jeudi 31 août 2017

CONSTERNATION !


Consternation est le mot qui correspond exactement à l’état d’esprit des Angolais au lendemain des élections du 23/08/2017. Après une intense campagne de conditionnement orchestré par le Mpla à travers des médias nationaux et internationaux attribuant à Joâo Lourenço la victoire, les Angolais avertis n’avaient plus aucun doute quant à l’issue de ce scrutin. Devant cette pénible évidence, une seule inconnue s’imposait: le pourcentage des voix que s’attribuerait le Mpla pour rester au pouvoir. L’opinion n’a pas attendu longtemps pour être fixée. Les résultats électoraux qui arrivaient au siège du Mpla présageaient une catastrophe électorale pour le parti. Dans plusieurs provinces du pays, le Mpla était en train de perdre, ce qui a provoqué une certaine panique au sein du secrétariat national en charge des élections. Ils n'ont pas pu supporter l'idée d'un président Mpla et d'une Assemblée nationale dominée par l'opposition (Unita-Casa-ce). Dans la précipitation, pour éviter que l’opinion ne soit informée de la déconfiture du parti, le Mpla sans consulter la CNE publie des résultats provisoires dont seuls ses dirigeants connaissent l’origine. MPLA (64,57%)+ UNITA (24,40%)+ CASA-CE (8,56%)+ PRS (1,37%)+ FNLA (0,95%)+ APN (0,52%)= 100,37%. Je vous laisse juger.

Organiser des élections dans un pays ne signifie pas que ce pays est une démocratie. Je l’ai dit et je le répète. Actuellement, presque tous les pays sous régime dictatorial, brutal ou totalitaire procèdent à des élections, comme en Angola, pour légitimer leur pouvoir. Pour ces pays, les élections sont tout simplement un accessoire. Elles ne servent à rien. Personne ne tient compte de l’expression et du choix du peuple. Staline disait en son temps : « Peu importe qui vote et comment il vote. Ce qui importe, c’est qui comptabilise les bulletins de vote ». En confirmant le communiqué du Mpla au sujet des résultats provisoires des élections du 23/08/2017, la CNE a publiquement et clairement exprimé son allégeance au Mpla.       

 

L’Angola traverse en ce moment une situation socioéconomique très difficile, fruit d’une mauvaise gestion du Mpla. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Quelques efforts désespérés ont été fournis par Dos Santos et ses pairs pour redresser la barque, mais le temps (oui, le temps) est un facteur qui ne pardonne pas. La date à laquelle se termine le mandat des institutions électives est arrivée à expiration au grand dam des dignitaires du régime. Conscients du pouvoir que leur confère la constitution, celui de choisir ses dirigeants, les Angolais, dans leur majorité, et suivant tous les sondages publiés, ont exprimé le souhait d’une alternance politique dans le pays même si très peu croient que les élections peuvent apporter ce changement. C’est dommage qu’aujourd’hui leur vote ne compte pas pour donner au pays le visage politique qu’il mérite. C’est qui les attriste le plus, c’est de voir que leurs compatriotes, qui vivent à l’étranger et profitent des systèmes démocratiques dans les pays hôtes en s’engraissant grâce aux systèmes sociaux de ces pays, soutiennent dans leur propre pays d’origine un pouvoir dictatorial qui crée et entretient la misère. Si ce régime qu’ils soutiennent est tellement démocratique pourquoi ne reviennent-ils pas ? se demandent les Angolais de l’intérieur. Moi aussi je me pose souvent cette question sans pouvoir y apporter une réponse. Les citoyens angolais ont, non seulement, le droit de participer aux élections, mais ont aussi le droit de savoir par eux-mêmes que le processus électoral est valide. Car, c’est la validité du processus électoral qui garantit la légitimité nécessaire pour l’exercice du pouvoir politique. Dans ce même ordre d’idée, pour que les élections respectent ses objectifs démocratiques et soient valides, elles doivent être justes et transparentes. Or, dans le cas de l’Angola, c’est justement la crédibilité des élections qui est en cause. Seulement, pour qu’elles soient dignes de foi, ces élections doivent répondre à deux exigences importantes : l’intégrité et la crédibilité.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.
Eduardo Scotty M.

vendredi 11 août 2017

42 ans au pouvoir. Le MPLA, quel bilan?


Lorsqu’en 2010, le Mpla  soumet à l'agrément des Angolais, à travers ses représentants à l'Assemblée nationale, une loi fondamentale (constitution) atypique qui  attribue plus de pouvoir au président de la République et supprime l’élection présidentielle au suffrage universel, l’opposition et la société civile ont crié à la confiscation des droits élémentaires des citoyens. Réconforté par sa majorité parlementaire, le Mpla a ignoré volontairement ces appels à la raison. Aujourd’hui, au vu d’un sondage commandé par la présidence de la République auprès de la société brésilienne SENSUS, le Mpla est donné gagnant avec 38% de suffrage, l’Unita 32% et Casa-ce 26%. Les autres partis se partagent les 4% restants. Dans l’éventualité où la fraude ne serait pas massive et que ces résultats se vérifiaient, le Mpla serait minoritaire à l’Assemblée nationale. Du coup, le président élu se trouve dans l’obligation de mettre en place un gouvernement de coalition. Quand on connait le dessein du Mpla à rester éternellement au pouvoir, je me demande si dans l’esprit des auteurs de la constitution angolaise, l’idée d’un gouvernement de coalition faisait partie du calcul. D’ailleurs, le candidat du Mpla ne cache pas son intention de gouverner seul à l’issue de ces élections. Partout où il passe, il demande à la population de lui donner une majorité absolue. Certainement, il a vu ce sondage et il est très préoccupé.

