samedi 17 décembre 2016

Zé Kitoumba, l'homme qui devait...,mais n'a pas pu.


Il s’appelait Zé Kitoumba et était devenu chef du village depuis la mort de son oncle par alliance, Kota Mangouxi. Selon la coutume, la chefferie ne devait pas lui revenir, mais comme il était le seul neveu dont le profil correspondait à ce que le clan recherchait, il fut intronisé. Néanmoins, quelques jours avant son intronisation, les anciens s’étaient réunis pour débattre de sa désignation à la tête du clan. À cette importante réunion, censée être consensuelle, un vrai clivage est apparu: les gardiens de la tradition et les colombes. Pour les premiers, le fait que le père et la mère de Kitoumba ne soient pas de la région ne plaidait pas vraiment en sa faveur. Pour les autres, plus indulgents, le petit pouvait occuper la chefferie puisque le vieux Mangouxi était marié à la sœur de sa mère et qu’il avait grandi dans le village. Comme vous l’aurez certainement compris, Zé Kitoumba n’est pas né dans cette contrée. Sa mère l’y a ramené alors qu’il n’avait que quatre ans. Très studieux, à sa majorité il a quitté le village pour aller s’instruire à l’étranger. Quelques années plus tard, il est revenu formé et très cultivé. Même s’il a toujours été maladivement timide, son niveau intellectuel le disposait à substituer le vieux Mangouxi, arrivé, lui aussi, à la tête du clan dans des conditions très contestables. En tout cas, le jeune homme avait l’air très honnête même s’il paraissait, à certains égards, quelque peu moins sûr de lui. Mais ne dit-on pas: c’est en forgeant le fer qu’on devient forgeron ? Devant une telle évidence, les gardiens de la tradition ont fini, la mort dans l’âme, par céder. C’est comme cela que    Zé Kitoumba est devenu le plus jeune chef de clan de sa génération.

Cette histoire m’a été contée par mon oncle paternel un soir de clair de lune, la veille de Noël, à la sortie d’une houleuse réunion avec ses frères et sœurs. Mon oncle a voulu par cet échange me montrer combien il est hasardeux/imprudent de confier les rênes d’un clan à quelqu’un dont les origines sont douteuses. À notre époque me disait-il, les blancs avaient introduit, parfois de bonne foi, des hommes venus de loin au sein de nos communautés pour suppléer au manque de la main-d’œuvre. Arrivés sur nos terres, ces hommes se sont mariés et ont eu des enfants avec nos filles.  Un jour, ils sont partis sans laisser d’adresses. Les enfants issus de leurs unions sont devenus un vrai problème pour nous quand est arrivé le moment de leur confier des responsabilités au sein de différents clans. Aujourd’hui, ils éprouvent énormément de difficultés à pouvoir s’identifier à nous. Quels que soient les efforts qu’ils fournissent pour se mettre dans la peau d’un natif du village, il y a toujours un ou deux légers détails qui les embarrassent. Ils manquent de spontanéité dans leurs actions. On voit bien que leurs racines sont ailleurs.

Kota Mangouxi n’était pas un homme extraordinaire, c’est vrai, mais il avait le souci du bien-être des siens. À ses débuts, le jeune Kitoumba marchait sur les pas du vieil homme. Dans le village, presque tout le monde appréciait son travail. Des éloges à son endroit fusaient de partout. Des chants de louange étaient chantés en son honneur ; le climat de paix régnait dans la communauté, témoin de la qualité du travail abattu. Mais comme le pouvoir corrompt, Zé Kitoumba, influencé par l’équipe de conseillers qui l’entourait, finit par dévier du chemin tracé par le vieux Mangouxi. Au bout de quelques années, le jeune homme dévoué que les villageois avaient connu s’était mué en rapace. Toutes les personnes ayant collaboré avec l’ancien chef du village étaient écartées du cercle du pouvoir. Pris dans le tourbillon de l’égocentrisme, il est devenu un homme insensible. Les valeurs sur lesquelles était basé son discours ont disparu de sa dialectique. Ce village où coulaient le lait et le miel n’était plus qu’un souvenir. Tous ceux qui s’y étaient installés pour profiter de sa bonne santé économique repartaient chez eux déçus par la mauvaise gestion de Zé Kitoumba. La rivière qui fournissait l’eau au village était devenue boueuse. La nuit, tout était dans le noir complet. Faute de carburant, le groupe électrogène qui alimentait les habitations en électricité était en panne sèche. À cette série noire s’est ajoutée une épidémie de choléra résultante d’un manque criant d’hygiène.  Le village a connu des dizaines de morts. Pas de médicaments, pas de dispensaire. Tout allait à vau-l’eau. Toutes ces difficultés ajoutées les unes aux autres ont fini par générer un mécontentement dans le village. Petit à petit, l’idée de remplacer Zé Kitoumba par un autre chef a commencé à germer dans la tête des dignitaires du village. Enfermé dans sa cour avec ses courtisans, Kitoumba était incapable de lire les signes du temps. Il manifestait de la fatigue dans l’exercice de ses fonctions. Le pouvoir l’avait-il corrompu au point de le rendre malade ?

