dimanche 26 novembre 2017

Joâo Lourenço a-t-il un agenda caché?


Les deux premiers mois de Joâo Lourenço au pouvoir ont provoqué un véritable remue-ménage dans le pays. Tous les secteurs liés à la vie politique et économique sont touchés par une vague de révocations et nominations. Dans les cabinets ministériels et dans les conseils d’administration des entreprises d’État les mines renfrognées de responsables témoignent de l’inquiétude grandissante de la classe dirigeante. Apparemment, pour le nouveau président, seuls le mérite, l’intégrité et la compétence sont considérés comme critères pour l’affectation des cadres et dirigeants. Tous ceux qui sont mouillés dans des affaires de corruption sont d’office écartés. Joâo Lourenço a besoin de poser des actes forts et spectaculaires ne serait-ce que pour reprendre la main après le départ de Dos Santos. Je ne pense pas qu’il soit capable de défaire le système mis en place par son prédécesseur. La révocation emblématique d’Isabel dos Santos est un gage du nouveau président pour signifier au peuple angolais que personne n’est au-dessus des lois. Au vu de ses  premiers pas à la présidence de la République, les Angolais enivrés par ce début de changement doivent-ils se réjouir et applaudir leur nouveau président?  Oui et non.

Oui, parce que toucher à des corrompus qui se croyaient intouchables est une preuve de la détermination de vouloir corriger ce qui est mal. L’ouverture par le Procureur de la République d’une action judiciaire contre le dernier gouverneur de la Banque Nationale est un indice qui ne trompe pas. D’autres cas moins médiatisés se multiplient et l’opinion publique croit que cette fois, apparemment, nous sommes sur la bonne voie. Le laisser-aller de précédents gouvernements a laissé le pays dans un marasme qui nécessite une restructuration en profondeur. Joâo Lourenço, à travers les actes qu’il pose, donne l’impression de quelqu’un qui a su cerner le problème angolais.

Non, parce que derrière la révocation des cadres et responsables, se cache peut-être un agenda que le public ignore. Penser à l’existence d’un pacte implicite entre le nouveau président et le sortant n’est pas insensé. Joâo Lourenço étant lui-même issu des entrailles du système Dos Santos, il lui est pratiquement impossible de se dresser contre les pratiques immorales d’un parti auquel il appartient. Il est de notoriété publique que les 38 ans de pouvoir de Dos Santos ont abimé l’image du Mpla dans le pays. Personne ne croit plus à ce parti qui est devenu une machine à fabriquer des resquilleurs des fonds publics. D’ailleurs n’eut été le tripatouillage de la Commission électorale nationale aux dernières élections, le Mpla n’aurait pas gagné. Tout le monde en Angola le sait, et le président élu le sait aussi.

Dans le pays, le bilan des consultations électorales à partir de 1992 montre à quel point le Mpla est en baisse dans l’opinion angolaise. Les résultats électoraux obtenus par ce parti aux dernières élections sont un signal d’alarme qui préoccupe sérieusement le Mpla et sa direction. Même s’il ne le laisse pas paraître, en sa qualité de vice-président du Mpla, Joâo Lourenço est obsédé par ces résultats. Il est logiquement de son  devoir de chercher à redorer l’image de son parti terni par la mauvaise gouvernance de son prédécesseur. Il suffit d'écouter son discours lors de son investiture pour s'en rendre compte. Même s’il affirme être le président de tous les Angolais, le Mpla est son parti. Pour les prochaines élections en 2022, c’est lui probablement qui va conduire la liste du Mpla. Son bilan à la fin de la présente législature (2017-2022) sera très déterminant dans le choix des Angolais. Il est un secret pour personne que les élections ne se préparent pas quelques mois avant la date du scrutin. La bataille électorale se gagne pendant les cinq ans que dure le mandant présidentiel. Le scénario auquel les Angolais assistent aujourd’hui fait partie de la préparation des futures batailles électorales. Le moment venu, tout le monde se souviendra de cet homme qui a eu le courage de limoger tous ceux qui ont volé l’argent de l’État ; cet homme qui a remis le mérite, la compétence et l’intégrité dans les critères de sélection des cadres de l’administration angolaise. L’opinion nationale se souviendra de cet homme qui a mis fin à la prépondérance des enfants Dos Santos. Joâo Lourenço n’est pas à la recherche de notoriété comme l’a affirmé Joâo Pinto. Il cherche méthodiquement et intelligemment à repositionner son parti sur l’échiquier national. D’ailleurs, grâce aux quelques mesures énoncées, la réaction ne s’est pas fait attendre. Beaucoup d’anciens militants du Mpla ont commencé à rejoindre le parti. Marcolino Moco, Ambrosio Lukoki et d’autres frondeurs ont encensé le nouveau président pour son sens de responsabilité. Mais lorsque nous regardons de près ce que le nouveau président a fait, il n’y a rien d’extraordinaire. Il est tout simplement en train d’installer son administration. Des hommes et des femmes en qui il a confiance. A-t-il déjà parlé de la qualité de l’enseignement dans le pays ? A-t-il déjà abordé la problématique de l’intolérance politique ? La qualité des soins dans les hôpitaux, l’insécurité dans la périphérie de Luanda, le chômage des jeunes, le déficit public, l'inflation galopante, autant des sujets sur lesquels nous l’attendons. J’ouvre ici le débat.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty M.   

 

 

 

mardi 21 novembre 2017

Le président Joâo Lourenço : un éléphant dans un magasin de porcelaine.


