lundi 28 novembre 2016

La manifestation du 26 novembre 2016 interdite à Luanda.


Le 26 novembre 2016, cette date vous dit-elle quelque chose ? Non ? Je m’en doutais. C’est le jour que la société civile angolaise avait choisi pour organiser à Luanda une manifestation contre la nomination d’Isabel dos Santos à la tête du Conseil d’administration de Sonangol. Une entorse à la loi sur la probité. La demande en annulation déposée par un groupe d’avocats n’ayant pas abouti, un petit comité de patriotes composé de Marcolino Moco (frondeur du Mpla), William Tonet (journaliste Folha8), Luaty Beirâo (du procès 15+2), David Mendes (Mâo livre, avocat) et Sizaltina Cutaia ont décidé de braver la peur du régime et d’organiser une manifestation pour protester contre l’attitude complice du tribunal suprême dans le dossier « Isabel dos Santos-Sonangol ». L’organisation des manifestations ne requérant aucune autorisation, selon la constitution angolaise, 45 jours avant le 26 novembre, une note d’information par laquelle les organisateurs demandaient aux autorités urbaines de sécuriser les abords de la place du 1°Maio pour éviter tout débordement, fut adressée au gouverneur de la ville. C’est la procédure. On croirait que le respect de la constitution était entré dans les mœurs. Erreur. Deux jours avant l’événement, un communiqué de l’Autorité urbaine interdisait la manifestation sous prétexte que le Conseil des églises chrétiennes en Angola avait prévu d’organiser à cette date et sur le même parcours une manifestation ayant pour thème « le rôle de la femme religieuse dans la consolidation de la paix en Angola ». Foutaise !

Lorsque j’ai eu connaissance de cette information, je me suis rappelé ce qui se passe actuellement dans la très démocratique République du Congo (RDC) avec le président Joseph Kabila. Dans ce pays voisin de l’Angola, chaque fois que les partis d’opposition décident, pour une raison ou pour une autre, d’organiser un meeting ou une quelconque manifestation, les chefs de la police organisent un match de football (de 5heures du matin à 18 heures) à l’endroit prévu pour le meeting afin de les empêcher de s’exprimer. Nulle part ailleurs en Afrique on ne peut assister à ce genre d’écrasement.   Seule la région de l’Afrique centrale est en train de devenir le creuset des méthodes d’oppression dignes de machiavels. Après les changements de constitutions en Angola, au Burundi, au Rwanda, au Congo et au Tchad, le musellement des opposants par ce nouveau procédé qui apparemment ne viole aucune loi s’est déjà étendu au Gabon. Et demain…

Revenons au cas de l’Angola qui nous intéresse le plus. L’État, pour justifier l’annulation de la manifestation du 26 novembre, a utilisé le Conseil des églises chrétiennes en Angola (CICA) dont le rôle dans le scénario parait peu structurant. Nous sommes tous d’accord pour dire que les femmes ont, indiscutablement, le droit d’exercer de la manière qu’elles désirent leur liberté religieuse dans notre pays qui est un État laïc. Mais, que le CICA apparaisse au milieu d’un imbroglio d’histoires mal contées me rappelle des positionnements politiques qui avilissent l’image de l’Église. Est-ce le cas ? Peut-on affirmer que le CICA est inféodé au Mpla ? Il existe parfois des coïncidences qui nous obligent à nous interroger. Parce que la réalisation d’une marche pour la paix à une date hors du contexte et qui coïncide avec une autre manifestation convoquée par la société civile  et qui a été largement divulguée ouvre sincèrement des brèches pour plusieurs interprétations. À moins que quelque chose d’extraordinaire soit arrivé, on imagine mal la main de Dieu dans cette coïncidence.

Dénoncer une telle posture ne fait pas de moi un opposant. Ceux qui croient que je suis contre le Mpla se trompent sur toute la ligne. Ce que je condamne, c’est la politique et les méthodes du Mpla. Dans leurs agissements il n’y a pas de place pour le peuple. Sinon pourquoi il y aurait autant de pauvres dans notre pays ? « Avec cette posture, le Mpla est en train de semer les graines de la révolte sociale » a dit William Tonet.   A-t-il raison ? 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.

 

 

               

vendredi 25 novembre 2016

L'Angola, un pays riche en pauvres.


La semaine dernière, SIC tv, chaine portugaise d’informations, a présenté à ses téléspectateurs un reportage sur l’Angola d’aujourd’hui. Réalisé à l’intérieur du pays, ce documentaire dont le contenu reflète exactement le vécu de l’Angolais dans sa vie de chaque jour a été également vu par plusieurs milliers de téléspectateurs à Luanda. Moi, c’est sur internet (http://sic.sapo.pt/) que j’ai pu le regarder. Je l’ai trouvé intéressant et interpellant. « Angola, um pais rico com 20 milhôes de pobres » est le titre de l’œuvre télévisée. Contrairement au reportage diffusé par TVI il y a deux ans, exaltant en termes irréels et pompeux le soi-disant progrès social en Angola, le document  présenté par SIC tv retrace, à mon humble avis, une autre réalité, celle des hommes et des femmes qui vivent dans la misère et n’ont plus peur de dire la vérité. C’est à Chavoka, Catumbela, Lobito et Benguela que Sic tv a réalisé ce reportage plein de récriminations.

