Aussi loin que je me rappelle,
jamais dans l’histoire du Mpla, la fronde n’a été aussi violente à l’intérieur
de ce parti. C’est vrai qu’en 1973, au congrès de Lusaka, Agostinho Neto a eu à
faire face à une fronde menée par Daniel Chipenda et plus tard en 1977 Nito
Alves et quelques camarades ont manifesté leur désaccord avec la direction du parti
pour des raisons d’orientation politique. Mais depuis, tout le monde s’est
aligné et plus personne n’a osé élever la voix pour critiquer le parti et
sa direction. La discipline au sein du
Mpla étant de rigueur, même en interne les voix discordantes sont réprimées
avec sévérité. Sous le règne de José Eduardo dos Santos, durant plus de 40 ans,
le parti n’a connu aucune défection. C’est la preuve qu’il faut une main fer
pour conduire ce parti qui, malgré sa conversion en un parti social-démocrate, est
resté très marxiste dans ses fondamentaux.
Alors, pourquoi cette agitation
au sein du Mpla ? Certains diront qu’il n’y a aucun remous au sein du
parti et que ce qui s’y passe n’est qu’une tempête dans un verre d’eau.
Pourtant lorsqu’on observe ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il y a de
quoi se poser des questions. Les sorties médiatiques de Welwitschia dos Santos,
plus connue sous le sobriquet de Tshizé, fille de José Eduardo dos Santos, ont
une résonnance très particulière même pour le citoyen lambda. Depuis quelques
mois, Tshizé se distingue par des attaques frontales contre le nouveau pouvoir
installé à Luanda. L’humiliation subie par son père au dernier congrès du Mpla,
l’arrestation de son frère Zenu, le départ en exil forcé de sa sœur Isabel,
l’extinction de Semba communication, l’interpellation de son ami Manuel Antonio
Rabelais ont fait germer en elle un sentiment de révolte qu’elle cache mal en
public. La virulence avec laquelle elle fustige les dirigeants de son parti
laisse penser que son allégeance envers le Mpla a pris un sérieux coup. Dans sa
sédition contre le parti qui l’a vu naitre et grandir, sa cible est le
président Joâo Lourenço qu’elle considère, à tort ou à raison, comme un ingrat.
Pour elle, l’actuel président du Mpla et Chef de l’État est un dictateur (?),
un incompétent qui s’est trouvé au bon endroit, au bon moment. Elle critique
ses méthodes sélectives dans la lutte contre la corruption et le juge, au moins
jusqu’à ce jour, incapable de trouver des solutions à la crise économique que
traverse le pays. Tshizé affirme être en danger dans son pays. Ce qui l’aurait
emmené à quitter l’Angola pour se réfugier en Angleterre. Son intention de
présenter sa candidature à la tête du Mpla au prochain congrès est, parait-il,
mal perçue par certains camarades du parti. Son choix de déballer le linge sale
en public est très mal digéré par les cadres du parti qui considèrent cette
option comme un manque de respect aux statuts du parti.
Dans l’opinion, les avis sont
nettement partagés. Il y a ceux qui pensent que Tshizé, au regard de la gestion
désastreuse de son père et de ses amis,
n’a pas des leçons à donner aux Angolais. Car, si le pays est arrivé là
où il est, c’est la faute de son père qui n’a pas su gérer la chose publique. À
cela, si on ajoute le niveau de corruption atteint par la classe dirigeante
depuis 1979 que José Eduardo dos Santos est arrivé au pouvoir, on peut se
demander si la petite dame est consciente du laxisme de son père en matière de
gestion.
Par contre, il y a d’autres qui
pensent que Tshizé n’a pas complètement tort. Tout le monde sait, par exemple,
que Manuel Vicente, ex-vice-président de Dos Santos a eu maille à partir avec
la justice portugaise. Une affaire de corruption dans laquelle il était trempé
jusqu’au cou. Pour des raisons inexpliquées jusqu’à ce jour, alors que le crime
était commis au Portugal, JLo a exigé le transfert du dossier en Angola en
menaçant en termes à peine voilés, de rompre les relations avec le Portugal si
la justice portugaise ne se dessaisissait pas de l’affaire. Et depuis le
transfert du dossier, c’est le silence. C’est pareil sur toute l’étendue de la République. Tous ceux du Mpla
qui sont interpellés à Luanda et à l’intérieur du pays, pour malversation
financière ou corruption, ne sont nullement inquiétés. Les exemples sont
légion. La loi sur le rapatriement de l’argent volé et placé dans des banques
étrangères n’a jusqu’à ce jour produit aucun effet. Le traitement privilégié
accordé à Jean Claude de Morais, complice de Zenu dans l’affaire de 500
millions de dollars, suscite beaucoup d’interrogations dans l’opinion publique.
Un voleur reste un voleur même s’il rembourse le bien volé. Le fait de
rembourser le bien détourné ne fait pas de lui un honnête citoyen. Que Tshizé
exprime des craintes pour sa sécurité, cela est compréhensible dans la mesure
où l'on fait payer aux enfants les péchés de leurs parents. Ceux qui
poursuivent les « marimbondos » aujourd’hui ne sont-ils pas eux-mêmes
trempés dans quelques affaires louches ?
Loin de moi l’idée de défendre
Tshizé. Je crois que dans la démocratie, telle que nous la souhaitons, nous
devons souffrir que dans un même espace des opinions contraires puissent s’exprimer
sans être censurées. Tshizé a peut-être manqué de tact, mais sur le fond ce
qu’elle dit est-il vraiment insensé ?
Je vous laisse juger.
Sobamasoba, l’analyse politique
qui informe.
Eduardo M.Scotty