mercredi 13 novembre 2019

Joâo Lourenço est-il à bout de souffle?


La salle est comble. Elle est pleine à craquer. Décorée aux couleurs du Mpla, le rouge et le noir, c’est un jour historique pour le parti des camarades. C’est la fin du congrès de la jeunesse du Mpla, parti au pouvoir en Angola depuis 1975. Comme d’habitude, d’énormes moyens sont engagés pour la réussite de l’événement. C’est donc un auditoire complètement acquis au président du parti qui attend le discours de clôture de Joâo Lourenço. En baisse dans différents sondages réalisés par des médias à Luanda, le congrès de la JMPLA est une tribune que les jeunes offrent à Joâo Lourenço pour se refaire une santé dans l’opinion publique après les doutes suscités par sa politique sur la lutte contre la corruption et l’impunité. La petite guerre menée par Tchizé au nom du clan Dos Santos a fini par créer un doute dans la tête de certains Angolais qui se posent des questions au sujet de la gestion de Joâo Lourenço. La manifestation des jeunes chômeurs à Luanda réclamant de nouveaux emplois a porté un sérieux coup à l’image du président.  Lâché par ses propres camarades du parti, JLo est dépité. Son discours sur l’état de la nation, truffé des données irréalistes, ne sert vraiment pas sa cause. Les successives dévaluations de la monnaie nationale, le Kwanza, génèrent un mécontentement général. Sa cécité sur la corruption des officiers supérieurs de l’armée et de la police passe difficilement dans l’opinion. Tous ces faits mis les uns à côté des autres créent un climat de suspicion dans la population. À mi-mandat et devant une position aussi inconfortable, Joâo Lourenço et son gouvernement ressentent le besoin d’un nouveau souffle après avoir presque perdu celui acquis au début de la législature. Alors, pour marquer les esprits,  Joâo Lourenço monte au créneau, frappe fort et apparemment sans complaisance. Tenant compte des opinions défavorables à mi-chemin de son premier mandat, il prend le courage de reconnaitre les erreurs commises par son administration dans leur démarche pour éradiquer la corruption. Il demande aux jeunes de son parti de le soutenir et de prendre fait et cause pour ses actions.  Les corrompus et les corrupteurs étant tous des membres de son parti, il reconnait que dans un tel contexte une certaine complexité à son combat contre l’impunité et l'enrichissement illicite.

« En 2016 et 2017, pendant la phase de préparation des élections, le Mpla a écrit des documents ^pour stigmatiser la corruption parce que le pays était malade de l’impunité. Il y a eu beaucoup de promesses, mais il nous manquait du courage. Nous avons parlé de tolérance zéro, mais notre campagne n’a pas produit les effets attendus. Aujourd’hui, le contexte ayant changé, nous ne voulons plus tromper notre peuple et nos électeurs parce que nous considérons injuste de les utiliser juste pour nous faire élire. Nous pensons qu’il est de notre devoir de concrétiser les promesses faites durant la campagne électorale. Je veux ici vous rappeler que lorsqu’il y a action, il y a réaction. Nous avons posé dans notre lutte contre la corruption un certain nombre d’actions et maintenant nous assistons à la réaction. Cette réaction ne vient pas de l’opposition, mais des rangs de notre parti, le Mpla » .
« Pensez-vous que nous devons continuer cette lutte que nous avons engagée pour le bien de notre peuple quelles que soient les embûches sur notre route ? En sortant de cette salle, devons-nous nous considérer comme ayant été investis par la jeunesse que vous représentez ici  d’un pouvoir qui nous autorise à continuer notre lutte ? Toute la salle se tient debout et scande : Joâo Lourenço, l’Angola est avec vous. » Dixit Joâo Lourenço.

Ce n’est pas par hasard si le président Joâo Lourenço a choisi le congrès de la JMPLA pour lancer un message fort à l’endroit de ses camarades. Depuis quelque temps, un front contre les réformistes a vu le jour au sein du Mpla.  La volonté du président de changer les choses dans le pays n’est pas très appréciée par les caciques du parti au pouvoir. Durant des années, ils ont vécu et développé l’idée selon laquelle ce sont eux qui ont « libéré » le pays du colonialisme, il est donc normal qu’ils substituent les colonialistes, même dans ses méthodes de gestion les plus viles. Tous les slogans servis au peuple pendant la guerre de libération sont passés à la trappe. La bourgeoisie qu’ils prétendaient combattre s’est installée insolemment dans le pays. La pauvreté est devenue une maladie que les dirigeants du Mpla fuient en se cachant derrière les hauts murs des « condomínios » construits loin des « baïrros » périphériques de Luanda. L’économie a quelques difficultés à décoller. Malgré les lois sur le rapatriement de l’argent volé et placé dans des banques à l’étranger, lois votées par une assemblée nationale dominée par le Mpla, les membres du Mpla qui sont tous concernés par cette large fuite des capitaux s’opposent à la mesure et défient le président de la République à prendre des sanctions contre eux. Dans ce bras de fer entre les « réformistes » et les caciques du Mpla, qui gagnera ? Wait and see.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.   

               

 

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