dimanche 31 janvier 2016

La fin de l'Eldorado : chômage et insécurité, corollaires de la crise.


Je ne sais pas si vous le savez, mais le procès des 15+2 « revus », arrêtés pour préparation d’actes de rébellion et organisation d’un coup d’État en Angola, a été encore ajourné par le Tribunal de Luanda. Raison invoquée : Les témoins convoqués ne comparaissent pas aux audiences. Le manque des coordonnées de ces derniers rend difficile la distribution des convocations. Savez-vous pourquoi ? En Angola, 40 ans après l’indépendance, il y a encore des quartiers entiers dont les rues ne portent aucune indication. Même avec des services postaux efficients, ce qui n’est pas le cas de l’Angola, il est pratiquement impossible de faire parvenir un courrier à un citoyen dont on ne peut pas localiser le domicile. Si le 8 février 2016, nouvelle date fixée par le tribunal pour la reprise des audiences, les témoins ne comparaissent pas, que fera-t-on des détenus ? Je ferme cette parenthèse parce que ce procès n’est pas notre sujet d’aujourd’hui, mais je continue à me poser la question.  

Mon blog de ce jour, je le consacre à la crise qui frappe notre pays et à ses conséquences les plus visibles : le chômage et la criminalité. Deux fléaux qui nous empoisonnent la vie et dont les courbes, aux dernières nouvelles, sont loin de s’inverser. Les recettes fiscales qui font vivre notre pays ont tellement diminué que l’économie nationale s’est fortement ralentie, favorisant de ce fait la fermeture de plusieurs entreprises et le licenciement des milliers de travailleurs.

Ce surprenant fléchissement de notre économie nous a mis dans une situation préoccupante : Les expatriés qui étaient venus monétiser leur savoir pour nous aider à développer notre pays commencent à retourner chez eux. Même nos amis cubains ont manifesté, face à notre difficile situation, quelques signes d’irritation. L’Angola n’a plus d’argent. Quel que soit le discours apaisant de nos gouvernants, nous sommes contraints de reconnaître que nous vivons en ce début de 2016 une crise économique sans précédent. Le manque de devises (dollars américains) dans les banques angolaises génère des difficultés qui empêchent les entreprises en activité de continuer à produire. Impossible d’importer des matières premières pour les usines. Impossible de payer les salaires des cadres étrangers en service dans ces industries et entreprises de construction. Je vous rappelle ici que dans un pays en pleine reconstruction comme le nôtre, nous avons environ 1300 entreprises de construction et 200.000 travailleurs expatriés, dont plus de 80.000 ont déjà quitté le pays faute de solvabilité des employeurs qui, eux-mêmes, sont desservis par les banques à court de dollars américains pour donner à leurs clients et aux entreprises afin de payer leurs fournisseurs et travailleurs. Cette situation a provoqué des désagréments que le pouvoir en place impute à la baisse du prix du baril de pétrole. Alors, je me suis posé la question suivante: comment des responsables qui nous gouvernent depuis quarante années peuvent ignorent que gouverner, c’est prévoir ? N’ont-ils pas tiré les leçons de la crise de 2008/2009 ? Bien sûr qu’ils ont tiré les leçons de cette crise. Ils ont même fait mieux. Selon les experts économiques angolais, une importante provision d’argent est constituée à partir de 2011 et sa gestion est confiée au Président de la République. Cette réserve, mise sur pied uniquement avec des recettes fiscales pétrolières, apparait d’ailleurs, noir sur blanc, dans le budget national de l’État. Ce « dépôt » est estimé à 37.000.000.000 de dollars américains versés de la manière suivante : 15,3 milliards en 2011/ 15,0 milliards en 2012/ 4,40 milliards en 2013 et 2,30 milliards en 2014 (1). Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, au moment où nous en avons le plus besoin, la réserve a disparu. Où est passé cet argent? C’est un mystère. 
L’année 2011 a été l’année de très bonnes résolutions pour notre pays, me semble-t-il. C’est au cours de cette même année que la loi 26/10 du 28/2 a été votée en prévision d’éventuels moments difficiles que peut connaître le pays. Une loi du budget de l’État pour l’exercice économique 2011 créant une autre réserve dont la gestion est confiée aussi au Président de la République. Cette réserve est dénommée : Réserve stratégique financière pétrolière pour les infrastructures de base. Cette provision est alimentée par les droits patrimoniaux de l’État dans les concessions pétrolières. Selon le Ministère des Finances, au cours de quatre dernières années, les recettes qui approvisionnent cette réserve ont atteint le chiffre de 93.000.000.000 de dollars américains, de 2011 à 2014 (1). Si nous faisons le calcul, nous disposons de deux Fonds dont le montant total est de 130.000.000.000 $ (cent trente milliards de dollars). Cet argent, selon nos experts économiques, est suffisant pour faire fonctionner l’État pendant quelques années, en faisant attention aux dépenses, sans trop des difficultés. Mais où est donc passé cet
argent ? Le mystère s’épaissit encore plus, obscurcissant l’horizon et
précipitant le pays dans une terrible incertitude. Notez qu’ici, je ne fais pas mention du Fonds souverain géré par le fils du monarque.

