Séquestrations, rapts, assassinats,
cambriolages des résidences, falsifications des documents, sont les termes
qu’on retrouve depuis quelque temps dans la presse angolaise et dans les
conversations à Luanda. À en croire les sites d’informations angolais, la
sécurité à Luanda et ses environs continue à poser de sérieux problèmes. Il ne
se passe pas un seul jour sans qu’on ne parle d’assassinats, de séquestrations
ou de cambriolages. Le nombre des personnes tuées dans des circonstances
souvent inexplicables a tellement augmenté que la capacité de la police nationale à apporter des réponses
pertinentes au problème a atteint ses limites. Le nouveau « modus
operandi » adopté par les délinquants, les rapts assortis d’une rançon, a
pris de court les éminences grises de la police angolaise au point où rouler
sur les voies express ou sur les autoroutes de Luanda est devenu très périlleux.
C’est sur ces voies que les enlèvements ont le plus souvent lieu. C’est
lucratif et sans risque pour les délinquants qui voient dans l’impuissance de
la police un interstice pour leur job. La nuit, dans les rues obscures de la
cité, la présence de ces mêmes délinquants provoque une peur panique dans la population
civile. Ceux qui ont des objets de luxe à la maison ne dorment plus que d’un
seul œil. Et vous savez pourquoi? La réponse se trouve dans un récent passé de notre histoire .
Je vous avais dit dans mon dernier blog qu’il
est parfois nécessaire de remonter le temps pour trouver des réponses à nos
interrogations d’aujourd’hui.
Pour les observateurs
avertis de la vie en Angola et particulièrement à Luanda, il y a longtemps que
le ver est dans le fruit. Personne n’ignore que dans notre pays, il n’y a aucun
magasin qui vend des armes à feu. Et pourtant, à la périphérie de la ville,
loin des regards de la police, les cambrioleurs se pavanent armés jusqu'aux
dents. D’où viennent leurs armes ?
Pour ceux qui ne connaissent pas Luanda, à
l’époque coloniale, et ça n’a pas beaucoup changé, à la périphérie de la ville
les autochtones vivent dans des quartiers appelés « musseques ». À l’accession
du pays à l’indépendance, les populations de ces quartiers (Zambizanga, Cazenga, Rangel, Precol, Cassenda, Cassequel, Prenda), pour
des raisons que vous connaissez surement, ont tous soutenu le Mpla. Ce qui fait que pendant le conflit armé
qui a précédé l’acte de la proclamation de l’indépendance, conflit généré par le non-respect des accords
d’Alvor, ces populations ont servi de bouclier contre
les incursions des troupes du Fnla et
de l’Unita. Le Mpla, dont la qualité combative des guérilleros laissait
beaucoup à désirer, avait choisi de distribuer d’une manière incontrôlée des
armes aux habitants de ces quartiers. Je crois qu’il est inutile de rappeler
ici que ce n’est pas par voie démocratique que le Mpla est arrivé au pouvoir.
Sur le moment, les dirigeants du Mpla de l'époque n’avaient pas mesuré les conséquences de leur acte. Ils
voulaient à tout prix garder le pouvoir qu’ils venaient d’usurper sans
trop réfléchir aux conséquences. Donner une arme à feu à un civil, c’est lui
octroyer un pouvoir dont il ignore les limites. Par cet acte que je qualifie de
déraisonnable, le Mpla
avait semé les premières graines de l’insécurité que nous connaissons
aujourd’hui. Je vous rassure, la germination ne s’est pas faite tout de suite. La
pauvreté ambiante et collective de l’époque n’incitait pas encore aux cambriolages.
C’est le retour des Angolais réfugiés dans les
pays voisins qui a été le déclic. Ce retour a donné lieu à la naissance de
nouveaux quartiers. Des quartiers (Petrangol, Mabor, Palanca, Kikolo) construits par les « regressados »
à l’image de ceux où ils avaient vécu durant leur exil. Des zones entières avec
des maisons en dur, des sanitaires et des voies droites bordées d’habitations. Des
quartiers qui ont suscité de l’envie dans le regard des Luandais habitués à
vivre dans les « musseques » insalubres et non urbanisés. Les plus envieux parmi eux,
dans un sauvage élan de jalousie, insinuèrent que c'est l’État qui finançait la
construction de ces nouveaux quartiers. C’est à partir de là que Luanda connait
ses premiers cambriolages, et ses premiers assassinats. Si psychologiquement, les Luandais n’étaient pas
préparés à accueillir des « gens » venus d’ailleurs, il leur était
aussi difficile de vivre avec des gens dont ils étaient culturellement
différents. Et le discours politique de l’époque ne favorisait vraiment pas la
coexistence pacifique. C’est comme cela que sont apparus les premiers germes de
la criminalité. Vous conviendrez avec moi qu’il est inutile de se demander d’où
venaient les armes. Puisqu’après leur distribution en 1975, personne ne s’était
préoccupé de leur récupération. Des milliers d’armes à feu sont restées dans la
nature. Quiconque en possédait une pouvait s’en servir comme il voulait, en
toute impunité. Ce sont ces mêmes armes qui ont tué Chitunda, Mango, Salupeta
Pena et autres dirigeants de l’Unita à Sambizanga. Vous vous rappelez l’épisode
de la Commission conjointe militaire ?
Le
pouvoir, qui n’avait pas encore trouvé ses marques, avait peur de contrarier
ces hommes à qui il avait confié sa défense. Les méfaits dont ils avaient
pourtant connaissance étaient considérés à leurs yeux comme des dégâts
collatéraux. Et comme ces forfaits n’avaient lieu que dans les quartiers
habités par des «zaïrenses», pourquoi s’en faire? Pour preuve, corrigez-moi si je me trompe,
toutes les personnes tuées dans les nouveaux quartiers autour de Luanda n’ont
jamais fait l’objet d’une enquête. Jamais. Alors forts de l’impunité, les
délinquants ont cru trouver là un intarissable terroir. Engagés comme
ils le sont sur cette voie de gain facile, il leur est difficile de
s’arrêter. Alors, aujourd'hui ils se tournent
vers les nouveaux riches, une classe composée dans sa majorité des
membres du Mpla. C’est bizarre comme le fétiche se retourne
parfois contre le féticheur. Tardivement, le pouvoir d'une manière désordonnée essaye de réagir. On ne touche
pas à ses oints, lit-on dans la bible. D'abord ils ont mis en marche une campagne pour récupérer les armes à
feu. Malheureusement, les résultats obtenus ne furent pas à la hauteur. La place était inondée par les armes vendues par les
Cubains, sur le retour. Aujourd'hui encore, personne ne
peut imaginer le nombre d’armes en circulation dans le pays.
Finalement, le Mpla a été un porte malheur pour le peuple angolais. Non contents d'avoir créer dans le pays cette situation d'insécurité par l'absence de contrôle des armes, ils ont en plus poignardé ce même par le vol des deniers publics. Ce qui a accentué la crise dans le pays. Avoir des fins du mois difficiles dans un pays où l'insécurité a élu domicile est une équation très compliquée à résoudre.
Eduardo M. Scotty