Mon oncle a-t-il raison lorsqu’il affirme que la chefferie dans une contrée doit revenir uniquement aux natifs du village ? Zé Kitoumba n’a-t-il pas fait preuve d’incompétence dans l’exercice de ses fonctions ? Le travail et les résultats, n’est-ce pas ce qui compte dans la gestion de la chose publique ?  Mon oncle a promis de me raconter le reste de cette histoire après les Fêtes de Noël et du Nouvel An.

Je vous souhaite tous de passer une heureuse fête de Noël et Bonne Année 2017.

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe

Eduardo Scotty Makiese       

dimanche 4 décembre 2016

José Eduardo dos Santos: cette fois, c'est la bonne.


La semaine qui vient de s’écouler a été très riche en émotion dans notre pays. Après une importante réunion du Bureau politique du Mpla, réunion au cours de laquelle le président Dos Santos a exprimé son intention de ne pas briguer un autre mandat à la tête de l’État, c’est au Comité central du même parti qu’est échue quelques jours après la décision d’entériner non seulement le choix du leader du Mpla, mais d’avaliser aussi la nomination de Joâo Lourenço (ministre de la Défense et vice-président du Mpla sur la photo) et Bornito de Sousa ( ministre de l’Aménagement du territoire) comme têtes de liste du Mpla aux élections de 2017. À l’annonce de cette nouvelle, beaucoup d’Angolais se sont réjouis du fait que cette fois, Dos Santos a tenu parole. Erreur. Dos Santos ne se retire pas de la scène politique par sa propre volonté, il y est contraint par ses médecins. Depuis un certain temps ses visites médicales à Barcelone sont devenues très fréquentes, signe d’une rapide dégradation de sa santé. Les responsabilités à la tête de l’État exigent que le patron soit en bonne santé physique et mentale. Ne pouvant plus répondre à cette condition, Dos Santos, malgré lui,  a décidé de céder sa place au tandem proposé par le BP de son parti.

Le peuple a-t-il raison de se réjouir du retrait de Dos Santos ? Si c’est vrai que le président Dos Santos a toujours été un problème pour notre pays, le système qu’il a installé dans le pays pendant les 37 années de règne l’est autant. Lui partit, le Mpla et le système resteront en place avec leurs méthodes répressives. D’ailleurs, depuis quelques jours nous assistons à un conditionnement de l’opinion publique. En lisant les nouvelles sur les sites d’informations du gouvernement, on a l’impression que la monarchie est en train de s’organiser pour couronner le successeur du roi. Et les élections en 2017 ? Qui nous dit que le Mpla va les gagner ? La fraude électorale serait-elle déjà organisée ? Dos Santos et ses amis ont un bilan à défendre, et à ce que je sais, il n’est pas très brillant. Si Dos Santos dans les années 80 bénéficiait d’un important soutien populaire dans le pays, au cours de cinq dernières années, il a connu une période de dépérissement de son image. Un dépérissement lié à une ascendante impopularité au sein de la jeunesse qui, à travers les réseaux sociaux, l’accuse d’être un président qui recourt aux forces de la police pour opprimer tous ceux qui critiquent sa longévité au pouvoir. Les scandales de corruption et le népotisme ont été très préjudiciables à ses 37 années de règne. Je me demande si l’opinion lui pardonnera toutes les injustices commises pendant son long mandat.

En écrivant ces lignes, je m’interrogeais sur la lecture que font les Angolais de la situation politique dans leur pays. Il y a ceux qui comme des moutons suivent le berger sans se poser des questions, mais il y a aussi d’autres, comme vous et moi, qui cherchent à comprendre le pourquoi de ce qui se passe dans le pays. Parce qu’aussi incroyable que cela puisse paraître, peut-être vous ne la saviez pas, il y a des irréductibles dans les rangs du Mpla. Parmi eux, il y a des intraitables comme Manuel Helder Vieira Dias ou le Général  José Maria qui croient que le président, quel que soit son état de santé, ne peut pas quitter le pouvoir. Pour eux, le départ de Dos Santos signifierait la fin de leurs privilèges. D’ailleurs, pour montrer leur attachement à ces privilèges, à la réunion du Comité central, Manuel H.V.Dias a poussé Kundi Paihama, le fidèle parmi les fidèles, et Joanes André à  organiser à l’intérieur du parti un front des faucons opposés au retrait de la vie politique du président Dos Santos. C’est vraiment dommage pour lui que la tentative n’ait pas réussi. Toutefois, cela n’a pas empêché le puissant Général Zé Maria de tenter de prendre le président par les sentiments. « S’il s’en va, je m’en vais aussi » a-t-il confessé aux officiers de son service (source club-k.net) alors qu'il est déjà sur la liste des officiers qui iront à la retraite dans quelques mois. Voilà le genre d'officiers à qui les Angolais ont confié leur destin. Pitoyable. En tout cas, nous savons maintenant que pour lui, entre Dos Santos  et l’Angola, le choix est clair. Alors, je me pose la question de savoir : Au service de qui était-il pendant toutes ces années ? Dos Santos, serait-il à ses yeux, plus important que l’Angola ? Les masques vont tomber.   

 

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.  

Eduardo Scotty Makiese.