Petit à petit, les choses se
précisent en Angola. Je parle ici des élections fixées au mois d’août 2017. Selon
la presse angolaise acquise à l’opposition, malgré les démentis du gouvernement,
la fraude électorale est organisée à tous les niveaux. Nonobstant la situation
socioéconomique provoquée par le Mpla, au pouvoir depuis 1975, Dos Santos et
ses amis ont du mal à cacher l’immense déception qu’ils ont causé aux jeunes
cadres angolais. À ce stade, il n’est pas superflu d’affirmer que le pays est
plongé dans une profonde crise de confiance. Pourtant, il y a 41 ans
l’indépendance a suscité, partout en Angola, l’enthousiasme des cadres et de la
population. Aujourd’hui, ces mêmes cadres se posent des questions sur la méthode de
gestion du pouvoir en place à Luanda. Ils voulaient réussir tout de suite,
malheureusement, quatre décennies après, le constat est douloureux : le pays
fait du sur place. Corollaire : la déception des cadres a contaminé les
populations. Quand on observe le peuple angolais à l’heure qu’il est, on sent,
à part peut-être quelques exceptions, qu’il y a de la défiance à l’égard des
dirigeants politiques : « Ils parlent bien, mais commettent
continuellement
les mêmes erreurs ». La conséquence, c‘est qu’aucun responsable au
niveau provincial ou national ne crée quelque chose d’original. Tous se
contentent de copier et développer des théories venues d’ailleurs. Selon un
homme politique angolais dont la qualité intellectuelle ne fait aucun
doute : « les organisations politiques dans notre pays ne jouent pas leur
rôle ». Seuls leurs présidents comptent et eux seuls. Quand le
président disparait, comme dans le cas du Fnla, le parti change d’orientation,
quelquefois de nom, ce qui engendre la déception continuelle des cadres et des
militants. Or, une certaine continuité est requise pour réparer les erreurs,
créer un esprit nouveau. Bref, de l’avis de ce patriote, il ne faut pas
toujours repenser nos problèmes en termes économiques, il faut les repenser en
termes politiques. Il faut que nous cessions de créer dans le pays des
institutions personnifiées par les seuls dirigeants. Il nous faut des
institutions qui reposent sur les cadres pour qu’elles jouissent d’une certaine
continuité. Autrement, nous n’aurons jamais de stabilité. L’approche de ce
brillant homme politique, aujourd’hui disparu, est très différente de ceux qui
disent qu’il faut privatiser à outrance l’économie. Il était, de son vivant,
persuadé que ce n’est pas là le problème majeur de l’Angola. Chacun sait que la
crise économique frappe l’ensemble du monde. Les crises économiques passent. Il
y a un « boom » à un moment, puis la baisse… Ni l’Angola, ni les pays
capitalistes ne peuvent contrôler ces mouvements de fièvre économique.
Sur le plan politique, on peut
faire plus : il faut dépasser le court terme. Malheureusement, nos
dirigeants veulent voir leur œuvre de leur vivant, ils imposent à nos cadres et
à nos peuples un sacrifice supérieur à celui qu’ils peuvent consentir. Ils
devraient plutôt se dire : « J’ai été au pouvoir pendant vingt ou trente
ans, je ne dois pas forcer le pays à faire ce que je ne pourrai pas voir dans
les deux prochaines décennies. » Cela pourrait nous aider.
Ceci vaut pour tous les dirigeants africains. Mais chaque chef d’État commence
par faire édifier un barrage, par exemple comme celui de Luau en Angola, et
attend de le voir terminé pour lui donner son nom ! C’est un exemple
courant en Afrique. Ainsi, au moment où le chef d’État quitte le pouvoir,
l’ensemble de l’œuvre entreprise s’arrête avec son départ. Celui ou ceux qui
viennent au pouvoir après lui vont, à leur tour, tout refaire. Quel
gâchis ! Voilà pourquoi, selon le regretté homme politique angolais, paix
à son âme, l’Angola ou l’Afrique devrait se reprendre à partir des institutions
politiques. À partir de là, l’approche économique serait plus correcte. Car
c’est du politique que découle l’économique.
Mon oncle, que vous connaissez
déjà, celui qui vit à Bangoula-city, n’aurait pas dit mieux. Il avait beaucoup
d’admiration pour cet homme que l’Angola officiel diabolisait à outrance. De
formation essentiellement portugaise, sa méthode, son analyse, sa démarche
intellectuelle étaient cartésiennes. C’était un homme très cultivé, un homme de
synthèse et de rigueur intellectuelle dont la pensée, la philosophie et
l’approche de la vie étaient simplement africaines. C’est pour cette raison
qu’on l’a tué. Il était trop africain pour ses adversaires politiques. Ses
idées, même à titre posthume, gênent encore aujourd’hui. C’est avec virulence
qu’elles sont balayées. C'est vraiment dommage.
Sobamasoba, l’analyse politique
qui informe.
Eduardo Scotty M.