« L’Angola a
connu une espèce de miracle économique au sortir de la guerre. Mais le Mpla au
pouvoir n’en a pas profité pour faire des réformes ni
pour diversifier son économie. Il a eu tort de penser que les cours élevés du pétrole seraient éternels. La crise économique
mondiale de 2008-2009 le lui a rappelé, mais rien n’a été fait pour réduire la dépendance au pétrole », a constaté l’économiste Manuel José
Alves da Rocha, de l’Université catholique d’Angola. Depuis 2014, le cours
du baril a baissé et le pays est entré dans une crise économique profonde que
va devoir gérer Joâo Lourenço.
L’Angola a besoin d’une croissance égale ou supérieure à l’augmentation
annuelle de la population, qui est de 3 %. Sinon, les Angolais deviendront
encore plus pauvres et la situation économique et sociale se détériorera
dangereusement. » Avec ce prix bas du pétrole devenu la norme,
la croissance a été quasi nulle en 2016 et
de 1,3 % en 2017, selon le FMI. Pendant ces deux années, les
chantiers se sont arrêtés et les nombreuses tours inachevées brisent le mythe
de la prospérité. Des dizaines de milliers d’ouvriers chinois ont quitté le
pays. L’Angola n’a plus les moyens de s’offrir leurs services, car les
conditions du deal sino-angolais « infrastructures contre pétrole »
ne sont plus favorables. Les salaires des fonctionnaires sont payés en retard,
les administrations et les entreprises privées ont abondamment licencié… et le mécontentement populaire a
beaucoup grandit. Les attentes de l’après Dos Santos sont immenses. Joao
Lourenço prend les rênes d’une puissance régionale à terre malgré un PIB huit
fois supérieur à celui du Mozambique. L’héritage économique laissé par José Eduardo dos Santos, qui a quitté
le pouvoir, malade, à l’âge de 74 ans, mais reste à la tête du MPLA, est
préoccupant. Je ne cesse de le répéter à qui veut l'entendre. La dette publique dépasse les 70 % du PIB, le déficit
budgétaire pourrait dépasser les 6 % du
PIB, l’inflation galopante se conjugue à des taux de change délirants du kwanza
en dollar et à une pénurie de devises qui contraint la Banque centrale à puiser dans ses réserves
de change, qui s’amenuisent. Les investisseurs désertent ce qui était encore,
il n’y a pas si longtemps, un eldorado pour les aventuriers prêts à miser sur un environnement d’affaires toxique et corrompue. « L’Etat n’a plus les moyens
de les retenir et d’en attirer d’autres, constate un analyste occidental. D’autant
que, depuis fin 2015, les sociétés étrangères ont du mal à convertir en devises leurs profits en monnaie locale. Les arriérés de transferts sont considérables, entre 2 et 5 milliards de dollars bloqués à
Luanda. » L’incertitude plane sur les projets
de réformes économiques de Joao Lourenço, de même que sur la marge de manœuvre
dont il dispose au sein du parti et vis-à-vis de son prédécesseur. « Au
début, Lourenço s’est occupé à faire sa place au sein du régime et du jeu politique interne au MPLA, explique le politologue Didier
Péclard, du Global Studies Institute de l’Université de Genève. Il pourrait
se recroqueviller sur ce qui marche, à savoir le pétrole et le diamant. Mais sans réforme économique poussée, il y a
en Angola les germes d’une crise profonde. » Militaire discret considéré comme intègre, devenu ministre de la défense en 2014 et vice-président du MPLA en 2016, Joao Lourenço
devra composer avec l’ombre du
clan dos Santos qui plane sur toute l’économie et qu’incarnent des cadres
souvent incompétents issus du MPLA et des fidèles serviteurs du président
sortant. « Plus qu’un pays riche, l’Angola est un pays de quelques
riches qui ne veulent ni partager, ni travailler, et règnent sur une économie de marché avec une mentalité communiste, analyse Carlos Rosado de Carvalho, économiste et directeur du journal Expansão.
Il n’y a plus d’argent et le président va être obligé d’adopter des réformes
claires, de définir un budget réaliste, de dévaluer le kwanza et de tout faire pour regagner la confiance des investisseurs et rétablir la crédibilité de l’Angola sur les marchés. Lourenço n’a d’autre choix
que de reprendre contact avec le FMI pour d’éventuels prêts, mais surtout pour des
conseils. »
La
situation telle qu'analysée par des spécialistes démontre que Joâo
Lourenço a plusieurs défis à relever pour redresser le pays. Malheureusement, après son investiture le premier
obstacle sur son chemin, c’est le climat au sein de son parti, le Mpla. Son intégrité
pose problème à ses collègues du parti, car elle est à contre-courant des
méthodes employées par son prédécesseur pour gouverner le pays. Au vu de ce qui
se passe au sommet de l’État, le Mpla peut-il rendre le pays ingouvernable? Wait and see.
Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.
Eduardo Scotty M.
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