Pourquoi le Mpla connait-il une telle baisse dans l’opinion ? Selon un autre sondage commandé par la présidence de la République, toujours auprès de SENSUS, 87% d’Angolais estiment que les politiques publiques mises en place par le Mpla n’ont pas amélioré la qualité de vie des populations. Les 27 ans de guerre contre l’Unita ne peuvent pas justifier l’incompétence des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir à Luanda. Ce sondage réalisé auprès de 9.155 personnes, de différents niveaux d’études et de classes sociales,  ne plaide vraiment pas en faveur du Mpla au pouvoir depuis 1975. Dans cet échantillon on retrouve plusieurs sympathisants du Mpla et leur présence dans ce panel inquiète sérieusement le pouvoir. Si des militants commencent à douter de l’efficacité de leur parti, il y a un problème. Alors pour reprendre la main, à l’instar de l’Unita et de Casa-ce, le Mpla élabore et distribue à la population un manifeste expliquant son programme pour les cinq années à venir. Ceux qui ont eu l’occasion de lire cette profession de foi ont constaté qu’il ne s’agit que d’une longue liste des objectifs à atteindre. Le Mpla n’explique pas comment il fera pour réaliser ces objectifs. Avec quels moyens ? « Améliorer ce qui est bien et corriger ce qui est mal » est la formule sur laquelle repose ce manifeste. Seulement, le problème est que ce sont eux qui ont conduit le pays là où il est maintenant. Il n’y a donc rien à améliorer, tout est à corriger. Et si tout est à corriger, pourquoi confier le pouvoir au parti qui est l’auteur du désastre ? Un peu plus loin dans ce programme, le Mpla s’engage à éradiquer la faim et combattre la pauvreté. Un tel combat ne peut se faire qu’à travers des programmes de gouvernement qui consistent à distribuer des subsides sociaux aux pauvres. Concrètement, dans la situation actuelle, le Mpla en a-t-il les moyens ? Quand le dauphin de Dos Santos répète à longueur des journées qu’il va combattre la corruption, stimuler la compétence, l’honnêteté et décourager le népotisme, à qui pense-t-il ? À son prédécesseur et à toute l’amicale qui le soutient ? Les corrompus en Angola, qui sont-ils ? De sa réponse dépend le sérieux de ses propositions. De l’avis des observateurs, ce que contient le programme du Mpla, ce sont des idées générales et des considérations abstraites.

Quant à l’Unita, son manifeste parait plus construit, intelligent, bien écrit et bien pensé. On y trouve 4 axes stratégiques qui s’ouvrent sur 7 mesures d’urgence nationale. Les propositions vont d’un gouvernement inclusif et participatif à la valorisation de la famille en passant par le combat contre la pauvreté, l’égalité de chances, la restructuration de l’économie et la pluralité dans la communication sociale. Toutes ces propositions sont chiffrées et les sources de financement bien définies. Un programme plus court, plus incisif aurait fait l’affaire, mais face à la crise que traverse le pays,  aux grands maux, grands remèdes.

Le manifeste de Casa-ce d’Abel Chivukuvuku se distingue des autres par le brouillard qui entoure ses propositions. En examinant les 220 idées que contient le programme de cette coalition, on a quelques difficultés à démêler les mesures réalisables de celles qui ne verront jamais le jour. D’une manière générale, les propositions des amis d’Abel manquent de cohérence.

Comment garantir le développement économique de l’Angola ? Comment garantir l’éducation et les opportunités pour les jeunes, et la santé pour la population ? Comment faire concrètement pour éradiquer la corruption qui vandalise le pays ? Comment garantir une justice juste pour tous ?  Ce sont ces questions auxquelles les futurs dirigeants doivent, à mon humble avis, répondre. Qu’en pensez-vous ?  

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty M.

Source : Makaangola

dimanche 6 août 2017

Après Dos Santos, le MPLA resistera-t-il à l'implosion?


