mardi 26 novembre 2019

UNITA, une leçon d'humilité, de maturité et de démocratie.


Depuis la disparition de Jonas Savimbi, chaque fois que l’Unita organise un congrès, j’essaye de me replonger dans notre passé historique pour imaginer ce que notre pays aurait pu être si les accords de Alvor étaient respectés. Pendant ce court instant d’immersion, il m’apparait clairement que la dimension d'un homme sage, un homme d'une grande envergure, se mesure par l'étendue de sa vision, par sa capacité à juger correctement les phénomènes complexes et par sa subtilité de prévoir les événements, bien avant l'heure normale. Souvent, la perception d'un homme sage est toujours entourée de controverses dans le présent, mais à l’avenir, lorsque les faits se produisent, elle rassemble le consensus. Parce que, dans la profonde incertitude et l'immense nature de l'obscurité, il y a dans son intégralité, la splendeur d'un homme sage qui s'affirme dans le temps et rend sa prédiction pertinente, inébranlable et incontestable.

Le dernier congrès de l’Unita, le 13°, a été, encore une fois, une vraie leçon de démocratie. Une démocratie comme l’auraient souhaité les Angolais si le marxisme-léninisme ne nous était pas imposé par le Mpla comme méthode de gestion de la chose publique à l’accession du pays à l’indépendance. Par trois fois, l’Unita, après la mort de Savimbi, a fait montre d’un esprit démocratique rare sur le continent africain. Au dernier congrès, ils ont aligné cinq candidats pour se disputer le poste de président après la sortie, pour fin de mandat, du président  Samakuva. Pendant des mois les candidats ont sillonné le pays pour expliquer leur projet respectif et mobiliser le plus de délégués en leur faveur. Le débat télévisé qui a suivi, un débat très riche en propositions,  a suscité beaucoup d’intérêt dans la population qui l’a suivi d’un bout à l’autre, même si certaines mauvaises langues ne veulent pas le reconnaitre. En fin de course, c’est Adalberto da Costa Junior qui fut élu nouveau président de l’Unita. À 57 ans, cet ancien représentant de l’Unita au Portugal et président du groupe parlementaire de l’Unita à l’Assemblée nationale angolaise porte les espoirs des milliers de militants qui voient en lui l’homme de la transformation d’un parti qui est resté trop longtemps complaisant avec le pouvoir. Un parti qui, au cours de dernières années, est resté sur la défensive, acceptant parfois l’inacceptable. L’Unita dont les militants désirent est un parti à l’offensive qui fait fi du passé et regarde résolument vers l’avenir. Un parti qui ne s’enferme pas, comme le voudraient ses adversaires politiques, dans la culpabilité d’avoir pris les armes pour instaurer le multipartisme et la démocratie dans le pays. Les élections locales de 2020 exigent de la part de l’Unita un discours clair dépourvu d’hypocrisie. Sans blesser certaines susceptibilités, mais avec politesse et responsabilité,  appeler les choses par leurs noms. Un « marimbondo » est un marimbondo. Peu importe qui il soit. Le terme ne vient pas de l’Unita.

Pourquoi l’Unita est-elle différente du Mpla ? Si nous faisons une analyse de notre passé récent, du nationalisme angolais, les chemins empruntés et les options prises montrent d’une manière évidente le profil politique et idéologique de chaque Mouvement de libération de l'Angola devenu parti politique. Aujourd'hui, à l'heure de l'ouverture et de la mondialisation, il est plus facile de juger les faits existants pour clarifier les énigmes du passé. Car, le temps, aussi sombre qu'un phénomène puisse être, est l'allié fidèle de la vérité. Un allié qui ne prolonge pas indéfiniment les incertitudes.
L’Unita a toujours été le parti politique porteur d’espoirs pour les ouvriers et les paysans de l’Angola profond.  Pendant notre lutte anticoloniale, un homme revêtu de beaucoup de sagesse disait que « la révolution chinoise, les caractéristiques de la Chine et l'âme du peuple chinois sont plus proches de la réalité angolaise que la révolution russe et les caractéristiques du peuple russe ». Dans cette même lutte, l’Unita a toujours été idéologiquement proche des Chinois alors que le Mpla est, encore aujourd’hui, dans sa forme et son fonctionnement,  un parti politique proche de la Russie. Un parti rigide.
D’ailleurs, avant l’indépendance, dans sa dialectique, le Mpla était extrêmement critique, répugnant et opposé au Parti communiste chinois, même si, pour obtenir des crédits, ses dirigeants ont changé aujourd’hui. Le Mpla méprisait les Chinois comme des paysans arriérés dont l'idéologie était révisionniste et contre-révolutionnaire. Quiconque se plaçait du côté du Parti communiste chinois était traité par le Mpla de réactionnaire, de traître et d’agent de l'impérialisme.
Ceux qui connaissent l’histoire de notre lutte de libération se souviendront  que l’élite mpliste, basée en Algérie dans les années 60, avait une attitude destructrice et une forte aversion à tout ce qui concernait les valeurs paysannes. En effet, cet esprit anti paysan se reflète encore aujourd'hui dans la position de la direction du MPLA, un esprit qui se retrouve dans l'article 98 de la Constitution de la République d'Angola. Cet article ne reconnaît pas aux paysans la propriété de leurs terres communautaires, terres qui sont devenues "la propriété originelle de l'État", c'est-à-dire de la classe bourgeoise dominante. Les champs, dans la conception de cette classe, sont la forêt, un espace réservé au tourisme, une source des recettes. Elle ne lui donne pas la valeur qu'elle mérite, d'être une terre vaste et riche en ressources naturelles, un véritable paradis pour vivre et développer la vie des populations locales qui y habitent. Voilà le genre de débat que les Angolais souhaitent voir ressuscité par l’Unita, sous la direction de Adalberto da Costa Junior. Le débat sur la terre, sur la propriété foncière. « Liberdade e Terra », ça ne vous dit rien ? Des hommes sont morts à cause de cette philosophie.

