président du Mpla, Joâo
Lourenço est obsédé par ces résultats. Il est logiquement de son devoir
de chercher à redorer l’image de son parti terni par la mauvaise gouvernance de
son prédécesseur. Il suffit d'écouter son discours lors de son investiture pour s'en rendre compte. Même s’il affirme être le président de tous les Angolais, le
Mpla est son parti. Pour les prochaines élections en 2022, c’est lui
probablement qui va conduire la liste du Mpla. Son bilan à la fin de la présente
législature (2017-2022) sera très déterminant dans le choix des Angolais. Il
est un secret pour personne que les élections ne se préparent pas quelques mois
avant la date du scrutin. La bataille électorale se gagne pendant les cinq ans
que dure le mandant présidentiel. Le scénario auquel les Angolais assistent
aujourd’hui fait partie de la préparation des futures batailles électorales. Le
moment venu, tout le monde se souviendra de cet homme qui a eu le courage de
limoger tous ceux qui ont volé l’argent de l’État ; cet homme qui a remis
le mérite, la compétence et l’intégrité dans les critères de sélection des
cadres de l’administration angolaise. L’opinion nationale se souviendra de cet
homme qui a mis fin à la prépondérance des enfants Dos Santos. Joâo Lourenço n’est
pas à la recherche de notoriété comme l’a affirmé Joâo Pinto. Il cherche
méthodiquement et intelligemment à repositionner son parti sur l’échiquier
national. D’ailleurs, grâce aux quelques mesures énoncées, la réaction ne s’est
pas fait attendre. Beaucoup d’anciens militants du Mpla ont commencé à
rejoindre le parti. Marcolino Moco, Ambrosio Lukoki et d’autres frondeurs ont
encensé le nouveau président pour son sens de responsabilité. Mais lorsque nous
regardons de près ce que le nouveau président a fait, il n’y a rien d’extraordinaire.
Il est tout simplement en train d’installer son administration. Des hommes et
des femmes en qui il a confiance. A-t-il déjà parlé de la qualité de l’enseignement
dans le pays ? A-t-il déjà abordé la problématique de l’intolérance
politique ? La qualité des soins dans les hôpitaux, l’insécurité dans la
périphérie de Luanda, le chômage des jeunes, le déficit public, l'inflation galopante, autant des sujets sur lesquels
nous l’attendons. J’ouvre ici le débat.
Sobamasoba, l’analyse politique qui
informe.
Eduardo Scotty M.