Dans moins d’un mois, les Angolais
seront appelés à élire leurs dirigeants pour les cinq prochaines années. Dans
la capitale comme à l’intérieur du pays, apparemment, la campagne électorale se
déroule sans incident majeur. Un fait presque rare dans une démocratie
africaine naissante. Toutefois, parler de perfection dans l’organisation d’un
scrutin dans nos pays, c’est se faire des illusions. Tout ce que nous
souhaitons, c’est au minimum des élections apaisées et justes. Quant à la
transparence, nous sommes encore très éloignés de cet objectif. Je suis presque
certain que l’installation de la démocratie dans le temps donnera satisfaction
à ce désir des peuples. Celui de l’Angola espère connaitre pour la première en
42 ans une alternance politique. Quel que soit celui qui sera élu à la tête du
pays, l’Angola entrera dans une ère post-dos Santos. Alors, posons-nous la
question de savoir : quelles sont les chances du Mpla de rester uni après
la sortie de Jes ? Le parti va-t-il
imploser ? Je rappelle ici qu’il existe depuis plusieurs années à
l’intérieur de ce parti un fort courant politique, dirigé par le Général Silva (Mpla- Tendências),
qui réclame des réformes que Dos Santos a toujours refusé d’engager. Si nous ajoutons à ce courant la fronde menée
par Irène Neto et Ambrosio Lukoki, la contestation prend la forme d’une
véritable sédition à l’intérieur de ce parti. L’apparente unité que nous offre le
Mpla n’est qu’un leurre. Il suffit de regarder de quelle manière le président
angolais, malgré sa maladie, se démène pour essayer de replacer ses pions avant
son départ définitif du pouvoir pour s’en rendre compte. Carlos Feijó, un
fidèle parmi les fidèles, revient en force à la présidence de la République où
il retrouve son ami Kopelipa. Grâce à un décret présidentiel, confectionné à la
mesure de ses compères, les chefs militaires en fonction dans l’armée et dans
la police sont assurés de rester à leurs postes jusqu’en 2025. À la tête de la Sonangol
et du Fonds souverain, Isabel et Filomeno dos Santos sont maintenus pour
plusieurs années. Interdiction au prochain président d’y toucher ! Ce
verrouillage, comme vous l’aurez remarqué, est l’œuvre d’un dirigeant désespéré
qui a peur que son passé le rattrape. Seulement, tout cela n’a de sens que si
le président Dos Santos ne meurt pas avant. Un scénario que je ne souhaite pas,
mais qui est envisageable. Avec sa disparition physique, des ambitions cachées
vont se libérer et donner certainement lieu à un désordre au sein du Mpla.
L’insoumission à peine voilée d’Irène Neto est la pointe visible de l’iceberg.
Sommes-nous au début d’une révolution de palais dans les rangs du Mpla ?
Je n’anticipe rien. Je me pose simplement la question et croyez-moi, je ne suis
pas le seul.
Le deuxième scénario est celui de
l’élection d’un membre du Mpla qui serait appelé à obéir au doigt et à l’œil au
leader du parti. Là, nous serons dans une configuration de bicéphalisme. Le
président élu étant appelé à appliquer la politique du parti, le chef de ce
parti ne se privera pas d’intervenir dans la conduite de la chose publique. Une
situation que Lopo do Nascimento, ancien premier ministre et membre influent du
Mpla, considère comme une ineptie que sa raison désapprouve et que son cœur
désavoue. Pour lui, le président sortant doit prendre ses distances avec la
politique active sous toutes ses formes. Le pays a besoin de vivre pleinement
ce premier passage du témoin. Beaucoup
de militants du Mpla désirent qu’après le départ de Dos Santos, le parti et le
pays se libèrent du système qu’incarne le président sortant et qui a engendré
la corruption, le népotisme et l’impunité. D’ailleurs, son dauphin, Joâo
Lourenço, ne cache pas sa volonté (!) de s’attaquer à ces maux. Le
pourra-t-il ?
Cette volonté de Dos Santos d’avoir un regard
sur la gestion de la chose publique crée un malaise au sein de la classe
politique. N’eût été sa maladie, le président Dos Santos aurait-il manifesté
son intention au peuple angolais de quitter le pouvoir ? Tous ceux qui
s’intéressent à la politique angolaise n’hésitent plus à parler de
machiavélisme au sujet de cet homme qui, à travers les décrets présidentiels
taillés sur mesure qu’il publie, tente de garder le contrôle sur les affaires
de l’État. « La maladie l’a pris au dépourvu » affirment les
observateurs. À dire vrai, c’est depuis quelques années qu’il planifie sa
sortie. Très méthodiquement, il procède par étape. D’abord, c’est à son cousin,
Manuel Vicente, grand argentier à la Sonangol, qu’il confie, malgré la
désapprobation des caciques du Mpla, la vice-présidence de la République. Ce
sont les médiocres résultats de ce dernier à ce poste qui le conduisent à
revoir ses plans. C’est alors qu’il se retourne vers Joâo Lourenço, un
militaire tombé en disgrâce et ramolli par une exclusion temporaire, pour lui servir
de dauphin. Psychologiquement diminué à cause de son passage à vide pendant les
années qu’il est resté sans fonction, Joâo Lourenço est prêt à tout pour retrouver
les faveurs du chef. Dans l’entre-temps, Dos Santos, en fin politicien, confie
les cordes de la bourse à ses enfants. La succession et les finances étant
assurées, il pousse ses députés à voter une loi organique le mettant à l’abri
de toute poursuite judiciaire. Et la boucle est bouclée. Qui peut faire mieux.
Si ce n’est pas du machiavélisme, en tout ça y ressemble beaucoup.
Sobamasoba, l’analyse politique
qui informe.
Eduardo Scotty M.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire