vendredi 31 janvier 2020

Joâo Lourenço - Isabel dos Santos Dokolo, au comble de l'animosité ?

L'actualité depuis quelques temps est dominé par le bras de fer entre Isabel dos Santos et Joâo Lourenço. Animé par la volonté de combattre réellement la corrution, le président angolais, comme un diable dans un bénitier, se débat pour trouver par quel bout tenir la famille de son prédecesseur. Les mauvaises langues parlent de harcelement. Mais en fait, c'est une tactique : Détruire les fondations pour que le reste tombe sans faire trop d’effort. L’arme : combat "impitoyable" contre la corruption. Sûr de l'appui d'une importante partie de l'opinion nationale, João Lourenço, detesté par certains de ces camarades, cherche à éliminer les foyers d’opposition qui se sont crées dans le MPLA, tout en consolidant son pouvoir.
L’idée selon laquelle le président angolais ne contrôle pas encore totalement le MPLA, parti au pouvoir, est largement répandue dans l'opinion. On suppose que plusieurs caciques sont toujours fidèles à l’ancien président José Eduardo dos Santos et développent une certaine résistance à l'intérieur du parti. Cette fidélité représenterait une menace pour le pouvoir politique de João Lourenço, en particulier pour la conquête d’un second mandat présidentiel en 2022. C’est pourquoi certains croient que la médiatisation des actions contre la corruption vise à couvrir les échecs gouvernementaux de Joâo Lourenço et à gagner en popularité.
Le sociologue Paul English est l’un de ceux qui partage cette théorie : "Je la partage en partie parce que le Président est à la recherche d’une certaine légitimité en tant que leader politique. Et une de ses promesses, en effet, a été de combattre la corruption et il a besoin de cette bannière comme une sorte d’atout politique à partir duquel il pourra ensuite capitaliser comme bilan lors des prochaines élections".
Démolir la structure d’abord pour que le corps tombe sans trop d’effort ?
La démonstration de force contre le noyau dur proche de José Eduardo dos Santos est une manière par laquelle le Président cherche à fragiliser le "petit poisson" sans devoir faire trop d’efforts. Réduire la famille de Dos Santos à zéro est une stratégie pour  asseoir son pouvoir ? En face, le duo Isabel-Tchizé ne lui laisse pas de répit. À l'allure où vont les choses, on risque de se retrouver dans les caniveaux.
 Un éminent chercheur, expert en gouvernance et corruption dans un institut de recherche en Norvège, estime que " le but de Joâo Lourenço est de réduire à zéro l'influence politique de la famille Dos Santos , mais reste à savoir ce que cela implique en termes de réduction de l’influence économique que la famille Dos Santos détient encore dans le pays. Isabel dos Santos a des investissements dans les télécommunications et dans plusieurs autres secteurs. Même s'ils n'ont  plus beaucoup d'influence politique dans le pays, la force du clan JES demeure dans les entreprises qu'ils contrôlent. Donc, réduire l’influence politique de ce groupe passe d’abord par réduire son influence économique et financière, ce qui est en train de se faire dans le contexte de la campagne contre la corruption. Isabel dos Santos, l'"héritière politique" de José Eduardo dos Santos et membre du MPLA, a déjà vu une partie de ses biens saisis en Angola et a également été pressée de se défaire de ses participations internationales dans le cadre du "Luanda Leaks". Lorsque Isabel dos Santos "a ouvert la porte à sa candidature à la présidence de l’Angola la semaine dernière dans une interview, c’était un signe qu’elle, et non son père, constitue désormais un défi pour Joâo Lourenço.
Je n'ai jamais cessé de condamner dans ce Blog la selectivité observée dans le combat contre la corruption en Angola. Et c’est justement le fait qu’il y ait des alliés considérés comme intouchables qui font que l'opinion se demande si la campagne contre la corruption de João Lourenço est sérieuse. Surtout quand on constate que les changements structurels nécessaires à une meilleure gouvernance n’ont jamais été dans le champ d’application du Président.  Ce qui me fait conclure qu'il y a beaucoup d’erreurs que le Président commet au niveau politique parce qu'il ne peut pas combattre les conséquences d’un mal sans aller à ce qui a permis à ce mal de se produire. Il y a donc là une sorte d’ambiguïté, un double critère. Si le président voulait procéder à des réformes profondes, cela reviendrait à toucher à la Constitution et à son propre pouvoir, à limiter son pouvoir".
Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.
Eduardo M.Scotty
Source: DW Africa

mercredi 15 janvier 2020

Joâo Lourenço - Felix Tshisekedi : même combat ?


