Il y a exactement cent jours
depuis que le président Joâo Lourenço s’est installé au palais présidentiel à
Luanda et occupe les fonctions de Chef de l’État en Angola. Cent jours pendant
lesquels les Angolais ont eu le loisir d’observer et d’analyser les actions du
nouveau gouvernement. Dans les démocraties occidentales, ces 100 jours
représentent la période de grâce que les opinions publiques nationale et
internationale accordent au nouveau président de la République avant de porter
leur jugement sur l’orientation politique qu’il insuffle au pays. C’est aussi
après ces 100 jours que l’on mesure la cote de popularité du nouvel élu. Les
mesures prises au cours de cette période donnent généralement une image de la
direction que prend le pays sous la direction du nouvel exécutif. Du point de vu de la moralisation de la vie
politique en Angola, tous les observateurs ont identifié dans les actes posés
par Joâo Lourenço une ferme volonté de rompre avec les méthodes de l’ancien
président. Sa lutte contre l’impunité, la corruption et le laisser-aller trouve
un écho favorable au sein de la population. C’est au niveau de son parti
politique, le Mpla, qu’apparaissent des signes d’agacement. Habitués à se
servir au lieu de servir, les dirigeants du Mpla trouvent en Joâo Lourenço un
perturbateur inattendu. Lors de la cérémonie des vœux pour la fin de l’année
2017, le vice-président Bornito de Souza, rendu inexistant par la forte présence
de Joâo Lourenço, dans un discours qui a surpris tout le monde, a fait
l’apologie du bicéphalisme au somment de l’État. Il a, contre toute attente et
en termes à peine voilés, enjoint le Chef de l’État à obéir au président du
parti (le Mpla). Le juriste qu’est Bornito de Souza a oublié que le Chef de
l’État ne doit obéissance qu’à la constitution et aux lois de la République. Je
rappelle ici que c’est sous le régime de l’ancienne Union soviétique que le
système admettait la prédominance du parti sur le gouvernement. Selon la
Constitution angolaise, la légitimité de l’exercice présidentiel émane de la
souveraineté du peuple qui l’octroie à un individu par le suffrage universel.
Et, le peuple est au-dessus des partis politiques. C’est cette absence dans
l’analyse de certains membres du Mpla qui crée des clivages et des tensions au sein
du parti. La preuve : aujourd’hui, contre toute attente, deux groupes se
sont formés au sein du Mpla : les « eduardistes » et les
« lourencistes ».
Dans les « eduardistes »,
on retrouve tous les vieux corrompus de la République. Ceux qui sont très
attachés au système stalinien de l’ancienne Russie. Ceux qui se sont enrichis
sur le dos du peuple angolais et ne veulent pas perdre leurs privilèges. Ceux
qui croient qu’ils sont prédestinés à diriger le pays quelles que soient les
circonstances. Ceux qui croient que l’Angola est leur bien privé. Ce sont ceux
là même qui hier encore disaient : le Mpla est le peuple et le peuple est
le Mpla.
Dans les
« lourencistes », il y a ceux qui croient au changement et refusent
le statu quo. Ceux qui croient que l’on peut faire la politique autrement. Ceux
qui croient que l’homme est la finalité de la politique de Joâo Lourenço. Ceux
qui veulent que les choses changent vraiment dans le pays, d’où la moralisation
entamée par JLo.
La situation créée par les
inconditionnels du Mpla ressemble à s’y méprendre à celle d’un barracuda géant
qui essaie d’attaquer un petit maquereau dans l’aquarium d’eau de mer, mais une
barrière de verre les sépare. Le gros poisson ne cesse de se frapper le nez
contre la barrière invisible jusqu’au moment où il décide qu’il en a assez et
qu’il vaut mieux abandonner. Ils sont nombreux ces inconditionnels derrière l’ex-président Dos Santos, mais ils
ne sont pas suffisamment intelligents pour se rendre compte qu’il est
pratiquement impossible d’atteindre Joâo Lourenço parce que c’est lui que le
peuple a choisi comme son président. Le peuple, c’est la barrière de verre
invisible qui protège le maquereau du barracuda. Croire qu’il suffit de le
destituer de la vice-présidence du parti pour qu’il freine son élan est une
grosse erreur de calcul. Il a pris trop d’épaisseur en 100 jours.
L’enthousiasme qu’il suscite au sein de la population le met à l’abri de toute
attaque. Pourtant, comme je l’avais écrit dans ma dernière publication, Joâo
Lourenço n’a encore rien fait, qui puisse constituer une véritable unanimité
autour de lui. Hormis la moralisation de la société qu’il poursuit jusqu’à ce
jour, les vraies réformes pour le bien-être de la population ne sont pas encore
à l’ordre du jour. C’est là où se trouve la ligne rouge, car ces réformes que
nous appelons de tous nos vœux vont certainement toucher des camarades du
parti. Quand on observe comment les camarades du Mpla réagissent contre la
demande du gouvernement de rapatrier les fonds planqués dans des banques à
l’étranger, on peur s’interroger sur la capacité de Joâo Lourenço à franchir la
ligne rouge. Le bicéphalisme nous cause beaucoup de torts. Deux têtes sur un
corps, c’est un monstre.
Ce bicéphalisme qu’on nous impose
ne facilite pas la tâche au nouveau président. Et vous, que croyez-vous ?
Sobamasoba, l’analyse politique
qui informe.
Eduardo Scotty M.