mercredi 4 septembre 2019

Les Bakongo, très peu visibles dans les sphères du pouvoir. Où sont-ils passés?


Le débat sur l’absence des Bakongo à des postes politiques importants, et dans les entreprises de l’État, en Angola a refait surface à Luanda et dans d’autres villes du pays après la sortie d’une œuvre musicale interprétée par des artistes Bakongo et qui connait un franc succès sur le net. Très peu nombreux, très peu visibles, les Bakongo font face à des barrières persistantes pour accéder à des postes de responsabilité dans les sphères du pouvoir en Angola. Pourtant, leur efficacité dans divers domaines de la vie sociale et politique du pays ne fait pas l’ombre d’aucun doute. Il y a un an, dans une de mes publications, j’avais abordé ce sujet en expliquant les raisons pour lesquelles les Bakongo sont méprisés par leurs frères Kamundongo du Mpla. L’arrivée de Joâo Lourenço au pouvoir n’ayant apporté aucun changement à la situation, je me dis que l’absence des Bakongo au « sommet » de l’État est peut-être due à la perplexité de leur histoire qui se mêle à celle des autres peuples qu’on appelle Congolais, ce qui parfois prête à confusion. On retrouve donc des Bakongo, à cause de l’éclatement du Royaume Kongo, au Gabon, au Congo-Brazza, en RDCongo et en Angola. D’ailleurs, en 1960, les Bakongo jouent un rôle très important dans l’accession du Congo Belge à l’indépendance. Le premier chef de l’État de la RDCongo est un Nkongo. Jusqu’en 1965, les Bakongo sont présents à tous les échelons du pouvoir. C’est avec l’arrivée de Mobutu au pouvoir qu’ils commencent à disparaitre de la sphère du pouvoir au profit des Nbgandi et plus tard des cadres originaires de l’est du pays. Au Congo-Brazza et au Gabon, c’est pareil. Les Bakongo sont emportés par des vents contraires à leur destin.

Présents dans trois grandes provinces du nord de l’Angola (ancien Kongo-Portugais/ Cabinda, Uíge, Zaïre) les Bakongo qui étaient, politiquement, organisés au sein du FNLA – Front national de la libération de l’Angola de Holden Roberto- sont aujourd’hui orphelins dans un pays dominé entièrement par les Kamundongo du Mpla. À l’Assemblée nationale, il n’y a pas plus de cinq députés Bakongo. Combien font partie de l’élite angolaise ? On peut les compter sur les doigts d’une seule main. Pourtant, il n’est pas un secret que culturellement le Nkongo est un être doté d’une intelligence au-dessus de la moyenne et ayant un sens d’organisation très élevé. Sa mise à l’écart est un fait politique qui porte préjudice à l’Angola. Quel gâchis pour le pays qui ne profite pas de toute la matière grise de ses enfants. Ne dit-on pas que la vraie richesse d’un pays, c’est la matière grise de sa population ?

Les Bakongo sont un peuple très attaché à ses traditions et à sa culture. Ils constituent une population très dynamique qui sait allier respect des traditions et goût de la modernité. Leur conception et leur lecture de la politique du présent sont systématiquement nourries de l’histoire du passé d’où leur attachement au Royaume Kongo. Ce passé historique est assumé avec fierté par les Bakongo qui considèrent d’ailleurs qu’il est à la source de la « haine » dont ils sont victimes de la part de leurs concitoyens de Luanda et environs. Fiers de leur « africanité » les Bakongo sont victimes des Luandais « acculturés » qui sont sans passé historique et les accusent de tribalisme pour voir en eux des rivaux dans la direction du pays comme tous ceux pouvant remettre en cause leur hégémonie dans l’appareil économique, politique et administratif de l’Angola. Les créoles, ces hommes et femmes très présents dans les rouages de l’administration angolaise, s’évertuent à barrer aux Bakongo la route de la promotion sociale. Ils les redoutent pour leur suprématie tant numérique que qualitative en cadres. Aujourd’hui, l’opinion publique observe que les Mbundu sont au pouvoir, les Ovimbundu veulent le conquérir et les Bakongo sont des instruments entre les mains des uns et des autres. Depuis le retour d’exil de beaucoup d’entre eux, ce n’est pas une élite ethnique qu’ils affrontent, mais bien une élite urbaine diversifiée et engendrée par le vieux système colonial portugais qui s’éternise. Toutefois, il faut reconnaitre qu’il n’a pas été possible d’imposer une présence accrue des cadres Bakongo formés pendant l’exil pour diverses raisons : la langue portugaise, langue officielle de l’Angola, est un facteur important de blocage et, dans d’autres secteurs sensibles, un préjugé sur les diplômes obtenus en RDCongo. C’est du reste ce blocage qui alimente le sentiment unanime d’exclusion et de discrimination des Bakongo. Beaucoup d’entre eux ont quitté l’Angola et vivent à l’étranger à cause de cela. Les Bakongo sont très frustrés. La question de la mauvaise redistribution sociale des richesses nationales pèse de tout son poids dans la frustration des cadres du Nord, qu’ils soient Bakongo ou Lunda-tchokue.

Les Bakongo seront-ils des éternels exclus ?                 
Sobamasoba, l'analyse politique qui informe.
Eduardo M. SCOTTY.

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