Au moment où l’Angola se prépare
à organiser, en 2017, les élections législatives, les seules auxquelles le
peuple angolais a droit, il convient de s’interroger sur les techniques de
fraudes que le Mpla apprête pour se maintenir au pouvoir. Parler de ce sujet à
un an des élections n’est ni prématuré ni outrancier. Je tiens à préciser ici qu’une
fraude électorale est un processus qui démarre plusieurs mois avant l’acte
électoral. C’est d’ailleurs pour cette raison que Samakuva de l’Unita et André
Mendes de Carvalho de Casa-ce se sont insurgé contre l’usurpation par le
gouvernement des compétences attribuées à la CNE (commission nationale
électorale). Dans l’enrôlement des électeurs, le ministère de l’Administration
du territoire (MAT) s’est substitué à la CNE. Ce qui laisse croire qu’une
fraude électorale est en préparation. L’inquiétude est-elle injustifiée ?
Je me pose cette question parce que dans nos pays, pour donner l’impression que
la démocratie est devenue une réalité, le suffrage universel loin d’être
l’expression de la volonté populaire, devient le moyen par lequel le système
politique se maintient au pouvoir, et par le même fait, exclut les populations
comme à l’époque coloniale. Là où nous faisons l’apprentissage du droit à
l’expression, les élites du Mpla travaillent à
la mise en œuvre du plébiscite dans la ligne des anciens partis uniques.
Ne pouvant perdre le pouvoir, tout est fait pour que le Chef soit élu
« démocratiquement ». Et c’est là que la fraude, ombre accolée à
toute forme de suffrage, prend une dimension nouvelle. Elle légitime le pouvoir
en privant le peuple du bénéfice de son choix.
Dans l’Afrique d’aujourd’hui, se
perpétuer au pouvoir est devenu un impératif pour les gouvernements en place. Le
Gabon des Bongo est l’exemple le plus récent. Pour y arriver, tous les moyens
sont bons, et organiser une fraude électorale n’est plus comme jadis, elle est
entrée dans les mœurs. C’est pour cette raison que les partis politiques de
l’opposition passent plus de temps à trouver la parade à la fraude qu’à
mobiliser leurs militants. Il suffit qu’il n’y ait pas fraude pour que le parti
au pouvoir perde les élections, ça c’est connu. « Dans
les circonstances actuelles, si les élections sont justes et transparentes, le
Mpla n’obtiendra pas plus de 10% de suffrage » a déclaré
Adalberto Junior, président du groupe parlementaire de l’Unita à l’Assemblée
nationale. C’est justement pour éviter un tel scénario que Dos Santos et ses
amis s’évertuent à imaginer des solutions qui les mettent à l’abri d’un désastre
électoral. Le MAT, dirigé par Bornito de Sousa, un très proche de Dos Santos, qui pilote la manœuvre a d’abord proposé le
découpage de la province de Moxico, dans sa majorité favorable à l’opposition,
en deux petites provinces. Malheureusement, les projections préélectorales effectuées
n’ayant pas donné les résultats escomptés, le projet a été balayé. « Aujourd’hui
la fraude électorale est plus propre et revêt les apparences d’une transparence
irréprochable » a affirmé Samakuva au cours d’un point de presse à
Luanda. Si les inquiétudes de l’opposition sont avérées, le peuple angolais
doit être vigilant, car la fraude électorale commence, à mon sens, avec la
composition du corps électoral. Elle vise à l’élimination indue des électeurs à
priori défavorables et à l’inscription indue des électeurs favorables au Mpla.
Ces deux techniques, souvent utilisées conjointement, emploient des moyens
similaires. Pour rendre effective la fraude, des complicités dans les services
de l’administration communale et municipale sont nécessaires. Voilà pourquoi le
Mpla refuse pour le moment d’organiser les élections locales. Dans les communes
et municipalités sous contrôle de partis politiques de l’opposition, il est
difficile au pouvoir de manipuler les chiffres.
L’autre forme que prend la fraude
électorale est celle portant sur la campagne électorale. Lorsque le parti au
pouvoir, en l’occurrence le Mpla, influence voire contrôle les médias (radio,
tv, journal quotidien) il lui est facile de s’assurer la maitrise du discours
et de limiter voire empêcher la propagande électorale d’autres partis. C’est le
moyen moderne par excellence, car il respecte (sic) formellement les règles du
vote et faute d’indicateurs pertinents et reconnus (qui ne sont pas toujours en
place) il est difficile de prouver toute forme de fraude. Dans les milieux à
fort taux d’analphabètes, ou peu accessibles aux médias, ces milieux sont
particulièrement sensibles à la propagation des rumeurs et de toutes sortes de
fausses nouvelles tendant à discréditer les opposants. Ces manipulations de
l’information dont le Mpla est spécialiste sont des éléments constitutifs de la
fraude électorale puisque leur but est de détourner les voix de l’opposition. En
dehors de ce facteur, le rejet des candidatures adverses, l’emprisonnement,
l’empoisonnement, l’assassinat des opposants et le bourrage d’urnes sont aussi
une autre forme de fraude électorale. « Mieux vaut prévenir que
guérir » disent les sages. Car malgré l’impopularité dont le Mpla fait l’objet dans le pays à cause de la corruption, du chômage,
du népotisme, de l’insécurité, de l’impunité, les ténors du Mpla ne cessent de
claironner qu’ils vont gagner les élections. Comment vont-ils faire ? D’où
leur vient cette assurance ? « Tala ku nseki…tala ku
mamba » ! (Proverbe Kisuku= vigilance).
Sobamasoba, l’analyse politique
qui informe.
Eduardo Scotty Makiese.