La crise ainsi provoquée a deux retombées pour notre pays : le chômage et l’insécurité. C’est à Luanda que le nombre des chômeurs est le plus élevé. L’exode des populations, pour des raisons que nous connaissons tous, a fait que 1/3 des habitants du pays vit ou survit dans la capitale à la recherche de meilleures conditions. Luanda étant entouré d’une importante zone industrielle, tout le monde nourrit l’espoir de pouvoir y trouver un travail stable pour subvenir à ses besoins. Malgré le nombre croissant des usines autour de la capitale, malheureusement l’offre est toujours restée inférieure à la demande. Avant la crise, le pays comptait 20-25% de chômeurs. Avec la fermeture des entreprises, je vous laisse le loisir de consulter les statistiques du ministère du Travail.

Deuxième répercussion de la crise : la criminalité. L’insécurité est de plus en plus grandissante. Des zones de non-droit ont vu le jour dans le pays. Des zones où la police n’entre pas la nuit. La journée, des délinquants, comme à l’époque des diligences dans le Far West, arraisonnent les taxi-bus et les taxis collectifs dans les quartiers périphériques et soulagent les passagers de leur argent et biens divers. La nuit, ce sont les habitations qui sont prises d’assaut. Selon la Police nationale, 20 associations de malfaiteurs ont été démantelées dernièrement à Luanda (1). Je vous laisse imaginer leur nombre dans une ville de 6 millions d’habitants.

 

(1)     Chiffres et montants : Source  club-k.net

 

Eduardo Scotty Makiese.                  

lundi 11 janvier 2016

JES envisage de rester au pouvoir jusqu'en 2022.



