dimanche 28 mars 2021

Le Général Lourenço: IMPOPULARITÉ et FUITE EN AVANT.

La constitution ou loi fondamentale est l'outil par excellence dont disposent les États pour déterminer la forme de leurs gouvernements. Certaines dispositions contenues dans la constitution sont vouées, au bout d'un certain temps, à être révisées pour les adapter aux réalités du moment. Aujourd'hui en Angola, les débats au sujet de la révision ponctuelle de la constitution proposée par le Général Lourenço se succèdent à un rythme effréné sur les plateaux de télévision et radios  à Luanda et à l'intérieur du pays. De ces débats, il ressort clairement, après dix ans, qu’il y a dans la société angolaise  une prédisposition à amender la constitution et travailler ensemble pour un pays meilleur. L’Angola vit actuellement des moments très difficiles qui exigent que tous les Angolais, politiciens et société civile, participent à la recherche des solutions aux problèmes que connait le pays. En 1992, les Angolais s'étaient compromis à construire un État de droit qui, malheureusement, n’a pas pu voir le jour à cause de la situation de guerre entre le Mpla et l'Unita. L'instabilité politique causée par cette guerre a fait que durant les années qui ont suivi le peuple a connu des expériences électorales malheureuses en 1992 – 2008 - 2012 - 2017. Des élections qui ont vu le Mpla gagner d'une manière très contestable. Pour éviter des telles situations se répètent, pour les échéances électorales de 2022, les partis de l'opposition (Unita - PRA-JA servir Angola - Bloc Democratico) ont décidé de se mettre ensemble pour barrer la route au Mpla. Beaucoup pensent qu'il sera impossible à ce Front de l'opposition, qui est en train de se former, de gagner ces élections de 2022. C'est normal. Le doute est permis. Il revient donc à ce Front de l'opposition de proposer un autre projet de société au peuple angolais. C'est le devoir de l'opposition. Même si le Mpla est réputé être un parti politique spécialisé dans la fraude électorale, il revient à l'opposition de s'organiser pour que cela ne soit pas possible. 

Beaucoup d'Angolais pensent au changement du système électoral. À ce sujet, je crois qu'il est inutile de se faire des illusions. Le Général Lourenço ne cédera pas. Le système électoral angolais est un système très atypique conçu pour faire gagner le Mpla. Est élu président de la République la "tête de liste" du parti vainqueur aux élections législatives. Or, si la "tête de liste" du Mpla est connu, dans la stratégie pour gagner en 2022, qui sera la "tête de liste" des partis de l'opposition? Dans ce cas de figure, il y a lieu que les leaders de l'opposition soient prêts à faire des sacrifices. Abandonner leurs égos personnels, leurs petits intérêts particuliers pour privilégier l'intérêt général et s'accorder sur un seul nom. 

La bataille pour le pouvoir étant engagé, la révision ponctuelle de la constitution proposée par le Général Lourenço, n'est  qu'une diversion, un  simple exercice de distraction. Parce qu'au fond cette inattendue proposition confirme ce qui est déjà dans la constitution ou, encore mieux, remet en place ce qui a été retiré de cette même constitution il y a quelques années. Débattre du gradualisme n'a plus de sens parce que le sujet est au hors de question dans la mesure où c'est le Mpla qui a introduit le gradualisme géographique dans le débat alors que ce sont les compétences qui sont censées être transmises graduellement aux entités municipales. 

Le contrôle  parlementaire des actions du gouvernement n'est pas non plus un cas particulier parce que c'est une prérogative classique du parlement. Le Mpla, à travers sa Cour constitutionnelle l'avait retiré aux députés de l'assemblée nationale. La remettre en vigueur n'a rien de particulier. 

Le vote des Angolais de la diaspora a toujours existé dans la constitution de 1992 et 2010. C'est le Mpla qui a toujours refusé de l'appliquer prétextant un manque de conditions matérielles pour organiser les élections dans les ambassades. Donc, au fond la proposition du Général Lourenço ne change en rien, qualitativement, le système politique angolais. 

L'histoire de la Banque nationale d'Angola (BNA) c'est aussi un autre classique. Il n'y a rien de nouveau. Les gouverneurs de la BNA et ses adjoints, sous d'autres cieux, sont sommés, après débats, par le parlement. Ce sont les dictateurs qui nomment les responsables de la banque nationale pour avoir une main mise sur les finances de l'État. Enfin, augmenter le nombre des membres du Conseil de la République n'apporte rien de nouveau au peuple angolais. C'est une autre distraction. 