Dans moins d’un mois, les Angolais seront appelés à élire leurs dirigeants pour les cinq prochaines années. Dans la capitale comme à l’intérieur du pays, apparemment, la campagne électorale se déroule sans incident majeur. Un fait presque rare dans une démocratie africaine naissante. Toutefois, parler de perfection dans l’organisation d’un scrutin dans nos pays, c’est se faire des illusions. Tout ce que nous souhaitons, c’est au minimum des élections apaisées et justes. Quant à la transparence, nous sommes encore très éloignés de cet objectif. Je suis presque certain que l’installation de la démocratie dans le temps donnera satisfaction à ce désir des peuples. Celui de l’Angola espère connaitre pour la première en 42 ans une alternance politique. Quel que soit celui qui sera élu à la tête du pays, l’Angola entrera dans une ère post-dos Santos. Alors, posons-nous la question de savoir : quelles sont les chances du Mpla de rester uni après la sortie de Jes ?  Le parti va-t-il imploser ? Je rappelle ici qu’il existe depuis plusieurs années à l’intérieur de ce parti un fort courant politique, dirigé par le Général Silva (Mpla- Tendências), qui réclame des réformes que Dos Santos a toujours refusé d’engager.  Si nous ajoutons à ce courant la fronde menée par Irène Neto et Ambrosio Lukoki, la contestation prend la forme d’une véritable sédition à l’intérieur de ce parti. L’apparente unité que nous offre le Mpla n’est qu’un leurre. Il suffit de regarder de quelle manière le président angolais, malgré sa maladie, se démène pour essayer de replacer ses pions avant son départ définitif du pouvoir pour s’en rendre compte. Carlos Feijó, un fidèle parmi les fidèles, revient en force à la présidence de la République où il retrouve son ami Kopelipa. Grâce à un décret présidentiel, confectionné à la mesure de ses compères, les chefs militaires en fonction dans l’armée et dans la police sont assurés de rester à leurs postes jusqu’en 2025. À la tête de la Sonangol et du Fonds souverain, Isabel et Filomeno dos Santos sont maintenus pour plusieurs années. Interdiction au prochain président d’y toucher ! Ce verrouillage, comme vous l’aurez remarqué, est l’œuvre d’un dirigeant désespéré qui a peur que son passé le rattrape. Seulement, tout cela n’a de sens que si le président Dos Santos ne meurt pas avant. Un scénario que je ne souhaite pas, mais qui est envisageable. Avec sa disparition physique, des ambitions cachées vont se libérer et donner certainement lieu à un désordre au sein du Mpla. L’insoumission à peine voilée d’Irène Neto est la pointe visible de l’iceberg. Sommes-nous au début d’une révolution de palais dans les rangs du Mpla ? Je n’anticipe rien. Je me pose simplement la question et croyez-moi, je ne suis pas le seul.

Le deuxième scénario est celui de l’élection d’un membre du Mpla qui serait appelé à obéir au doigt et à l’œil au leader du parti. Là, nous serons dans une configuration de bicéphalisme. Le président élu étant appelé à appliquer la politique du parti, le chef de ce parti ne se privera pas d’intervenir dans la conduite de la chose publique. Une situation que Lopo do Nascimento, ancien premier ministre et membre influent du Mpla, considère comme une ineptie que sa raison désapprouve et que son cœur désavoue. Pour lui, le président sortant doit prendre ses distances avec la politique active sous toutes ses formes. Le pays a besoin de vivre pleinement ce premier passage du témoin.  Beaucoup de militants du Mpla désirent qu’après le départ de Dos Santos, le parti et le pays se libèrent du système qu’incarne le président sortant et qui a engendré la corruption, le népotisme et l’impunité. D’ailleurs, son dauphin, Joâo Lourenço, ne cache pas sa volonté (!) de s’attaquer à ces maux. Le pourra-t-il ?

 Cette volonté de Dos Santos d’avoir un regard sur la gestion de la chose publique crée un malaise au sein de la classe politique. N’eût été sa maladie, le président Dos Santos aurait-il manifesté son intention au peuple angolais de quitter le pouvoir ? Tous ceux qui s’intéressent à la politique angolaise n’hésitent plus à parler de machiavélisme au sujet de cet homme qui, à travers les décrets présidentiels taillés sur mesure qu’il publie, tente de garder le contrôle sur les affaires de l’État.  « La maladie  l’a pris au dépourvu » affirment les observateurs. À dire vrai, c’est depuis quelques années qu’il planifie sa sortie. Très méthodiquement, il procède par étape. D’abord, c’est à son cousin, Manuel Vicente, grand argentier à la Sonangol, qu’il confie, malgré la désapprobation des caciques du Mpla, la vice-présidence de la République. Ce sont les médiocres résultats de ce dernier à ce poste qui le conduisent à revoir ses plans. C’est alors qu’il se retourne vers Joâo Lourenço, un militaire tombé en disgrâce et ramolli par une exclusion temporaire, pour lui servir de dauphin. Psychologiquement diminué à cause de son passage à vide pendant les années qu’il est resté sans fonction, Joâo Lourenço est prêt à tout pour retrouver les faveurs du chef. Dans l’entre-temps, Dos Santos, en fin politicien, confie les cordes de la bourse à ses enfants. La succession et les finances étant assurées, il pousse ses députés à voter une loi organique le mettant à l’abri de toute poursuite judiciaire. Et la boucle est bouclée. Qui peut faire mieux. Si ce n’est pas du machiavélisme, en tout ça y ressemble beaucoup.

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo Scotty M.