Si j’ai fait cette petite digression, que vous avez certainement remarquée, c’est pour souligner l’apport d’une démocratie interne dans l’édification d’une société plurielle.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty

  






























mercredi 13 novembre 2019

Joâo Lourenço est-il à bout de souffle?


La salle est comble. Elle est pleine à craquer. Décorée aux couleurs du Mpla, le rouge et le noir, c’est un jour historique pour le parti des camarades. C’est la fin du congrès de la jeunesse du Mpla, parti au pouvoir en Angola depuis 1975. Comme d’habitude, d’énormes moyens sont engagés pour la réussite de l’événement. C’est donc un auditoire complètement acquis au président du parti qui attend le discours de clôture de Joâo Lourenço. En baisse dans différents sondages réalisés par des médias à Luanda, le congrès de la JMPLA est une tribune que les jeunes offrent à Joâo Lourenço pour se refaire une santé dans l’opinion publique après les doutes suscités par sa politique sur la lutte contre la corruption et l’impunité. La petite guerre menée par Tchizé au nom du clan Dos Santos a fini par créer un doute dans la tête de certains Angolais qui se posent des questions au sujet de la gestion de Joâo Lourenço. La manifestation des jeunes chômeurs à Luanda réclamant de nouveaux emplois a porté un sérieux coup à l’image du président.  Lâché par ses propres camarades du parti, JLo est dépité. Son discours sur l’état de la nation, truffé des données irréalistes, ne sert vraiment pas sa cause. Les successives dévaluations de la monnaie nationale, le Kwanza, génèrent un mécontentement général. Sa cécité sur la corruption des officiers supérieurs de l’armée et de la police passe difficilement dans l’opinion. Tous ces faits mis les uns à côté des autres créent un climat de suspicion dans la population. À mi-mandat et devant une position aussi inconfortable, Joâo Lourenço et son gouvernement ressentent le besoin d’un nouveau souffle après avoir presque perdu celui acquis au début de la législature. Alors, pour marquer les esprits,  Joâo Lourenço monte au créneau, frappe fort et apparemment sans complaisance. Tenant compte des opinions défavorables à mi-chemin de son premier mandat, il prend le courage de reconnaitre les erreurs commises par son administration dans leur démarche pour éradiquer la corruption. Il demande aux jeunes de son parti de le soutenir et de prendre fait et cause pour ses actions.  Les corrompus et les corrupteurs étant tous des membres de son parti, il reconnait que dans un tel contexte une certaine complexité à son combat contre l’impunité et l'enrichissement illicite.

« En 2016 et 2017, pendant la phase de préparation des élections, le Mpla a écrit des documents ^pour stigmatiser la corruption parce que le pays était malade de l’impunité. Il y a eu beaucoup de promesses, mais il nous manquait du courage. Nous avons parlé de tolérance zéro, mais notre campagne n’a pas produit les effets attendus. Aujourd’hui, le contexte ayant changé, nous ne voulons plus tromper notre peuple et nos électeurs parce que nous considérons injuste de les utiliser juste pour nous faire élire. Nous pensons qu’il est de notre devoir de concrétiser les promesses faites durant la campagne électorale. Je veux ici vous rappeler que lorsqu’il y a action, il y a réaction. Nous avons posé dans notre lutte contre la corruption un certain nombre d’actions et maintenant nous assistons à la réaction. Cette réaction ne vient pas de l’opposition, mais des rangs de notre parti, le Mpla » .
« Pensez-vous que nous devons continuer cette lutte que nous avons engagée pour le bien de notre peuple quelles que soient les embûches sur notre route ? En sortant de cette salle, devons-nous nous considérer comme ayant été investis par la jeunesse que vous représentez ici  d’un pouvoir qui nous autorise à continuer notre lutte ? Toute la salle se tient debout et scande : Joâo Lourenço, l’Angola est avec vous. » Dixit Joâo Lourenço.

Ce n’est pas par hasard si le président Joâo Lourenço a choisi le congrès de la JMPLA pour lancer un message fort à l’endroit de ses camarades. Depuis quelque temps, un front contre les réformistes a vu le jour au sein du Mpla.  La volonté du président de changer les choses dans le pays n’est pas très appréciée par les caciques du parti au pouvoir. Durant des années, ils ont vécu et développé l’idée selon laquelle ce sont eux qui ont « libéré » le pays du colonialisme, il est donc normal qu’ils substituent les colonialistes, même dans ses méthodes de gestion les plus viles. Tous les slogans servis au peuple pendant la guerre de libération sont passés à la trappe. La bourgeoisie qu’ils prétendaient combattre s’est installée insolemment dans le pays. La pauvreté est devenue une maladie que les dirigeants du Mpla fuient en se cachant derrière les hauts murs des « condomínios » construits loin des « baïrros » périphériques de Luanda. L’économie a quelques difficultés à décoller. Malgré les lois sur le rapatriement de l’argent volé et placé dans des banques à l’étranger, lois votées par une assemblée nationale dominée par le Mpla, les membres du Mpla qui sont tous concernés par cette large fuite des capitaux s’opposent à la mesure et défient le président de la République à prendre des sanctions contre eux. Dans ce bras de fer entre les « réformistes » et les caciques du Mpla, qui gagnera ? Wait and see.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.