Je ne sais pas si vous le savez, mais le procès des 15+2
« revus », arrêtés pour préparation d’actes de rébellion et
organisation d’un coup d’État en Angola, a été encore ajourné par le Tribunal
de Luanda. Raison invoquée : Les témoins convoqués ne comparaissent pas
aux audiences. Le manque des coordonnées de ces derniers rend difficile la
distribution des convocations. Savez-vous pourquoi ? En Angola, 40 ans
après l’indépendance, il y a encore des quartiers entiers dont les rues ne
portent aucune indication. Même avec des services postaux efficients, ce qui
n’est pas le cas de l’Angola, il est pratiquement impossible de faire parvenir
un courrier à un citoyen dont on ne peut pas localiser le domicile. Si le 8 février
2016, nouvelle date fixée par le tribunal pour la reprise des audiences, les
témoins ne comparaissent pas, que fera-t-on des détenus ? Je ferme cette
parenthèse parce que ce procès n’est pas notre sujet d’aujourd’hui, mais je
continue à me poser la question.
Mon blog de ce jour, je le consacre à la crise qui frappe
notre pays et à ses conséquences les plus visibles : le chômage et la
criminalité. Deux fléaux qui nous empoisonnent la vie et dont les courbes, aux
dernières nouvelles, sont loin de s’inverser. Les recettes fiscales qui font
vivre notre pays ont tellement diminué que l’économie nationale s’est fortement
ralentie, favorisant de ce fait la fermeture de plusieurs entreprises et le
licenciement des milliers de travailleurs.
Ce surprenant fléchissement de notre économie nous a mis dans
une situation préoccupante : Les expatriés qui étaient venus monétiser
leur savoir pour nous aider à développer notre pays commencent à retourner chez
eux. Même nos amis cubains ont manifesté, face à notre difficile situation,
quelques signes d’irritation. L’Angola n’a plus d’argent. Quel que soit le
discours apaisant de nos gouvernants, nous sommes contraints de reconnaître que
nous vivons en ce début de 2016 une crise économique sans précédent. Le manque
de devises (dollars américains) dans les banques angolaises génère des
difficultés qui empêchent les entreprises en activité de continuer à produire.
Impossible d’importer des matières premières pour les usines. Impossible de payer
les salaires des cadres étrangers en service dans ces industries et entreprises
de construction. Je vous rappelle ici que dans un pays en pleine reconstruction
comme le nôtre, nous avons environ 1300 entreprises de construction et 200.000
travailleurs expatriés, dont plus de 80.000 ont déjà quitté le pays faute de
solvabilité des employeurs qui, eux-mêmes, sont desservis par les banques à
court de dollars américains pour donner à leurs clients et aux entreprises afin
de payer leurs fournisseurs et travailleurs. Cette situation a provoqué des
désagréments que le pouvoir en place impute à la baisse du prix du baril de
pétrole. Alors, je me suis posé la question suivante: comment des
responsables qui nous gouvernent depuis quarante années peuvent ignorent que
gouverner, c’est prévoir ? N’ont-ils pas tiré les leçons de la crise de
2008/2009 ? Bien sûr qu’ils ont tiré les leçons de cette crise. Ils ont
même fait mieux. Selon les experts économiques angolais, une importante provision
d’argent est constituée à partir de 2011 et sa gestion est confiée au Président
de la République. Cette réserve, mise sur pied uniquement avec des recettes
fiscales pétrolières, apparait d’ailleurs, noir sur blanc, dans le budget
national de l’État. Ce « dépôt » est estimé à 37.000.000.000 de
dollars américains versés de la manière suivante : 15,3 milliards en 2011/
15,0 milliards en 2012/ 4,40 milliards en 2013 et 2,30 milliards en
2014 (1). Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, au moment où nous en
avons le plus besoin, la réserve a disparu. Où est passé cet argent? C’est un
mystère.
L’année 2011 a été l’année de très bonnes
résolutions pour notre pays, me semble-t-il. C’est au cours de cette même année
que la loi 26/10 du 28/2 a été votée en prévision d’éventuels moments
difficiles que peut connaître le pays. Une loi du budget de l’État pour
l’exercice économique 2011 créant une autre réserve dont la gestion est confiée
aussi au Président de la République. Cette réserve est dénommée : Réserve stratégique
financière pétrolière pour les infrastructures de base. Cette provision est
alimentée par les droits patrimoniaux de l’État dans les concessions
pétrolières. Selon le Ministère des Finances, au cours de quatre dernières
années, les recettes qui approvisionnent cette réserve ont atteint le chiffre
de 93.000.000.000 de dollars américains, de 2011 à 2014 (1). Si nous faisons le
calcul, nous disposons de deux Fonds dont le montant total est de
130.000.000.000 $ (cent trente milliards de dollars). Cet argent, selon nos
experts économiques, est suffisant pour faire fonctionner l’État pendant quelques
années, en faisant attention aux dépenses, sans trop des difficultés. Mais où
est donc passé cet argent ? Le mystère s’épaissit encore plus, obscurcissant l’horizon et
précipitant le pays dans une terrible incertitude. Notez
qu’ici, je ne fais pas mention du Fonds souverain géré par le fils du monarque.
La crise ainsi provoquée a deux retombées pour notre pays :
le chômage et l’insécurité. C’est à Luanda que le nombre des chômeurs est le
plus élevé. L’exode des populations, pour des raisons que nous connaissons
tous, a fait que 1/3 des habitants du pays vit ou survit dans la capitale à la
recherche de meilleures conditions. Luanda étant entouré d’une importante zone
industrielle, tout le monde nourrit l’espoir de pouvoir y trouver un travail
stable pour subvenir à ses besoins. Malgré le nombre croissant des usines
autour de la capitale, malheureusement l’offre est toujours restée inférieure à
la demande. Avant la crise, le pays comptait 20-25% de chômeurs. Avec la
fermeture des entreprises, je vous laisse le loisir de consulter les
statistiques du ministère du Travail.
Deuxième répercussion de la crise : la criminalité. L’insécurité
est de plus en plus grandissante. Des zones de non-droit ont vu le jour dans le
pays. Des zones où la police n’entre pas la nuit. La journée, des délinquants,
comme à l’époque des diligences dans le Far West, arraisonnent les taxi-bus et
les taxis collectifs dans les quartiers périphériques et soulagent les
passagers de leur argent et biens divers. La nuit, ce sont les habitations qui
sont prises d’assaut. Selon la Police nationale, 20 associations de malfaiteurs
ont été démantelées dernièrement à Luanda (1). Je vous laisse imaginer leur
nombre dans une ville de 6 millions d’habitants.
(1)
Chiffres
et montants : Source club-k.net
Eduardo Scotty Makiese.