En conclusion, si les dirigeants du Mpla avaient le courage politique et suffisamment de patriotisme pour changer le système politique dans le pays, on serait en ce moment en train de discuter du modèle de l'État. Pour un pays aussi vaste et diversifié, l'Angola est un État trop centralisé qui attribue trop de pouvoirs à un seul homme. Changer le système politique qui est basé sur un présidentialisme à outrance; discuter du système électoral; redonner à l'Angolais le droit de se choisir librement son président de la République, voila les thèmes qui devaient occuper les députés en ce moment. 

Pensez-vous que j'ai raison? Je vous laisse débattre. 

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Eduardo  Mks  Scotty.    














      

mercredi 17 mars 2021

Révision ponctuelle constitutionnelle ou arnaque politique ?

La semaine dernière, beaucoup d’Angolais ont eu connaissance, à travers les médias, de la décision du Général Lourenço de vouloir apporter quelques modifications  ponctuelles  à la constitution angolaise. Dès l’annonce de la nouvelle, à Luanda comme à l’intérieur du pays, les réactions ne se sont pas faites attendre. Dix ans après, il était temps qu’on révise cette constitution de 2010 afin de l’adapter aux réalités du moment. L’initiative est  applaudie même si certains Angolais doutent de la volonté politique du Mpla de vouloir réellement apporter des changements à la manière de gérer le pays. L'idée de réviser la constitution était attendue depuis des années par toute la classe politique angolaise. Au moment où la décision tombe, surpris,  beaucoup d’Angolais  font une lecture erronée des intentions du président Lourenço. Le fait d’avoir trop attendu cette révision constitutionnelle a quelque peu obscurcit leur vision au point de ne pas se rendre compte du mot “ponctuelle” glissé intentionnellement par  JLo entre REVISION et CONSTITUTION. Ce mot donne un autre sens à la révision constitutionnelle que propose le Mpla par la voix de son président. En utilisant ce mot, le Général Lourenço fixe clairement des limites au débat sur la question. Ce mot "ponctuelle" est un message clair du président Lourenço à ses troupes à une assemblée nationale dominée par le Mpla. Par ce mot, Joâo Lourenço conditionne les députés de son parti et les invite subtilement à faire barrage à toute personne décidée à franchir le cadre fixé par le Mpla. Il est inutile de souligner ici que dans la révision constitutionnelle proposée les désiderata de la population ne sont pas pris en compte. D'où est donc venue cette soudaine volonté de réviser la constitution? Une révision constitutionnelle à quelques mois des élections sent l'arnaque politique. 

Depuis son arrivée au pouvoir, le Général Lourenço subit des pressions de la part des partenaires étrangers de l'Angola et de l'opposition angolaise. Il n'y a aucun doute là-dessus. Ce sont ces pressions externe et interne qui l'ont conduit, trois ans après, à céder et à proposer un débat sur la modification de certaines dispositions de la constitution angolaise. Ce n'est pas de gaité de coeur que le président Lourenço accepte, à travers cette révision,  de se débarrasser, par exemple, de son pouvoir discrétionnaire sur la nomination du gouverneur de la Banque nationale de l’Angola et de ses adjoints. Sur ce point, c'est le FMI (Fonds monétaire international) qui a fait tomber les digues. Désormais, après révision de la constitution, la nomination des  gouverneurs de la banque nationale et de ses adjoints sera entérinée par l'assemblée nationale après débats. De cette manière, le chef de l’état cesse d’avoir un contrôle sur la BNA qui devient une institution totalement indépendante. Inch'Allah. 

Sur le plan national, les pressions viennent de la société civile et de l’opposition politique. Il y a des années que l’opinion publique nationale exige une révision profonde de la constitution angolaise. Malheureusement, les propositions faites par le Général Lourenço ne correspondent pas aux aspirations profondes du peuple. Dans la constitution de 1992, une disposition donnait droit aux Angolais de l’étranger de pouvoir participer aux élections législatives et d’avoir des députés issus de la diaspora à l’assemblée nationale. Cette disposition, et tant d'autres comme le contrôle de l'action  du gouvernement par l'assemblée nationale ou  la problématique du gradualisme resteront lettre morte car le Mpla ne voudra pas scier la branche sur laquelle ils sont assis. Après cette révision ponctuelle constitutionnelle ressemblera exactement à avant cette fameuse révision voulue par le Mpla et son président.

