lundi 24 avril 2017

Élections en Angola: continuité ou rupture?


Petit à petit, les choses se précisent en Angola. Je parle ici des élections fixées au mois d’août 2017. Selon la presse angolaise acquise à l’opposition, malgré les démentis du gouvernement, la fraude électorale est organisée à tous les niveaux. Nonobstant la situation socioéconomique provoquée par le Mpla, au pouvoir depuis 1975, Dos Santos et ses amis ont du mal à cacher l’immense déception qu’ils ont causé aux jeunes cadres angolais. À ce stade, il n’est pas superflu d’affirmer que le pays est plongé dans une profonde crise de confiance. Pourtant, il y a 41 ans l’indépendance a suscité, partout en Angola, l’enthousiasme des cadres et de la population. Aujourd’hui, ces mêmes cadres se posent des questions sur la méthode de gestion du pouvoir en place à Luanda. Ils voulaient réussir tout de suite, malheureusement, quatre décennies après, le constat est douloureux : le pays fait du sur place. Corollaire : la déception des cadres a contaminé les populations. Quand on observe le peuple angolais à l’heure qu’il est, on sent, à part peut-être quelques exceptions, qu’il y a de la défiance à l’égard des dirigeants politiques : « Ils parlent bien, mais commettent continuellement les mêmes erreurs ». La conséquence, c‘est qu’aucun responsable au niveau provincial ou national ne crée quelque chose d’original. Tous se contentent de copier et développer des théories venues d’ailleurs. Selon un homme politique angolais dont la qualité intellectuelle ne fait aucun doute : « les organisations politiques dans notre pays ne jouent pas leur rôle ». Seuls leurs présidents comptent et eux seuls. Quand le président disparait, comme dans le cas du Fnla, le parti change d’orientation, quelquefois de nom, ce qui engendre la déception continuelle des cadres et des militants. Or, une certaine continuité est requise pour réparer les erreurs, créer un esprit nouveau. Bref, de l’avis de ce patriote, il ne faut pas toujours repenser nos problèmes en termes économiques, il faut les repenser en termes politiques. Il faut que nous cessions de créer dans le pays des institutions personnifiées par les seuls dirigeants. Il nous faut des institutions qui reposent sur les cadres pour qu’elles jouissent d’une certaine continuité. Autrement, nous n’aurons jamais de stabilité. L’approche de ce brillant homme politique, aujourd’hui disparu, est très différente de ceux qui disent qu’il faut privatiser à outrance l’économie. Il était, de son vivant, persuadé que ce n’est pas là le problème majeur de l’Angola. Chacun sait que la crise économique frappe l’ensemble du monde. Les crises économiques passent. Il y a un « boom » à un moment, puis la baisse… Ni l’Angola, ni les pays capitalistes ne peuvent contrôler ces mouvements de fièvre économique.

Sur le plan politique, on peut faire plus : il faut dépasser le court terme. Malheureusement, nos dirigeants veulent voir leur œuvre de leur vivant, ils imposent à nos cadres et à nos peuples un sacrifice supérieur à celui qu’ils peuvent consentir. Ils devraient plutôt se dire : « J’ai été au pouvoir pendant vingt ou trente ans, je ne dois pas forcer le pays à faire ce que je ne pourrai pas voir dans les deux prochaines décennies. » Cela pourrait nous aider. Ceci vaut pour tous les dirigeants africains. Mais chaque chef d’État commence par faire édifier un barrage, par exemple comme celui de Luau en Angola, et attend de le voir terminé pour lui donner son nom ! C’est un exemple courant en Afrique. Ainsi, au moment où le chef d’État quitte le pouvoir, l’ensemble de l’œuvre entreprise s’arrête avec son départ. Celui ou ceux qui viennent au pouvoir après lui vont, à leur tour, tout refaire. Quel gâchis ! Voilà pourquoi, selon le regretté homme politique angolais, paix à son âme, l’Angola ou l’Afrique devrait se reprendre à partir des institutions politiques. À partir de là, l’approche économique serait plus correcte. Car c’est du politique que découle l’économique.

Mon oncle, que vous connaissez déjà, celui qui vit à Bangoula-city, n’aurait pas dit mieux. Il avait beaucoup d’admiration pour cet homme que l’Angola officiel diabolisait à outrance. De formation essentiellement portugaise, sa méthode, son analyse, sa démarche intellectuelle étaient cartésiennes. C’était un homme très cultivé, un homme de synthèse et de rigueur intellectuelle dont la pensée, la philosophie et l’approche de la vie étaient simplement africaines. C’est pour cette raison qu’on l’a tué. Il était trop africain pour ses adversaires politiques. Ses idées, même à titre posthume, gênent encore aujourd’hui. C’est avec virulence qu’elles sont balayées. C'est vraiment dommage.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

 

Eduardo Scotty M.

jeudi 6 avril 2017

2002-2017 : 15 années de paix en Angola. Quelle paix?


