vendredi 24 août 2018

Joâo Lourenço et le MPLA, mariage de raison ?


Dans quelques jours, Joâo Lourenço aura accompli un an à la tête de la République d’Angola. Que peut-on concrètement retenir de cette période ?
Selon certains observateurs de la politique angolaise, Joâo Lourenço et son gouvernement manquent de fermeté dans leurs actions. Ils donnent l’impression de marcher sur des œufs. Si le président est à l’offensive sur la politique internationale, surtout dans la région australe de l’Afrique (Sadc), il est très timoré dans ses actions à l’intérieur du pays. Après une année de pouvoir, nous retrouvons dans la démarche de l’actuel gouvernement les tics de l’ancien régime. Le Mpla qui est le parti au pouvoir depuis toujours a quelques difficultés à se défaire de ses vieilles habitudes de parti communiste. Le dernier communiqué du Bureau politique du Mpla a replongé les Angolais dans une sorte d’atonie collective. Beaucoup se sont rappelé de la période de parti unique alors tout, vraiment tout, (le discours contre la corruption, la lutte contre le népotisme, la moralisation de la société, etc.)  indiquait que le pays se préparait à négocier un virage important. S’il y avait encore quelques doutes sur l’orientation politique du président Joâo Lourenço sur sa politique intérieure, le communiqué du BP du Mpla est venu remettre les pendules à l’heure. Une manière de rappeler à l’opinion la prédominance du Mpla dans les affaires de l’État. Exactement comme dans les régimes dictatoriaux. Dans ces pays-là, seuls les partis au pouvoir émettent souvent des communiqués dans lesquels ils proclament l'exact contraire de la réalité. Dans un pays dont les populations vivent en sous du seuil de la pauvreté, le parti ne s'offusque pas d'affirmer : « Notre peuple vit dans l’abondance, il dispose des aliments frais, les champs sont verdoyants et les récoltes magnifiques. Tout ceci grâce au Grand Timonier de notre Nation ! » L’Union Soviétique, la Chine maoïste, Cuba, la Corée du Nord, Venezuela et beaucoup autres ont utilisé et abusé de ces rhétoriques. Apparemment, malgré de la prétendue introduction du multipartisme en Angola, le MPLA n'a pas perdu ces manies communicationnelles. Le récent communiqué de la 6.ª réunion de son Bureau politique, rendu public le 3 août 2018, est aussi surréaliste, et en même temps idéologiquement aussi dangereux. C’est pour cette raison qu’il mérite une attention particulière. Convoquée pour préparer le congrès extraordinaire de septembre qui va élire Joâo Lourenço à la tête du Mpla, la réunion du BP s’est aussi penchée, comme par hasard, sur la situation sanitaire des populations. Ils ont découvert qu’il y a plusieurs foyers de choléra dans le pays. Et dans un  communiqué qui a surpris plus d’un observateur, le BP du Mpla « manifeste sa préoccupation face aux foyers de choléra (…), en exhortant le gouvernement à des efforts multisectoriels, pour l'éradication de ce mal, passible de causer la douleur et le désarroi dans les familles angolaises, principalement plus les plus démunies». Le sujet est trop sérieux pour laisser passer cette affirmation hypocrite. Le choléra est une infection intestinale causée par des bactéries qui se trouvent dans les eaux non traitées, dans les aliments mal conservés et dans les lieux sales. En résumée, c'est une maladie résultant de la saleté et de l'inexistence d'infrastructures qui garantissent de l'eau potable, des aliments sains et des habitations salubres. Telles comme la malaria, les principales circonstances qui promeuvent les foyers de choléra sont politiques. De facto, il y a pauvreté, il y a choléra, parce qu'il y a un manque criant d'assainissement basique, d’eau potable et des installations sanitaires adéquates dans les habitations. En Angola, la majorité de la population ne jouit pas des conditions qui permettent d'éviter le choléra et la malaria. Ce qui nous conduit à nous interroger : Qui a toujours dirigé le pays ?  Qui n'a pas créé les conditions d’assainissement basique ? C’est le Mpla. Quand ce parti vient maintenant « manifester sa préoccupation » face aux foyers de choléra, ce parti qui a autant des décennies à son compteur dans la conduite du pays, il y a de quoi tomber à la renverse. Le Mpla est-il  complètement déconnecté de la  réalité ? De l’avis du citoyen lambda, cette gesticulation du BP du MPLA est non seulement hypocrite, inqualifiable, mais répréhensible. Finalement, l’arrivée de Joâo Lourenço n’aura rien changé à la gestion du pays parce que le MPLA continue sur la même ligne, celle du passé. Ne pas s’attaquer aux vraies causes du choléra, feindre que ce qui se passe est un problème, mais externe, c’est de l’irresponsabilité.

L'Architecte de quoi ? La seconde référence absurde que l’on retrouve dans le communiqué de MPLA est l'hommage à José Eduardo dos Santos (JES) « Architecte de la Paix ». En ce moment la principale préoccupation de João Lourenço est de récupérer les milliards de dollars volés à l'Angola par les fils de José Eduardo dos Santos, peut-on rendre hommage à celui qui a favorisé ces détournements? À ce sujet, il semble que MPLA a quelques difficultés à se positionner dans ce combat contre la corruption. Le débat sur ce thème s’est déplacé sur les réseaux sociaux, heureusement. Des milliers de personnes quotidiennement fustigent MPLA, les « escroqueries » de ses directeurs, la corruption de ses chefs et l'inaptitude de leurs politiques. Ce mouvement de contestation est en train de s’étendre, et dans un pays avec une population extrêmement jeune, la tendance se développe très sérieusement. Le Mpla qui n’arrive pas à contrôler cette situation et sait qu’à tout moment elle peut placer son apanage politique en danger à quelques mois des élections locales. C'est pour cette raison que, de temps en temps, il lance des ballons d'essai pour une redéfinition du rôle des réseaux sociaux. Tout le monde sait que la Chine exerce un contrôle de fer sur les réseaux sociaux, pour éviter toute dissidence. Angola étant un allié et un élève privilégié de la Chine, de qui d'ailleurs nous dépendons financièrement. Il n’est pas surprenant d’affirmer que le Mpla soit en train d'étudier les méthodes chinoises de contrôle des réseaux sociaux pour les appliquer en Angola. C'est cela qui justifie les termes contenus dans le communiqué : « MPLA  exhorte  tous les citoyens à accomplir leurs devoirs dans l'exercice de leurs droits, en respectant les principes et les valeurs d’éthique et d’obéissance à la loi et à l'ordre public, principalement en l'usage moral et rationnel des réseaux sociaux et des nouvelles technologies d'informations, pour lesquelles, ensemble, les Angolais construisent une Angola saine et digne Il s'agit d'une suggestion extrêmement dangereuse, à laquelle les défenseurs des libertés doivent être très attentifs. Que fera le gouvernement sous la pression du Mpla pour mettre en œuvre l'« utilisation morale et rationnelle » des réseaux sociaux ?

L’arrivée très prochainement du clan Lourenço à la tête du Mpla apportera-t-elle des réponses à nos interrogations ? Wait and see. Le congrès du Mpla du mois de septembre sera-t-il un moment charnière dans l’histoire du Mpla ?

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.