En ce début d’année, j’aurais voulu commencer mon blog avec une analyse sur la suite du procès des 15+2. Seulement à la sortie de l’an 2015, un sujet que je ne pouvais pas laisser passer sous silence m’a interpellé. Ce sujet est d’actualité dans toute l’Afrique centrale; c’est celui relatif à la fin de mandat des présidents sortants. Au Burundi, au Rwanda, au Congo/Brazzaville, en Uganda ou en RDCongo, des débats, parfois virulents, tournent autour de cette préoccupation. L’Angola n’est pas en reste. Dans certains milieux le thème commence à prendre forme même s’il est débattu avec beaucoup de discrétion. Comme pour les deux dernières élections, cette fois encore, à quelques mois du scrutin, le problème de l’alternance à la présidence de la république se pose à nouveau. Surtout quand on sait que deux légères altérations de santé, une à Luanda la veille de son discours sur l’état de la Nation, et l’autre, en Afrique du Sud lors de la réunion Chine-Afrique, ont empêché le président de développer normalement ses activités, il y a de quoi dérouiller des appétits. Qui succédera à l’actuel Chef de l’État angolais? Si l’on tient compte de sa fragilité manifeste, la logique démocratique veut qu’une autre figure émerge dans le pays pour solliciter le suffrage populaire. Peut-on dire dans ce cas que JES est « out » ? Apparemment, non. Malgré ses deux petites indispositions, que nous ne pouvons ni ignorer, ni négliger, nous devons nous préparer à assister en cette période préélectorale à un scénario inédit. L’homme qui domine la politique angolaise, nonobstant la fragilité causée par le poids de l’âge et l’instabilité d’une santé qui se précarise, s’apprête à réaliser un autre coup de maître. Invoquant les circonstances exceptionnelles que le pays connait, le président se prépare à manipuler à sa manière, d’abord son propre camp, ensuite l’opposition et le reste de la population, pour rester au palais présidentiel jusqu’en 2022, quand il aura 80 ans. Dans son entourage le plus proche, on y réfléchit très sérieusement. Joâo Melo, éminent chroniqueur proche du pouvoir, a fait référence à cette possibilité dans une de ses chroniques sur Rede Angola.
 Il n’est pas un secret, pour personne, que dans le système angolais, le président contrôle une grande partie des pièces sur l’échiquier politique. Cependant, sa capacité à cimenter son pouvoir par des réformes « sages, subtiles et habiles », selon Sophia de Mello Breyne, spécialiste des questions africaines, ne lui permet pas de dominer toutes les variables. Et la première qu’il ne contrôle pas est l’évolution du prix de pétrole. En 2008 quand le parti qu’il dirige a gagné les élections législatives avec plus de 80%, le pays enregistrait une taxe de croissance de 17% par an, tout paraissait parfaitement lisse pour lui,  aucune contestation interne à l’horizon, l’opposition armée était décapitée en 2002 mettant fin à une guerre qui durait depuis 1975. L’économie donnait des signes encourageants qui garantissaient aux investisseurs stabilité et sécurité pour leurs investissements. À cette époque (2008), les prévisions pour le prix du pétrole évoluaient en augmentant aux environs de 100$ le baril. Personne ne s’attendait à la chute vertigineuse qu’a connue le prix du baril en 2015. Une dégringolade aux conséquences dévastatrices pour l’économie et aussi pour l’élite qui gravite autour du palais présidentiel. Selon Xavier de Figueiredo, un autre spécialiste des questions africaines : « La situation en Angola a radicalement changé à cause de la baisse du prix du baril, mais l’effet plus nocif est politique ». Le pétrole étant le pilier qui supporte les finances de l’État, la chute du prix du baril a surpris les dirigeants et exposé un pays plein de fragilités. Il n’y a pas une économie alternative au pétrole. Durant plusieurs années, ils ont créé une apparence, mais elle n’existe pas ».
« Aujourd’hui, les autorités angolaises s’évertuent à battre à toutes les portes » affirme Manuel Ennes Ferreira, un professeur universitaire et expert en politique africaine. « Le refus des EUA de leur apporter de l’aide les a poussé à se tourner vers la Chine pour un emprunt estimé à 25 milliards de dollars ». Contre ce prêt, l’exécutif angolais concède cinq cent mille hectares de terre cultivable avec de l’eau dans la province de Kuando Kubango pour les entreprises chinoises qui vont s’installer dans cette région. Cette situation génère le mécontentement des éleveurs locaux dont les pâturages sont remplacés par des champs de riz. Ceci est la deuxième variable que le PR n’arrive pas à contrôler : la contestation sociale.   
Je ne veux pas revenir ici au cas des 15+2 « revus » arrêtés et emprisonnés pour tentative de coup d’État parce que la fabrication des ennemis du régime, réels ou imaginaires, et des situations de tension font partie d’une claire orientation du parti au pouvoir en Angola pour assurer l’unité de ses militants et être toujours à l’avant-garde du combat politique.
Je ne veux pas non plus revenir sur toutes les conséquences de la chute du prix du baril. Beaucoup d’intellectuels, journalistes et chroniqueurs l’ont déjà fait, mieux que moi. Revenons plutôt aux subterfuges qui font que l’alternance, en tout cas en ce moment, est impossible dans notre pays.
D’abord, s’il y a une chose que nous devons éviter dans le pays, c’est sous-estimer l’extraordinaire capacité du PR à détourner en sa faveur des situations qui, apparemment, lui sont défavorables. Rappelez-vous,  pendant la guerre il ne voulait pas quitter le pouvoir parce qu’il voulait laisser le pays en PAIX. Quand est arrivée la PAIX, il a justifié sa permanence au pouvoir parce qu’il voulait RECONSTRUIRE le pays. Maintenant qu’une grande partie du pays est RESCONSTRUITE, il s’accroche au pouvoir parce la situation économique est DESASTREUSE.
Le président Dos Santos a consacré à son pays ce qu’il avait de mieux : sa jeunesse. Le peuple angolais lui en sait gré. N’est-il pas temps de passer la main pour un repos bien mérité? N’a-t-il pas reconnu lui-même qu’il était resté trop longtemps au pouvoir  (Tv Brasil) ?
J’espère que vous aussi vous vous posez les mêmes questions.
 
Eduardo Scotty Makiese.