Dans les pays véritablement
démocratiques, comme les Usa, une fois par an le président se rend au congrès
pour délivrer un message sur l’état de la nation. Il fait part aux
congressistes de la situation réelle du pays et leur propose des solutions, à
court et moyen terme, susceptibles de résoudre les situations qui requièrent
une conclusion urgente. C’est un
exercice démocratique d’une grande portée politique. En Angola, chaque année à
l’ouverture d’une nouvelle session parlementaire, le Chef d’État se soumet à
cet exercice au cours duquel il est appelé à présenter au peuple la vraie photographie du
pays. Le message qu’il livre est normalement le résultat d’une l’analyse minutieuse que ses
services font de la situation économique, politique et sociale du pays. Cette année,
Dos Santos ne s’est pas dérogé à la règle. Seulement, cette fois en l’écoutant,
je n’ai pas su reconnaitre le pays dont il parlait parce que la description
qu’il faisait de notre pays ne correspondait pas à la réalité. Tous ceux qui
ont eu, comme moi, le privilège de l’écouter ont eu l’impression qu’il parlait
d’un autre pays. Sur les réseaux sociaux,
nombreux sont ceux qui ont eu la même sensation et leur réaction s’est résumé
en ces mots : « Le président qui s’est adressé aux députés de
l’Assemblée nationale ne sait absolument rien de réalités du pays qu’il
gouverne ». D’ailleurs comment le saurait-il ? Il ne sort jamais de
son palais de peur de contracter le virus de la pauvreté et de la misère qui
circule dans l’air de Luanda. Il se contente, quand la constitution l’astreint,
de se rendre au parlement pour lire les discours que ses collaborateurs
confectionnent et dans lequel ils omettent volontairement de transcrire la
vérité sur la situation telle qu’elle est vécue par le peuple. Aucun mot sur la
dette publique de l’État ; aucun mot sur l’expropriation de terres des
paysans ; aucun mot sur la crise identitaire, sociale, institutionnelle et
financière ; aucun mot sur la fièvre jaune qui a endeuillé plusieurs
familles dans le pays ; aucun mot sur l’augmentation de la criminalité
dans le pays ; aucun mot sur la corruption ; aucun mot sur les
conditions salariales des travailleurs angolais ; aucun mot sur les
démolitions des maisons dans les quartiers populaires au profit de dignitaires
du régime.
Ces omissions volontaires que
nous constatons chaque année dans les allocutions du président Dos Santos ne
sont rien à côté des mensonges qui y trouvent une place de choix. Pour
illustrer mon propos, la semaine dernière dans son message sur l’état de la
nation, le président a affirmé : « malgré la crise provoquée par la
baisse du prix du baril de pétrole, l’Angola s’en sort mieux que d’autres
pays dans la même situation », à quels pays fait-il
allusion ? Quand il parle de la diversification de l’économie : « le
manque des conditions objectives a ralenti considérablement la diversification
économique ». Quelles sont ces conditions objectives ? Ceux
qui pillent l’argent de l’État et s’enrichissent aux dépens du peuple
attendent-ils la création des conditions objectives pour s’enrichir ? Sur
le plan social, Dos Santos a constaté, je ne sais par quel miracle, "une baisse
progressive des prix des biens essentiels, une diminution du nombre de chômeurs,
une amélioration de la vie sociale". Mais dans quel pays vit-il ? Les
entreprises ferment, le chômage explose, les pharmacies dans les hôpitaux sont
vides, et il affirme que tout va bien ?
Les Angolais espéraient que pour
la fin de son mandat le président Dos Santos aurait le courage de leur dire
toute la vérité sur l’état du pays, sans langue de bois. Espoir vain ! Ce
n’est pas aujourd’hui, et encore moins demain, que Dos Santos, embourbé dans
diverses malversations, va devenir à l’instar de Nelson Mandela ou Juluis
Nyerere, un dirigeant politique honnête. Il est tellement corrompu que
l’honnêteté ne fait plus partie de ses valeurs. Vous avez certainement eu vent
de l’implication de l’Angola dans le procès « lava jato » au Brésil.
Un procès dans lequel notre pays est
accusé, à tort ou à raison, de participation active à la corruption des
dirigeants brésiliens. Voilà un sujet que le président aurait dû aborder pour
lever le doute sur cette salissante accusation. Malheureusement, sur ce point
le président n’a rien dit. Savez-vous pourquoi ? « L’épicentre
de la corruption se situe à la présidence de la république, et Dos Santos n’a
pas encore trouvé comment commencer un combat contre lui-même »
m’a confié un frère angolais qui souhaite garder l’anonymat pour des raisons
que vous connaissez tous. Il est du MPLA.
« En Angola, a ajouté le
même frère, nous savons deux pays. Un pays formel qui fonctionne en respectant la
constitution et un autre parallèle, dirigé par une machine complexe que la
constitution ne connait pas. C’est cette machine qui contrôle l’État formel. À
son sein, il y a des personnalités de diverses nationalités liées à la
présidence de la république. L’État parallèle est exempté de tout
contrôle ». C’est de cet
État là que Dos Santos parle dans son discours. Un État qui n’a rien à voir
avec le peuple angolais.
Sobamasoba, l’analyse politique
qui informe.
Eduardo Scotty Makiese.