jeudi 4 août 2022

DÉBAT: Le refus de Joâo Lourenço, une immaturité de la démocratie en Angola.

Quelques jours nous séparent de la date fixée pour les élections générales en Angola.  Si les campagnes électorales de 2012 et 2017, orientées par un pouvoir en position de force,  reposaient essentiellement sur les dommages occasionnés par  l'Unita durant la guerre qui a dévasté le pays pendant plus de 27 ans, cette année, la donne a changé. La propagande incriminant l'Unita, qui aurait détruit le pays, n'est plus d'actualité. Les électeurs nés après les accords de Luena, entre le Mpla et l'Unita, et qui n'ont pas connu la guerre, sont insensibles à la propagande accusatrice du Mpla qui voit en l'Unita le bouc émissaire de son bilan catastrophique. C'est pour cette raison que l'élection de Adalberto Costa Junior (ACJ) à la tête de l'Unita est vécue comme un coup de grâce par tous les caciques du Mpla. Plusieurs tentatives, toutes infructueuses, sont faites  pour invalider son élection. Finalement, Samakuva, le très accommodant président sortant, est remplacé par un impétueux  jeune  président difficile à contrôler. C'est lui qui, au début de cette campagne, dont il contrôle très bien le tempo, demande l'organisation d'un DÉBAT télévisé avec Joâo Lourenço (JLo) pour discuter publiquement des offres politiques, économiques et sociales de leurs respectifs partis. Le refus de JLo  d'affronter ACJ sur un plateau de télévision est vu dans l'opinion comme une preuve du manque de culture démocratique au sein du Mpla. Ne serait-ce que pour défendre son bilan, l'honnêteté intellectuelle et le devoir de redevabilité exigent du pouvoir sortant des explications sur la gestion du pays pendant le mandat qui s'achève. Le souverain premier, qui est le peuple, a le droit de savoir pourquoi les promesses électorales n'ont pas été tenues. Fuir un DÉBAT, sous prétexte qu'il n'apporte pas de quoi manger sur la table, est, de l'avis de plusieurs Angolais, une lâcheté, un manque de respect envers ses propres électeurs. 

Il est loin, très loin, le temps où tous les Angolais, y compris ceux des partis politiques de l'opposition, étaient derrière le président Joâo Lourenço. C'était en 2017, JLo venait d'être "élu". Il était à peine Président de la République, car José Eduardo dos Santos était encore à la tête du Mpla. Porteur de l'espérance d'une vie meilleure, JLo incarnait alors le changement que le peuple attendait depuis des années. Dès ses premiers pas, des signes d'ouverture, timides, certes, sont observés dans la manière de conduire le pays. À la grande surprise de tous, le bicéphalisme que l'on craignait  à la tête de l'État s'était avéré bénéfique dans la gestion de la chose publique. Eloigné de l'influence de son parti, JLo, jusqu'en 2019, a fait preuve de beaucoup de pragmatisme. Hélas! c'était trop beau pour être vrai. Les faucons du parti, pour des raisons inavouées, ont exigé le départ de JES de la direction du Mpla et son remplacement par JLo. 

Comme on pouvait s'y attendre, le congrès organisé par le Mpla a enfanté d'un scénario identique au précédent, à une différence près, cette fois, c'est à un militaire que l'on confie tous les pouvoirs du pays. D'ordinaire, les militaires arrivent au pouvoir à la suite d'un coup d'état. En Angola, le pays étant considéré comme une prise de guerre, la présence d'un soldat, issu de la guerre de libération, au pouvoir n'a pas vraiment surpris même si cela a suscité quelques inquiétudes. D'ailleurs, il n'a fallu que deux ans pour que le naturel revienne au galop. Un militaire, même démobilisé, reste toujours  un militaire. Aucune finesse dans sa manière d'aborder certains sujets. Aucun sens de dialogue. Dans ses échanges, il raisonne toujours en terme de victoire ou de défaite. Le DÉBAT étant un examen contradictoire avec un ou plusieurs interlocuteurs, le militaire s'y perd et verse rapidement dans la violence. Le seul langage qu'il connait, c'est celui des armes. À la moindre contrariété, il mobilise les troupes et accuse les autres de vouloir faire la guerre. Un manque d'arguments qui détermine son incapacité à vouloir accepter la différence. Vu sous cet angle, le refus de JLo de débattre avec ACJ n'étonne pas. Son manque de charisme et d'éloquence ne le favorise pas devant un ACJ habitué à la politique. 

C'est vrai, le DÉBAT n'est pas une obligation constitutionnelle, mais c'est une plus-value dans la consolidation de la démocratie. Si l'Angola est un pays réellement démocratique, alors...

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.