« Améliorer ce qui est bon et corriger ce qui ne l’est pas ». Ce slogan, le candidat du Mpla aux élections générales du 23 août 2017 l’a porté durant toute sa campagne électorale. Pensée par les stratèges politiques du Mpla, la formule a séduit énormément d’électeurs puisqu’en bout de course, le Mpla et Joâo Lourenço ont remporté le scrutin avec 61% de voix. Jusqu’ici, rien d’inconvenant. C’est à partir du moment où le candidat devenu président essaye de matérialiser ce slogan pour le rendre plus présent dans la vie quotidienne des Angolais, que le problème commence à se poser. « Corriger ce qui n’est pas bon », cette partie du slogan est, de l’avis de plusieurs Angolais, une reconnaissance subtile des erreurs commises par les gouvernements précédents, et cela dérange beaucoup le fan-club des « eduardistes ».Ils refusent toute responsabilité dans la situation que connait actuellement le pays. Pourtant, ce sont leurs erreurs qui ont longtemps pénalisé le peuple et appellent aujourd’hui à des réformes structurelles pour le bien de tous. Seulement, au vu de leur réaction (les faucons du Mpla), il semble qu’ils ne sont pas prêts à accepter les corrections envisagées par le nouveau pouvoir.      

Depuis l’entrée en fonction du président Joâo Lourenço, la population a la nette impression de vivre quelque chose de nouveau, quelque chose de différent. Les quelques mesures prises par le nouveau pouvoir dans le cadre de la restructuration de son administration ont engendré une onde de satisfaction au sein de la population. Ces mesures sont, certes, aux antipodes des usages du parti et peut-être contraires aux méthodes de gouvernance de précédents gouvernements, mais ne dit-on pas qu'« aux grands maux, grands remèdes ? ». Le réalisme dont fait montre Joâo Lourenço n’est pas, comme veulent nous faire croire certains caciques du Mpla, un quelconque déviationnisme. Le spectacle auquel nous assistons depuis son installation à la présidence de la République, des nominations et surtout des limogeages en cascade, correspond exactement aux attentes du peuple. Qu’il y ait, comme je l’ai souligné, des réactions parfois violentes de certains politiciens de la majorité, c’est très compréhensible. Ils ne sont pas habitués. Le cas de Joâo Pinto, un député du Mpla connu pour son attachement au président Dos Santos est une vivante illustration. Cet homme, un pur produit du marxisme-léninisme, n’a pas hésité de menacer le nouveau Chef d’État de pires conséquences tout simplement parce qu’il a démis de leurs fonctions les enfants de l’ancien président Dos Santos. Un limogeage que le peuple angolais attendait et qu’il a apprécié à sa juste valeur au point de fêter l’événement. Si Mr. le député avait un esprit plus ouvert, il aurait su que les promesses électorales ne sont pas des promesses en l’air. Généralement, les électeurs tiennent compte de leur concrétisation pour pouvoir juger leurs élus. S’enfermer dans une colère incontrôlée, et qualifier un président démocratiquement élu de populiste à la recherche de notoriété est un manquement grave. Venant d’un député de la majorité, un commentaire de cette nature montre de quel côté se trouve réellement le Mpla. Sinon, un président élu avec 61% de suffrage n’est-il pas un homme suffisamment populaire pour entamer des réformes et s’entourer des personnes compétentes de son choix? Et dire que « le Mpla est le peuple et le peuple est le Mpla », quelle blague !
Jusqu’à ce jour, le président Lourenço n’a encore mis personne en prison pour détournement des fonds publics. Qu’arrivera-t-il quand les pilleurs des coffres de l’État seront appelés à rendre des comptes à la Justice ? D’ailleurs, rien n’indique que les mesures prises jusqu’à présent par Joâo Lourenço ne sont pas un arrangement concerté avec le président sortant. Dans les hautes sphères du pouvoir, il se murmure que nonobstant les limogeages effectués par le nouveau pouvoir, les deux présidents (Mpla et gouvernement) continuent à entretenir des relations très cordiales. Il y a donc suspicion que les changements introduits par Joâo Lourenço soient le résultat d’une concertation entre lui et son prédécesseur. Dino Matross, secrétaire général du Mpla n’a-t-il pas affirmé que : « Joâo Lourenço ne fera rien sans le patronage du parti. Tout ce qu’il fait est le résultat d’un débat au sein du parti ». C’est dommage que Joâo Pinto ne soit pas au courant de ce qui se trame à la direction de son parti sinon il n’aurait pas réagi de la sorte. Je vous rassure tout de suite, il n’est pas le seul dans ce cas. Kundi Pahama, le gouverneur de la province de Cunene fait aussi partie de ce noyau dur du parti qui veut mettre des bâtons dans les roues du gouvernement actuel. Et au fur et à mesure que les limogeages tombent, la liste des réfractaires s’allonge. Aux dernières nouvelles, Ambrosio de Lemos (Patron de la police) et José Maria ( Chef des services de sécurité) ont été limogés. Et si l’ex-président Dos Santos dans son repenti avait décidé de donner à son successeur, Joâo Lourenço, la possibilité de réaliser ce qu’il n’a pas pu faire, cela peut-être une explication. Les révocations font, certes, mal, mais quand elles sont justifiées, la douleur est moins pénible. Et vous, pensez-vous que le Président Joâo Lourenço mérite les foudres des caciques du Mpla ? Le procès d’intention qu’on lui fait, est-il justifié ?  

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty M.