L'année 2020 commence par un bras de fer entre le président Lourenço et la famille Dos Santos. La saisie par le gouvernement angolais des avoirs de Isabel dos Santos et de son mari retient en ce début d'année l'attention de tous ceux qui s'intéressent à la politique angolaise. Vu l'intensité de la tension qui règne entre Joâo Lourenço et le duo Tchizé/Isabel dos Santos, on ne pouvait pas espérer mieux. Laissons, pendant quelques minutes, la frénésie médiatique autour d'Isabel dos Santos, et regardons d'autres événements intéressants qui se sont passés en Angola. Une fois de plus, le président Joâo Lourenço a rencontré Félix Tshisekedi, président de la République démocratique du Congo, cette fois à Benguela. La réunion a donné lieu à une déclaration dans laquelle sont soulignés l'examen par les deux dirigeants des questions relatives à l'exploration du pétrole dans les zones communes d'intérêt et  les conséquences de la décision de la Cour provinciale de Luanda, au sujet de la saisie des actifs de Isabel dos Santos et de son mari, Sindika Dokolo. Sur cette question, qui occupe la majeure partie du communiqué, les deux présidents ont affirmé leur ferme engagement à lutter contre la corruption et l'impunité, ainsi que l'engagement décisif en faveur de la transition pacifique des deux pays vers la démocratie et le progrès. Il semble qu'après tout, contrairement à ce que peut penser l'opinion publique, la question de Isabel dos Santos, surtout de son mari Sindika Dokolo,  a un impact sur les relations entre l'Angola et le Congo-Kinshasa, et la rencontre entre les présidents ne pouvait pas se terminer sans se pencher sur cette brûlante actualité.  Il n'est donc pas surprenant que dans la lutte contre la corruption, les problèmes provoqués par les caciques des anciens regimes dans les deux pays font partie des préoccupations de Lourenço et de Tshisekedi.
 L'actuel président de la RDCongo occupe ce poste depuis janvier 2019, après avoir succédé à Joseph Kabila, président pendant plus de 18 ans. Comme José Eduardo dos Santos l'a fait à Lourenço, Kabila a verrouillé le pouvoir avant de partir. En fait, en RDCongo, l'influence de Kabila reste très présente, puisque la Constitution, contrairement à l'Angola, ne confère pas de larges pouvoirs au Président de la République. C'est une constitution semi-présidentielle. Ainsi, Tshisekedi doit vivre avec une majorité parlementaire et un Premier ministre de confiance de Kabila, qui, après avoir remis la présidence de la République, contrôle toutes les autres institutions. De toute évidence, Kabila était plus habile que Dos Santos. À mon avis, le chemin que Tshisekedi doit parcourir est très long et ardu.
En fait, les principaux problèmes des deux présidents sont identiques: deuxs pays extrêmement corrompus, où une petite élite s'est appropriée la plupart des ressources. Au vu de ce qui se passe en Angola,  il semble que Joâo Lourenço tente de former en Afrique centrale un bloc réformiste, pariant sur la reconfiguration des régimes politiques et les débarrassant autant que possible de la corruption. En ce sens, il a peut-être trouvé un allié en la personne de Tshisekedi. Il y a possibilité de forger une alliance pro-démocratie et pro-progrès qui serait sans précédent dans ces deux pays. L'Angola et la RDC ont connu des guerres et la pauvreté tout au long de leur histoire. Depuis son arrivée au pouvoir, Lourenço a joué un rôle important dans la transition pacifique en RDCongo entre Kabila et Tshisekedi. Plusieurs sources confirment son rôle clé dans la décision de Kabila de se retirer, lui garantissant un sanctuaire en Angola, si nécessaire. Il a apporté un soutien indéfectible au nouveau président congolais, à la fois pour le renforcement de son pouvoir et la gestion des relations avec le Rwanda. Toutefois, hormis le renforcement des relations entre les deux pays et la création d'un bloc anti-corruption dans cette zone de l'Afrique centrale, un autre thème a été abordé par les deux dirigeants. Celui de Sindika Dokolo. De nationalité  congolaise (en plus de danoise et angolaise), Sindika appartient à une riche famille. Son père, Augustin Dokolo, était l'un des principaux banquiers du dictateur Mobutu, avant de tomber en disgrâce et de perdre sa banque. Marchant sur les pas de son père, Sindika a un sens très élevé des affaires. Il croit à la méritocratie, ce qui l'oppose à l'ancien président Joseph Kabila qui, finalement l'a fait condamner par un tribunal congolais à un an de prison pour certaines de ses entreprises. Cela l'a empêché de rentrer en RDCongo pendant un certain temps.
Nous avons tous observé qu'après l'élection de Tshisekedi, Sindika s'est beaucoup approché du nouveau président. Apparemment, une étroite entente entre les deux hommes était donc en gestation. Lourenço voit-il d'un bon oeil cette approximation?  Étant embourbé dans une grave affaire financière en Angola, il est possible que Joâo Lourenço, qui  soutient Tshisekedi, ne veuille pas que Sindika soit un grain de sable dans la mécanique qui se met en place.  Si Lourenço et Tshisekedi sont appelés à être des alliés dans la lutte contre la corruption, forcement Tshisekedi aura besoin de Lourenço pour se démarquer de Kabila et créer son propre espace politique et de pouvoir. À son tour, Lourenço n'aimerait pas que la RDCongo  sert de base pour les attaques de Sindika contre le pouvoir à Luanda.
Les deux chefs d'État arriveront-ils à se surpasser?  Wait and see. 

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 
Eduardo M.Scotty

Source: makaangola