En
marge de la 74° assemblée générale de l’ONU qui s’est tenue à New York, le président
angolais, Joâo Lourenço, au cours d’une interview accordée à la presse
angolaise a déclaré au sujet de la situation socioéconomique de l’Angola après
deux ans à la tête de l’État : « Ce qui n’a pas été fait en 44 ans,
personne ne peut espérer que cela se fasse en deux ans ». Par cette
déclaration, Joâo Lourenço reconnait implicitement l’échec des politiques engagées
par son parti, le Mpla, durant les 44 dernières années au pouvoir en Angola.
Cet aveu d’échec témoigne de l’incapacité ou de l’incompétence de ceux qui se
sont emparés illégitimement du pouvoir en 1975. Une incompétence doublée d’une
cupidité sans commune mesure qui a conduit à la formation d’une classe sociale
entièrement constituée des hommes et des femmes corrompus, voleurs de deniers
publics. Les MARIMBONDOS. Ils sont tous du Mpla. Ce parti qui n’a pas su,
malgré le boom pétrolier, rendre effectif le projet de société dont il est
porteur depuis l’accession du pays à l’indépendance.
Devenu
Chef de l’État en 1977, Joâo Lourenço, est-il en mesure de renverser la
tendance ? L’opinion publique est très sceptique à ce sujet. C’est vrai
qu’avec son arrivée au pouvoir il y a plus de liberté d’expression. C’est vrai
aussi que la peur de penser, de parler et même de crier a pris fin. Mais cela
suffit-il pour songer à un vrai changement dans le pays ? Lorsque nous
savons que pendant les 44 ans de pouvoir du Mpla, la peur a été une arme pour
faire taire la population, le doute subsiste. Surtout quand la population sait
que c’est dans ce climat de peur que le pouvoir « eduardiste » ait su
cacher son incompétence en réduisant l’importance de la valeur travail ;
un but pour la dignité du citoyen angolais. L’honnêteté est vue d’un très mauvais
œil. L’activisme partisan, la corruption, le népotisme sont devenus des outils
de progrès pour les individus en Angola. Toute notion de comportement éthique
est abandonnée au profit de l’enrichissement illicite. Dans la société
angolaise sont apparues au cours de ce long mandat deux idéologies
dominantes : parasiter et piller. C’est dans ce climat délétère que Joâo
Lourenço accède au pouvoir le 26 septembre 1977. Le peuple fatigué des méthodes
oppressives de Dos Santos n’attend vraiment rien de nouveau venant de cet
ancien ministre de la Défense de José Eduardo dos Santos. Pour la population
angolaise, l’alternance pourtant souhaitée est une mascarade. C’est blanc
bonnet et bonnet blanc entendait-on dire dans les rues de Luanda et ailleurs. Aux
yeux des Angolais, JLo était un président symbolique. Seulement, avec le temps beaucoup
d’entre eux ont commencé à changer d’avis. Ironiquement, les pouvoirs absolus
attribués au président de la République par Dos Santos pendant son règne ont
permis à Joâo Lourenço d’avoir une large marge de manœuvre pour annuler
certains décrets de son prédécesseur qui maintenaient inamovibles des chefs
militaires et ceux de la police nationale à leurs postes encore pendant cinq
ans.
J’ai évoqué
l'incompétence de l'exécutif, en particulier dans le domaine économique, et
l'absence de vision claire du président sur sa gouvernance. Que veut João
Lourenço et où va-t-il? La vérité est qu’il ya trop de zigzags qui nous empêchent
de comprendre sans équivoque l’orientation du président: je ne sais pas s’il
navigue à vue ou si le rythme de l’improvisation qu’il impose au pays est
bon. La gouvernance de Jose Eduardo dos
Santos était, à mon avis, plus lisible, et se résumait en trois points : premièrement,
l’utilisation du pouvoir pour l’enrichissement illicite individuel.
Deuxièmement, le maintien de ce pouvoir, son renforcement et sa légitimation
internationale, grâce aux cadeaux financiers distribués aux facilitateurs de la
communauté internationale. Troisièmement, l'exclusion de la société civile par
la répression et l'aliénation pour qu’elle n’ose pas penser à un changement de
régime, et l’utilisation du fruit du pillage comme d’une sorte de loterie. Seuls
ceux qui sont au pouvoir ont le droit de gagner.
Après deux ans au
pouvoir, l’obscurité à l’horizon est toujours présente. La crise économique que
vit le pays ne cesse de préoccuper la population. Le président Joâo Lourenço se
démène comme un diable dans un bénitier, rien n’y fait. Il parcourt, sans
succès, le monde à la recherche des
investisseurs pour tirer le pays du gouffre dans lequel son prédécesseur l’a
plongé. L’Angola est trop endetté. Les lignes de crédit chinoises ont fait plus
de mal que de bien aux Angolais. Si on associe à ces lignes de crédit
l’incompétence et la médiocrité de ceux qui entourent le président, le résultat
est facile à deviner. Or, si nous considérons que la compétence est l’élément
clé pour assurer la prospérité d’un pays, il va de soi que le président doit s’entourer
des cadres qu’il faut aux postes qu’il faut. Ce raisonnement fait appel à des
réformes douloureuses, mais indispensables.
Deux ans, est-ce
suffisant pour porter un jugement ?
Sobamasoba,
l’analyse politique qui informe.
Eduardo M.Scotty.