Au lendemain de la présentation de ce document, les réactions ne se sont pas fait attendre. Un des arguments de contestation officielle pour discréditer la chaine Sic tv est la négation des statistiques présentées par la télé portugaise. Heureusement que le ridicule ne tue pas. Comment peut-on contester des chiffres qui sont publiés par des organismes internationaux auxquels appartient l’Angola ? 80% des élèves du primaire n’atteignent pas le niveau secondaire ; 60% de la population n’ont pas accès à l’eau potable ; 90% des habitations ne disposent pas du nécessaire pour l’hygiène basique ; 3% seulement du budget sont alloués à l’Éducation et 5% à la Santé. Présentés de cette manière, ces chiffres sont mortifères pour le pouvoir, mais ils ont la vertu d’indiquer à quel  résultat est arrivé un pays riche dans le processus de paupérisation de sa population. D’ailleurs, présentement, dans la liste des pays en voie de développement, l’Angola tient la queue avec la Birmanie, le Zimbabwe et le Swaziland. Ces chiffres sont aussi le résultat de la mauvaise gestion de la chose publique et du détournement de fonds publics qui, à la rigueur, peuvent servir d’exemple dans un quelconque manuel d’économie dont le titre serait « Comment paupériser un pays riche ». Sur un total de 188, l’Angola occupe la 149° place en termes de développement humain (IDH) ; l’espérance de vie est de 52 ans ; le taux de mortalité infantile est de 101 bébés sur 1000 (un taux supérieur à 10%) ; seulement 167,4 enfants sur 1000 atteignent l’âge de 5 ans (16%) ; le décrochage scolaire de 68,71% dans l’enseignement primaire ouvre la voie à l’analphabétisme.

Quant à la pauvreté, les statistiques indiquent que 43,4% de la population vivent avec 1,25 dollar par jour, soit 38 dollars par mois. À l’intérieur de cette population, une nouvelle classe a vu le jour, celle des travailleurs pauvres. Ils sont 56,4% et vivent avec 2,00 dollars par jour. Ceci signifie que le travail et l’emploi ne concourent plus à l’éradication de la pauvreté. Au contraire, cette valeur fondamentale qu’est le travail a perdu tout son contenu, et condamne une importante frange de la population au désespoir, la pire condamnation qui puisse exister dans le monde. Devant cette vérité, nous les Angolais devons dénoncer tous ceux qui manipulent, comme un certain camarade dont je préfère taire le nom, attaché de presse à l’ambassade de l’Angola à Lisbonne, les chiffres pour donner une meilleure image de notre pays à l’étranger. L’Angola doit être vu tel qu’il est avec ses insuffisances afin nous puissions les surmonter. C'est pourquoi je m'évertue à dire la vérité dans toutes mes analyses. Tous ceux qui croient en Dieu savent que la vérité affranchit. S'atteler à dire la vérité ne fait pas de moi un opposant au régime de Dos Santos. Si je prends le risque de publier ce qui fait mal à nos dirigeants, c’est parce que j’estime qu’il est de mon devoir d’informer mes concitoyens et les amis de l’Angola. Mon but n’est pas de renverser le régime et de prendre le pouvoir. Je n'en ai pas les moyens. Par mes écrits je veux susciter le débat et éveiller les consciences. Si nous étions plusieurs à accomplir ce devoir, nos concitoyens nous seraient très reconnaissants.

Honni, soit qui mal y pense.     


-          http://data.worldbank.org/


Je vous laisse ces liens pour qu’ils enrichissent votre recherche.

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.

 

         

dimanche 13 novembre 2016

Kundi Paihama, le Général devenu maître dans l'art de conditionner les opinions publiques.


Ma publication d’aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, ne se penchera pas uniquement sur l’analyse d’un fait, mais elle sera en partie consacrée au portrait d’un homme. Un homme qui par ses méthodes peu orthodoxes cultive et entretient l’image du Mpla au début de chaque campagne électorale ; un militaire converti en homme politique. Cet homme est un personnage qui intrigue et suscite autour de lui énormément de curiosité.   Plusieurs fois ministre et gouverneur de province, Kundi Paihama puisque c’est de lui qu’il s’agit, incarne à lui tout seul ce que le Mpla renferme de machiavélique. Il appartient, comme son collègue le général Zé Maria, à la catégorie de ceux qui, au sein du parti,  imposent leur volonté au président Dos Santos. Parler spécialement de ce Général/gouverneur c’est entrer au cœur du système qui soutient le parti au pouvoir. De tous ses camarades au sein du Mpla, il est un des rares dont la loyauté au président Dos Santos est indéfectible. Depuis 1979, il est omniprésent dans les sphères du pouvoir. Les analystes politiques à Luanda le considèrent comme faisant partie des hommes du président, intouchable et fidèle.   

