samedi 6 mars 2021

Révision constitutionnelle, pour faire quoi et pourquoi maintenant ?

Ces derniers jours, abstraction faite du massacre de Canfufo, le débat en Angola tourne autour de la révision de la constitution annoncée par le président Joâo Lourenço au cours de la 2°session ordinaire du Conseil des ministres, le 2 mars 2021. Pour le citoyen lambda, la proposition du Général président est un fait divers qui n'a aucun impact sur sa vie quotidienne. Et pourtant, une révision constitutionnelle est un acte fondamentalement politique qui, en ces moments de forte turbulence (multiples manifestations des jeunes à travers le pays, massacre de Canfufo, refus du pouvoir de reconnaitre le parti politique "PRA-JA servir Angola" de Chivukuvuku, investigation aux Usa des comptes de toute la famille du Général Lourenço et amis selon PANGEA RISK, proposition de l'opposition de se choisir un seul candidat pour les prochaines élections), apporterait plus d'oxygène à ceux qui gèrent ou seront emmenés à diriger le pays dans un futur proche. Par conséquent, il est impératif que le débat ne se limite pas seulement aux avocats, il doit être étendu à tous les citoyens intéressés par la bonne gouvernance en Angola. Les juristes ne seront que les tailleurs qui produiront le nouvel habit constitutionnel, et non les monopolisateurs de la discussion constitutionnelle, qui se veut ouverte et inclusive.

C'est dans ce sens politique que l'initiative du Président de la République d'ouvrir un processus de révision constitutionnelle doit être interprétée, au sens des articles 233 et suivants de la Constitution de la République d'Angola (CRA). João Lourenço, après des semaines de pression, a repris l'initiative politique, fixé l'ordre du jour et tente de décompresser la situation.

En fait, il était temps que la Constitution soit révisée. La plus ancienne Constitution de la modernité, celle des États-Unis d'Amérique, a été approuvée en 1787 et a eu sa première révision (amendement) en 1791. La Constitution portugaise est entrée en vigueur en 1976 et a fait l'objet d'une révision approfondie en 1982. La Constitution française de 1958 a vu sa première révision en 1962. Par conséquent, la Constitution angolaise, en termes comparatifs, a besoin de révision depuis un certain temps. L'opposition, l'Unita en tête, n'a cessé de réclamer cette révision depuis plusieurs années sans succès. 

Aujourd'hui que le Mpla prend l'initiative de d'ouvrir un débat autour de cette question, il y a quand même lieu de se poser un certain nombre de questions. Que se cache-t-il derrière cette soudaine volonté politique de vouloir changer quand ce même pouvoir a été imperméable aux réclamations de l'opposition durant plusieurs années? Puisque le diable se cache souvent dans les détails, examinons avec attention les propositions mises sur la table par le Mpla et son président : 

- Définir clairement la relation entre le Président de la République et l'assemblée nationale en ce qui concerne le contrôle politique de l'action du gouvernement, - Vote des Angolais vivant à l'étranger, - Indépendance de la Banque nationale de l'Angola, - Fin du "gradualisme" dans les élections locales, - Fixation dans le marbre de la date des élections générales dans le pays, - Empêcher le président en fin de mandat de prendre des décisions de fond qui engage le pays. 

Les partis de l'opposition, l'Unita en tête, ont d'autres propositions de loin différentes de celles du Mpla. Ce sont, de l'avis de l'opinion publique, des suggestions plus proches des aspirations du peuple. Il y a entre autres, - L'élection à deux tours au suffrage universel direct du Président de la République, -  La révision des pouvoirs excessifs du Président de la République, -La modification des symboles de l'État (drapeau, hymne national, armoiries), - La souveraineté de l'Assemblée nationale, Le non-cumul des mandats (gouverneurs/ secrétaires nationaux des partis politiques), Introduction de la composition de la CNE (commission nationale électorale).

Une révision constitutionnelle en dehors des propositions de l'opposition, propositions qui correspondent aux aspirations du peuple serait un coup d'État constitutionnel. Est-ce une manière de remettre le compteur à zéro et ouvrir la porte à un troisième mandat ? Guinée Conakry, Côte d'Ivoire, Ruanda, cela ne vous dit rien?  

Et vous qu'en dites-vous?  

Sobamasoba, la synthèse qui informe. 

Eduardo M. Scotty.      














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