Vous avez des doutes? Attendons pour voir. 


Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. 

Eduardo M.Scotty













        

samedi 6 mars 2021

Révision constitutionnelle, pour faire quoi et pourquoi maintenant ?

Ces derniers jours, abstraction faite du massacre de Canfufo, le débat en Angola tourne autour de la révision de la constitution annoncée par le président Joâo Lourenço au cours de la 2°session ordinaire du Conseil des ministres, le 2 mars 2021. Pour le citoyen lambda, la proposition du Général président est un fait divers qui n'a aucun impact sur sa vie quotidienne. Et pourtant, une révision constitutionnelle est un acte fondamentalement politique qui, en ces moments de forte turbulence (multiples manifestations des jeunes à travers le pays, massacre de Canfufo, refus du pouvoir de reconnaitre le parti politique "PRA-JA servir Angola" de Chivukuvuku, investigation aux Usa des comptes de toute la famille du Général Lourenço et amis selon PANGEA RISK, proposition de l'opposition de se choisir un seul candidat pour les prochaines élections), apporterait plus d'oxygène à ceux qui gèrent ou seront emmenés à diriger le pays dans un futur proche. Par conséquent, il est impératif que le débat ne se limite pas seulement aux avocats, il doit être étendu à tous les citoyens intéressés par la bonne gouvernance en Angola. Les juristes ne seront que les tailleurs qui produiront le nouvel habit constitutionnel, et non les monopolisateurs de la discussion constitutionnelle, qui se veut ouverte et inclusive.

C'est dans ce sens politique que l'initiative du Président de la République d'ouvrir un processus de révision constitutionnelle doit être interprétée, au sens des articles 233 et suivants de la Constitution de la République d'Angola (CRA). João Lourenço, après des semaines de pression, a repris l'initiative politique, fixé l'ordre du jour et tente de décompresser la situation.

En fait, il était temps que la Constitution soit révisée. La plus ancienne Constitution de la modernité, celle des États-Unis d'Amérique, a été approuvée en 1787 et a eu sa première révision (amendement) en 1791. La Constitution portugaise est entrée en vigueur en 1976 et a fait l'objet d'une révision approfondie en 1982. La Constitution française de 1958 a vu sa première révision en 1962. Par conséquent, la Constitution angolaise, en termes comparatifs, a besoin de révision depuis un certain temps. L'opposition, l'Unita en tête, n'a cessé de réclamer cette révision depuis plusieurs années sans succès. 

Aujourd'hui que le Mpla prend l'initiative de d'ouvrir un débat autour de cette question, il y a quand même lieu de se poser un certain nombre de questions. Que se cache-t-il derrière cette soudaine volonté politique de vouloir changer quand ce même pouvoir a été imperméable aux réclamations de l'opposition durant plusieurs années? Puisque le diable se cache souvent dans les détails, examinons avec attention les propositions mises sur la table par le Mpla et son président : 

- Définir clairement la relation entre le Président de la République et l'assemblée nationale en ce qui concerne le contrôle politique de l'action du gouvernement, - Vote des Angolais vivant à l'étranger, - Indépendance de la Banque nationale de l'Angola, - Fin du "gradualisme" dans les élections locales, - Fixation dans le marbre de la date des élections générales dans le pays, - Empêcher le président en fin de mandat de prendre des décisions de fond qui engage le pays. 

Les partis de l'opposition, l'Unita en tête, ont d'autres propositions de loin différentes de celles du Mpla. Ce sont, de l'avis de l'opinion publique, des suggestions plus proches des aspirations du peuple. Il y a entre autres, - L'élection à deux tours au suffrage universel direct du Président de la République, -  La révision des pouvoirs excessifs du Président de la République, -La modification des symboles de l'État (drapeau, hymne national, armoiries), - La souveraineté de l'Assemblée nationale, Le non-cumul des mandats (gouverneurs/ secrétaires nationaux des partis politiques), Introduction de la composition de la CNE (commission nationale électorale).

Une révision constitutionnelle en dehors des propositions de l'opposition, propositions qui correspondent aux aspirations du peuple serait un coup d'État constitutionnel. Est-ce une manière de remettre le compteur à zéro et ouvrir la porte à un troisième mandat ? Guinée Conakry, Côte d'Ivoire, Ruanda, cela ne vous dit rien?  

Et vous qu'en dites-vous?  

Sobamasoba, la synthèse qui informe. 

Eduardo M. Scotty.