Ce haut dignitaire du régime, très proche de Dos Santos, ne fait entendre le son de sa voix qu’à l’approche des élections. Dans la machine à faire « gagner » le Mpla, c’est lui qui conçoit l’élément de langage qui sert de soubassement à la propagande du parti. Sa stratégie consiste à insuffler dans l’esprit des Angolais l’existence dans le pays des bandes armées ou des terroristes imaginaires qui menaceraient l’intégrité territoriale et provoqueraient une conflagration. Dans un pays qui a connu 27 ans de conflit armé, agiter le spectre de la guerre réveille des peurs et des souvenirs que le peuple souhaite oublier à jamais. À l’approche des élections de 2017, le Général Kundi Paihama, devenu gouverneur de la province de Cunene après son éviction de Huila et Huambo, refait surface dans une affaire plus insolite que celle des armes cachées par l’Unita en 2012. Cette fois encore, le but poursuivi est le même: conditionner l’opinion nationale et internationale; emmener les éventuels électeurs à prendre fait et cause pour Dos Santos et ses amis malgré la situation désastreuse du pays. Pour convaincre l’opinion nationale de la sincérité de son argumentaire, comme d’habitude il s’est choisi une cible : le père catholique Jacinto Pio Wacussanga. Pourquoi lui ? Les propos tenus par ce prêtre au cours d’une interview à un journal de Luanda, quand on connait le soutien dont bénéficie le régime auprès de la CEAST (conférence épiscopale de l’Angola et Sao Tomé), dérangent au plus haut niveau de l’État. En temps ordinaire, c’est dans les églises que les prêtres angolais pendant les homélies se déchainent contre le régime. Jamais en public.  Pio Wacussanga en dénonçant le régime a franchi la ligne rouge. Et la réaction ne s’est pas fait attendre. Kundi Paihama, le gardien du patrimoine idéologique du parti est monté au créneau en qualifiant le curé de terroriste. De là à affirmer qu’il est membre de l’Unita, il n’y a qu’un pas. Je vous rappelle ici qu’en l’absence d’un motif plausible pour éliminer les adversaires politiques qui, selon le régime, sont des ennemis, Dos Santos et ses amis raffolent jouer la carte du danger terroriste ou du retour à la guerre civile. La prise de position du Père Wacussanga est venue les conforter dans leur politique d’exclusion et de stigmatisation. D’ailleurs, si ça se trouve, Kundi Paihama a déjà mis le nom du curé sur la liste des indésirables comme leader terroriste qui menace la paix chèrement conquise. 

« Être prêtre en Angola fut difficile à l’époque do communisme et de la guerre civile. Cette difficile situation continue aujourd’hui à cause du climat qui nous est imposé par le système en place dans le pays. En Angola, seuls les prêtres qui se consacrent à l’administration ou aux études notariales n’ont pas des problèmes. Mais tous ceux qui éprouvent de la compassion pour les pauvres et les exclus, entrent en collision avec le régime et ont des problèmes ». Plus loin dans l’interview, Pio Wacussanga ajoute: « La vague (tsunami) qui ronge le régime de l’intérieur est la corruption qui, alliée à la crise provoquée par le pouvoir, va favoriser la chute du Mpla. C’est inévitable. Cela prendra le temps que ça prendra. Le régime est, de facto, dans une situation de survie… » Pour Kundi Paihama, ces mots constituent une déclaration de guerre. Celui qui les a prononcés ne peut être qu’un terroriste.   

C’est cette attitude que je dénonce avec force. Au moment où nous nous battons pour mettre fin à la dictature du Mpla, nous ne pouvons pas accepter que constater et faire part de son constat puissent constituer un motif de représailles. Dans toutes les vraies démocraties, même dans celles qui sont en gestation, la tolérance est une attitude qui favorise le vivre ensemble. Constater n’est pas synonyme de critiquer. Même si on assimile un constat à une critique, est-ce une raison de taxer de terroriste  toute personne qui juge avec sévérité l’action du pouvoir ? Comment peut-on rester impassible devant l'arrogance de Kundi Paihama qui, avec dédain, nous jette à la figure: « Je dors bien, je mange bien, ce qui reste à ma table je préfère le donner aux chiens qu’aux pauvres qui habitent à côté de moi»? Cette phrase dépourvue d’humanité est l'expression du mépris dont nous sommes victimes.  Qu’en pensez-vous ?

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty Makiese.