mercredi 17 avril 2019

Joâo Lourenço nuit-il à la démocratie en Angola?


 
Un débat est en train de ressurgir en Angola. C’est celui de cumul des mandats. Il n’a pas encore pris des proportions comme au début de l’année, mais en privé les conversations tournent déjà autour du sujet. Lorsque le président Joâo Lourenço est arrivé au pouvoir après les élections de 2017, l’opinion publique angolaise, habituée à voir à la tête de l’État le président du parti vainqueur des élections,  s’attendait à l’éviction immédiate de José Eduardo dos Santos de la présidence du Mpla. Dans les milieux du Mpla, favorables au changement à la tête du parti, pour justifier l’impatience latente des réformistes, le terme « bicéphalisme » est entré dans le vocabulaire politique des Angolais. Deux têtes sur un corps, disaient-ils pour légitimer leur revendication, c’est un monstre. Tout le monde n’était pas d’accord, mais la pression était tellement grande qu’au dernier congrès extraordinaire du Mpla, Joâo Lourenço est devenu président du parti au grand bonheur de ses aficionados. Ainsi est né au sein du Mpla, deux groupes de dirigeants, les « Lourencistes » et les « Eduardistes ». Les « Lourencistes » sont ceux qui voulaient que tous les pouvoirs soient concentrés dans les mains d’une personne et les « Eduardistes » souhaitaient que le pouvoir soit partagé entre le chef du parti, Dos Santos, et le chef de l’État, Joâo Lourenço. Pour ces derniers, être chef de l’État, président de la République, président du parti au pouvoir et chef de l’Exécutif est un trop lourd fardeau pour une seule personne. Pendant des semaines dans les médias, Tchizé dos Santos à la tête d’un groupe de parlementaires du Mpla a défendu l’idée selon laquelle le président de la République ne devait pas être président du parti au pouvoir. Dans les démocraties modernes comme en France, en Belgique ou aux Pays-Bas, lorsque le président du parti vainqueur des élections accède au pouvoir, il quitte la tête de son parti. Il devient le chef de toute la population. Ainsi, il a les mains plus libres pour pouvoir arbitrer les éventuels conflits qui peuvent surgir durant son mandat au niveau des institutions du pays. Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo a quitté la présidence de l’UDPS pour se consacrer totalement à la présidence de la RDCongo. Il est le président de tous les Congolais.

Après quelques mois à la tête de l’Angola, le président Joâo Lourenço, qui avait suscité beaucoup d’espoir dans les cœurs des Angolais, est rattrapé par la realpolitik. Dans sa lutte contre la corruption, il s’avère que les corrompus sont tous des membres ou des amis de son parti, le Mpla. C’est un vrai écueil dans la mise en place de sa politique. Comment un loup peut-il manger un autre loup ? En sa qualité de président de la République, s’il s’était affranchi de son parti, c’est avec une certaine hauteur qu’il aurait pu gérer les situations créées par ses amis politiques dans les affaires de détournements de fonds publics. Donc, le débat sur le cumul des fonctions trouve ici tout son sens. Ce dont les Angolais ont le plus besoin pour le moment, c’est d’un président qui ne soit pas chaque fois en conflit avec soi-même ; un président qui n'ait pas les mains liées à cause de l’allégeance à son parti. Le refus de l’ex-président José Eduardo dos Santos de voyager, conformément à la constitution aux frais de l’État, dans un avion mis à sa disposition par le gouvernement, est un signe fort qui relance justement le débat sur la concentration des pouvoirs dans les mains d’une même personne. La justice dans le pays étant ce qu’elle est, le Procureur général de la République, qui reçoit ses ordres de qui l’on sait, éprouve des difficultés pour bien faire son travail. Lorsqu’il doit libérer un malfrat qui a détourné l’argent de l’État sous prétexte qu’il a rendu le bien volé, et cela, sur ordre d’un président de la République qui a, semble-t-il, un problème de conscience, là… il y a un vrai problème.

L’Angola, en ma connaissance, est le seul pays où l’on peut voler en toute quiétude de l’argent de l’État, le fructifier et ensuite le rendre, en gardant les bénéfices réalisés bien sûr, sans que l’on soit embêté par la justice. C’est aussi le pays où les voleurs de l’argent de l’État sont connus, mais ne sont nullement inquiétés. Sauf s’ils appartiennent à l’autre camp. Le président Joâo Lourenço se trouve dans une position très inconfortable dans sa lutte contre la corruption et l’impunité. D’ailleurs, on a l’impression, à y regarder de près, que son discours sur la corruption est destiné aux argentiers de la  Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. Ils sont nombreux, les MARIMBONDOS, comme il les appelle lui-même, mais combien sont-ils sous les verrous ? Avec la libération inexpliquée de Filomeno dos Santos, fils de l’ex-président, et de son ami Jean Claude de Morais, on dirait que les autres « marimbondos » mettent le président au défi de les arrêter. Ils sont prêts à ouvrir la boîte de pandore.  

Sommes-nous sortis d’une « dictature » pour entrer dans une autre plus douce ? Avec le même parti, la même politique conçue par ce même parti, les mêmes dirigeants issus de ce parti ? En tout cas, le débat sur la concentration des pouvoirs dans les mains d’une seule personne est un vrai débat.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty.

3 commentaires:

  1. Un président du Mpla a toujours été le président de la république (en Angola). Au lieu d'évoquer la théorie du bicéphalisme sur le tas, le Mpla ne devrait-il pas réviser son statut sur ce point? 2022, c'est déjà demain.

    RépondreSupprimer
  2. Un président du Mpla a toujours été le président de la république (en Angola). Au lieu d'évoquer la théorie du bicéphalisme sur le tas, le Mpla ne devrait-il pas réviser son statut sur ce point? 2022, c'est déjà demain.

    RépondreSupprimer
  3. Franchement tels concepts devraient prendre fin de nos jours car n'aident pas ni le pays ni les leurs propres acolytes et moins le peuple qui est toujours victime de ces concepts communistes qui consistent a confiner les peuples et qui survivent grâce aux fanatismes, manipulations et corruptions vertigineuses de ce dernier siècle jamais vu. Croyez-vous vraiment dans le cas comme le notre,au sein du Mpla aurait des gens qui pensent comme vous et qui ont le courage de changer ce paradigme? Je n'en crois pas, peut les enfants de l'ancien dictateur et certains généraux qui se sens lésé par l'actuel président du Mpla! Malgré mes doutes, aujourd'hui tout est devenu possible, pour celle et celui qui croit. Massunguna

    RépondreSupprimer