vendredi 20 mars 2020

Quelle politique économique pour l'Angola avec un baril de pétrole à 30.00$?

Selon les chiffres publiés récemment, l'Angola est passé de la troisième plus grande économie d'Afrique subsaharienne à la cinquième, après avoir été dépassé par le Kenya et l'Éthiopie. Ces chiffres ne signifieraient pas grand-chose s'ils ne s'accompagnaient pas d'une majorité de mauvaises nouvelles sur le front économique. La vérité est que la récession qui a débuté en 2014/2015 n'est pas terminée et reste présente dans la vie quotidienne angolaise. Les différentes mesures de politique économique initiées par le président João Lourenço n'ont pas inversé la tendance, et il est même possible que bon nombre d'entre elles, en raison de leur caractère récessif, aient aggravé la crise. Le problème essentiel est que la situation économique angolaise a été confrontée aux solutions que les manuels universitaires américains prescrivent habituellement pour stabiliser les économies développées, alors que la crise angolaise est essentiellement structurelle et nécessite une autre approche. Examinons la question sous plusieurs angles différents. La crise économique angolaise a commencé en 2014, en raison de la forte baisse des prix du pétrole qui s'est produite cette année-là. Après 2014, le pétrole n'a plus jamais atteint 100 dollars le baril. Ce fut le déclencheur de la crise.
Je rappele ici que le modèle économique angolais a été mis en place pour un pur consumérisme basé sur la valeur élevée du pétrole. Depuis 2014, aucun marché libre ou concurrentiel n'a été créé en Angola. Tout a été remis à une petite élite, qui vivait avec l'argent de l'État, et a créé des espaces fermés pour ses entreprises, où personne d'autre ne pouvait entrer. Par conséquent, alors que les prix du pétrole restaient élevés, l'État avait de l'argent à distribuer à ses dirigeants, qui, à leur tour, protégeaient leurs affaires. Comme il n'y a plus d'argent résultant de la vente du pétrole, l'État a mis fin à ses largesses et les affaires commencent à faire naufrage. Or, pour ce type de modèle économique oligarchique et fermé, les solutions ne peuvent passer par l'application des recettes proposées par le FMI (Fonds monétaire international) : coupes dans les dépenses, coupes dans les subventions, hausses d'impôts et dévaluation de la monnaie. Certaines de ces mesures sont fondamentales et importantes, mais s'inscrivent dans un projet de réforme économique plus large. Ce projet de réforme économique correspond à l'instinct du président quand, en 2017, il a dit vouloir être le Deng Xiao Ping de l’Angola, c'est-à-dire la personne responsable de la grande réforme économique qui allait lancer le pays dans le développement durable pour tous.
 La réforme économique de Deng Xiao Ping adaptée à l'Angola ne diffère pas beaucoup de ce qui s'est passé avec la Chine, un mélange de libéralisation des marchés accompagné d'un renforcement des institutions étatiques et de beaucoup de pragmatisme, tournant l'économie vers l'exportation. Premièrement, des marchés libres et compétitifs doivent être créés, ce qui implique deux mesures : 1) mettre fin aux monopoles et oligopoles d'Isabel dos Santos, du Général Dinos, du Général Kopelipas et les autres; et 2) permettre aux nouveaux entrepreneurs d'entrer facilement sur les marchés et sans obstacles. Deuxièmement, il est nécessaire de réduire le poids de l'État producteur et de privatiser. ProvPriv, le programme de privatisation approuvé par Joâo Lourenço, est ambitieux, mais il a quelques difficultés à être concrétisé. En 2019, 5 entreprises ont été privatisées, alors que plus de 50 privatisations étaient prévues ... Le rythme est lent et peu divulgué. Pour surmonter ce marasme, il serait utile de nommer un leader fort, compétent et pragmatique qui dirigerait le programme de privatisation avec dynamisme et transparence.
Dans ce contexte, l'État soutiendrait et favoriserait la création d'entreprises spécialisées, destinées à des marchés spécifiques. Dans le même temps, l'État favoriserait un climat social approprié pour la croissance économique avec une bureaucratie réduite, une administration simplifiée, la facilité d'ouverture des entreprises, la stimulation du crédit bancaire, la rapidité des procédures judiciaires. On sait qu'un processus de développement repose sur trois vecteurs fondamentaux : l'entrepreneur, le climat social et le crédit bancaire. C'est dans cette perspective structurelle que doit se baser la réforme économique angolaise : créer de vrais entrepreneurs libres d'innover, pénétrer les marchés et agir, promouvoir les institutions pour soutenir le travail entrepreneurial et placer les banques pour prêter de manière productive.
Le président de la République ne doit pas déléguer la conduite générale de la politique économique. Il est responsable et doit informer la population de manière objective et incisive sur sa vision et les moyens de réussir. Nous devons réaliser que le chemin est long et difficile, car il s'agit de démanteler un modèle économique défaillant créé en 2002 et de créer un nouveau modèle économique, basé sur un état stratégique et un marché libre et compétitif. Cela ne se fait pas en un an, mais cela doit commencer maintenant.

Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.

Source: angola24horas