jeudi 4 janvier 2018

La rétrospective qui s'impose.


« L’Angola a connu une espèce de miracle économique au sortir de la guerre. Mais le Mpla au pouvoir n’en a pas profité pour faire des réformes ni pour diversifier son économie. Il a eu tort de penser que les cours élevés du pétrole seraient éternels. La crise économique mondiale de 2008-2009 le lui a rappelé, mais rien n’a été fait pour réduire la dépendance au pétrole », a constaté l’économiste Manuel José Alves da Rocha, de l’Université catholique d’Angola. Depuis 2014, le cours du baril a baissé et le pays est entré dans une crise économique profonde que va devoir gérer Joâo Lourenço. L’Angola a besoin d’une croissance égale ou supérieure à l’augmentation annuelle de la population, qui est de 3 %. Sinon, les Angolais deviendront encore plus pauvres et la situation économique et sociale se détériorera dangereusement. »  Avec ce prix bas du pétrole devenu la norme, la croissance a été quasi nulle en 2016 et  de 1,3 % en 2017, selon le FMI. Pendant ces deux années, les chantiers se sont arrêtés et les nombreuses tours inachevées brisent le mythe de la prospérité. Des dizaines de milliers d’ouvriers chinois ont quitté le pays. L’Angola n’a plus les moyens de s’offrir leurs services, car les conditions du deal sino-angolais « infrastructures contre pétrole » ne sont plus favorables. Les salaires des fonctionnaires sont payés en retard, les administrations et les entreprises privées ont abondamment licencié… et le mécontentement populaire a beaucoup grandit. Les attentes de l’après Dos Santos sont immenses. Joao Lourenço prend les rênes d’une puissance régionale à terre malgré un PIB huit fois supérieur à celui du Mozambique. L’héritage économique laissé par José Eduardo dos Santos, qui a quitté le pouvoir, malade, à l’âge de 74 ans, mais reste à la tête du MPLA, est préoccupant. Je ne cesse de le répéter à qui veut l'entendre. La dette publique dépasse les 70 % du PIB, le déficit budgétaire pourrait dépasser les 6 % du PIB, l’inflation galopante se conjugue à des taux de change délirants du kwanza en dollar et à une pénurie de devises qui contraint la Banque centrale à puiser dans ses réserves de change, qui s’amenuisent. Les investisseurs désertent ce qui était encore, il n’y a pas si longtemps, un eldorado pour les aventuriers prêts à miser sur un environnement d’affaires toxique et corrompue. « L’Etat n’a plus les moyens de les retenir et d’en attirer d’autres, constate un analyste occidental. D’autant que, depuis fin 2015, les sociétés étrangères ont du mal à convertir en devises leurs profits en monnaie locale. Les arriérés de transferts sont considérables, entre 2 et 5 milliards de dollars bloqués à Luanda. » L’incertitude plane sur les projets de réformes économiques de Joao Lourenço, de même que sur la marge de manœuvre dont il dispose au sein du parti et vis-à-vis de son prédécesseur. « Au début, Lourenço s’est occupé à faire sa place au sein du régime et du jeu politique interne au MPLA, explique le politologue Didier Péclard, du Global Studies Institute de l’Université de Genève. Il pourrait se recroqueviller sur ce qui marche, à savoir le pétrole et le diamant. Mais sans réforme économique poussée, il y a en Angola les germes d’une crise profonde. » Militaire discret considéré comme intègre, devenu ministre de la défense en 2014 et vice-président du MPLA en 2016, Joao Lourenço devra composer avec l’ombre du clan dos Santos qui plane sur toute l’économie et qu’incarnent des cadres souvent incompétents issus du MPLA et des fidèles serviteurs du président sortant. « Plus qu’un pays riche, l’Angola est un pays de quelques riches qui ne veulent ni partager, ni travailler, et règnent sur une économie de marché avec une mentalité communiste, analyse Carlos Rosado de Carvalho, économiste et directeur du journal Expansão. Il n’y a plus d’argent et le président va être obligé d’adopter des réformes claires, de définir un budget réaliste, de dévaluer le kwanza et de tout faire pour regagner la confiance des investisseurs et rétablir la crédibilité de l’Angola sur les marchés. Lourenço n’a d’autre choix que de reprendre contact avec le FMI pour d’éventuels prêts, mais surtout pour des conseils. »

La situation telle qu'analysée par des spécialistes démontre que Joâo Lourenço a plusieurs défis à relever pour redresser le pays. Malheureusement, après son investiture le premier obstacle sur son chemin, c’est le climat au sein de son parti, le Mpla. Son intégrité pose problème à ses collègues du parti, car elle est à contre-courant des méthodes employées par son prédécesseur pour gouverner le pays. Au vu de ce qui se passe au sommet de l’État, le Mpla peut-il  rendre le pays ingouvernable?  Wait and see.  
Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.
Eduardo Scotty M. 




 

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