Il y a quinze ans, le 4 avril 2002, les deux partis politiques en guerre en Angola signaient un accord mettant fin à 27 ans d’un douloureux conflit armé. L’arrêt des hostilités entre les frères ennemis a donné naissance à une attente, celle d’ouvrir la voie à une période de paix et, par la même occasion, de s’inscrire en faux contre tous ceux qui, lorsqu’ils parlent de la paix en Angola, pensent uniquement à la dimension militaire de la dernière phase du conflit sociopolitique entre l’Unita et le Mpla. Ceux-là mêmes qui pensent à cette dimension militaire oublient que les guerres commencent dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit de ces mêmes hommes que les défenses de la paix doivent être construites. De facto, ce ne sont pas les armes qui provoquent les guerres, mais bien l’esprit des hommes, leurs ambitions, orgueil et passion. La paix, pour toutes les personnes de bon sens, n’est pas seulement le silence des armes ni la signature des accords conduisant à l’accalmie. La paix est une culture qui a comme base la tolérance, l’égalité et la solidarité. Malheureusement, dans le système imposé par le Mpla, toutes ces valeurs sont inexistantes. La jeunesse angolaise s’en est rendu compte et, dans un sursaut de patriotisme, s’est organisée pour faire entendre sa voix. Seulement, sous un régime dictatorial, ce n’est pas chose facile. Les manifestations sont sanctionnées par des emprisonnements et toute velléité de résister est considérée comme une tentative de coup d’État. Néanmoins, leur détermination a fait des émules.  Pour la première fois, des femmes angolaises de toutes les tendances politiques ont manifesté à Luanda contre une loi jugée injuste, la loi  sur l’avortement. Nonobstant la controverse, au grand dam des Angolaises, la fameuse loi fut approuvée par la majorité parlementaire du Mpla en dépit de son caractère impopulaire. Cette protestation qui a eu lieu dans un climat déjà tendu par l’immixtion du ministère de l’Aménagement du territoire dans le processus d’enrôlement des électeurs a poussé les jeunes luandais, encore une fois, à sortir de leur réserve.  

En cette fin de mandat, même si le peuple ne l’exprime pas ouvertement, tous ses espoirs pour une éventuelle alternance se reposent sur sa jeunesse.  Car, de l’avis de tous, la jeunesse est la seule frange de la population capable de pousser le régime du Mpla dans ses derniers retranchements. Quelles que soient les brimades et les brutalités du régime de Dos Santos, les sans voix comptent sur ces jeunes qui, depuis quelques années, deviennent de plus en plus éduqués et instruits par rapport à ceux de 1975. Dire non au mode de vie qu’on leur impose, une vie identique à celle vécue par leurs parents, est un impératif pour ces jeunes. Ils doivent se battre avec les moyens légaux à leur disposition pour influer sur les méthodes de gouvernement dans le pays. Ils sont dans l’obligation de se dresser contre les projets de constitution taillée sur mesure, des lois électorales douteuses, des supercheries électorales ou des manipulations de statistiques dans le cadre d’un referendum pour faire passer des lois injustes, autant d’éléments négatifs qu’ils pourront éradiquer pour faire naître la paix : la paix des esprits, la paix sociale. Aminata Traoré, écrivaine malienne faisait la mise au point suivante dans un forum : « Victimes de décisions et choix macroéconomiques dont ils ne sont nullement responsables, les jeunes sont chassés, traqués, brutalisés parfois emprisonnés et humiliés lorsqu’ils tentent d’apporter des solutions aux problèmes qui se posent à leur pays ». Cette Africaine s’élevait ainsi contre les mauvais traitements infligés aux jeunes dans l’exercice de leurs droits.

Mon oncle que vous connaissez tous, celui qui vit à Bangoula-city, m’a interpellé dernièrement en me conseillant de ne pas regarder toujours dans une seule direction lorsque je fais une analyse politique. Car, a-t-il ajouté, dans ce débat sur la conduite de la chose publique, les torts doivent être partagés. Selon mon oncle, les maux qui affectent nos pays sont de divers ordres. Il y a d’abord ceux dont nos dirigeants sont les auteurs, à cause de la mauvaise gestion des affaires ou à cause des choix qu’ils opèrent pendant leur mandat ; il y a aussi ceux dont, nous, le peuple, commettons parce que nous ne demandons pas assez des comptes à nos dirigeants et, à plusieurs occasions, n’avons pas été capables de les pousser vers la porte de sortie. Pourtant, la constitution met à notre disposition les outils nécessaires à la réalisation d’une telle démarche. Si les jeunes au Burkina-Faso, en Gambie ou au Sénégal ont pu influencer le changement dans leurs pays, sous d’autres cieux, cela est aussi possible. Il suffit d’un peu de courage et de détermination. La jeunesse angolaise ne doit pas compter sur les leaders de l’opposition, car ces derniers sont tétanisés par la peur d’être taxés d’agitateurs et de manipulateurs. Ce qu’ils doivent faire c’est « se prendre en charge » comme disait un éminent homme d’État de l’Afrique centrale disparu il y a peu.  

 Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty M.