Le débat sur l’absence
des Bakongo à des postes politiques importants, et dans les entreprises de l’État,
en Angola a refait surface à Luanda et dans d’autres villes du pays après la
sortie d’une œuvre musicale interprétée par des artistes Bakongo et qui connait
un franc succès sur le net. Très peu nombreux, très peu visibles, les Bakongo
font face à des barrières persistantes pour accéder à des postes de
responsabilité dans les sphères du pouvoir en Angola. Pourtant, leur efficacité
dans divers domaines de la vie sociale et politique du pays ne fait pas l’ombre
d’aucun doute. Il y a un an, dans une de mes publications, j’avais abordé ce
sujet en expliquant les raisons pour lesquelles les Bakongo sont méprisés par
leurs frères Kamundongo du Mpla. L’arrivée de Joâo Lourenço au pouvoir n’ayant
apporté aucun changement à la situation, je me dis que l’absence des Bakongo au
« sommet » de l’État est peut-être due à la perplexité de leur
histoire qui se mêle à celle des autres peuples qu’on appelle Congolais, ce qui
parfois prête à confusion. On retrouve donc des Bakongo, à cause de
l’éclatement du Royaume Kongo, au Gabon, au Congo-Brazza, en RDCongo et en
Angola. D’ailleurs, en 1960, les Bakongo jouent un rôle très important dans
l’accession du Congo Belge à l’indépendance. Le premier chef de l’État de la
RDCongo est un Nkongo. Jusqu’en 1965, les Bakongo sont présents à tous les
échelons du pouvoir. C’est avec l’arrivée de Mobutu au pouvoir qu’ils commencent
à disparaitre de la sphère du pouvoir au profit des Nbgandi et plus tard des
cadres originaires de l’est du pays. Au Congo-Brazza et au Gabon, c’est pareil.
Les Bakongo sont emportés par des vents contraires à leur destin.
Présents dans trois
grandes provinces du nord de l’Angola (ancien Kongo-Portugais/ Cabinda, Uíge,
Zaïre) les Bakongo qui étaient, politiquement, organisés au sein du FNLA –
Front national de la libération de l’Angola de Holden Roberto- sont aujourd’hui
orphelins dans un pays dominé entièrement par les Kamundongo du Mpla. À
l’Assemblée nationale, il n’y a pas plus de cinq députés Bakongo. Combien font
partie de l’élite angolaise ? On peut les compter sur les doigts d’une
seule main. Pourtant, il n’est pas un secret que culturellement le Nkongo est
un être doté d’une intelligence au-dessus de la moyenne et ayant un sens
d’organisation très élevé. Sa mise à l’écart est un fait politique qui porte
préjudice à l’Angola. Quel gâchis pour le pays qui ne profite pas de toute la
matière grise de ses enfants. Ne dit-on pas que la vraie richesse d’un pays,
c’est la matière grise de sa population ?
Les Bakongo sont un
peuple très attaché à ses traditions et à sa culture. Ils constituent une
population très dynamique qui sait allier respect des traditions et goût de la
modernité. Leur conception et leur lecture de la politique du présent sont
systématiquement nourries de l’histoire du passé d’où leur attachement au
Royaume Kongo. Ce passé historique est assumé avec fierté par les Bakongo qui
considèrent d’ailleurs qu’il est à la source de la « haine » dont ils
sont victimes de la part de leurs concitoyens de Luanda et environs. Fiers de
leur « africanité » les Bakongo sont victimes des Luandais « acculturés »
qui sont sans passé historique et les accusent de tribalisme pour voir en eux
des rivaux dans la direction du pays comme tous ceux pouvant remettre en cause
leur hégémonie dans l’appareil économique, politique et administratif de
l’Angola. Les créoles, ces hommes et femmes très présents dans les rouages de
l’administration angolaise, s’évertuent à barrer aux Bakongo la route de la
promotion sociale. Ils les redoutent pour leur suprématie tant numérique que
qualitative en cadres. Aujourd’hui, l’opinion publique observe que les Mbundu
sont au pouvoir, les Ovimbundu veulent le conquérir et les Bakongo sont des
instruments entre les mains des uns et des autres. Depuis le retour d’exil de
beaucoup d’entre eux, ce n’est pas une élite ethnique qu’ils affrontent, mais
bien une élite urbaine diversifiée et engendrée par le vieux système colonial
portugais qui s’éternise. Toutefois, il faut reconnaitre qu’il n’a pas été
possible d’imposer une présence accrue des cadres Bakongo formés pendant l’exil
pour diverses raisons : la langue portugaise, langue officielle de
l’Angola, est un facteur important de blocage et, dans d’autres secteurs
sensibles, un préjugé sur les diplômes obtenus en RDCongo. C’est du reste ce
blocage qui alimente le sentiment unanime d’exclusion et de discrimination des
Bakongo. Beaucoup d’entre eux ont quitté l’Angola et vivent à l’étranger à
cause de cela. Les Bakongo sont très frustrés. La question de la mauvaise
redistribution sociale des richesses nationales pèse de tout son poids dans la
frustration des cadres du Nord, qu’ils soient Bakongo ou Lunda-tchokue.
Les Bakongo seront-ils
des éternels exclus ?
Sobamasoba, l'analyse politique qui informe. Eduardo M. SCOTTY.
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