En ce début du mois de juin,
l’actualité est dominée par la nomination de Isabel dos Santos, fille du
président Dos Santos, à la tête du conseil d’administration de Sonangol, une
entreprise d’État dont l’envergure n’a pas d’égal dans le pays. 80% du budget
national proviennent des recettes pétrolières. Sonangol est une vraie vache à
lait pour l’État angolais et le parti au pouvoir. Confier sa direction à
quelqu’un de confiance ne pouvait vraiment pas surprendre. C’est la personne
choisie pour occuper le poste qui pose problème. Si la nomination de Filomeno
Zenu à la tête du Fonds souverain n’a pas suscité beaucoup de réactions, celle
de sa sœur ainée semble très amère à avaler. « Le Mpla a perdu toute capacité d’arrêter les
excès de José Eduardo dos Santos »
pouvait-on lire dans un communiqué de CASA-CE, le parti de Abel Chivukuvuku.
Des mots très forts pour stigmatiser le népotisme devenu monnaie courante dans
la gestion de la chose publique en Angola. Casa-ce n’est pas le seul parti
d’opposition à désapprouver la nomination de Isabel dos Santos, d’autres voix,
notamment celles de l’Unita et du Prs, se sont aussi levées pour condamner
l’acte posé par le président angolais. Des avocats et juristes réunis autour de
David Mendes ont décidé de saisir le Tribunal suprême pour annuler ladite
nomination. Même si la démarche n’aboutit pas, au moins ils auront essayé.
Maintenant, revenons à notre
sujet du jour : l’intolérance
politique. J’ai choisi ce thème à
cause de ce qui s’est passé à Kapupa, il y a quelques jours. Une caravane de
l’Unita a été attaquée par des individus non identifiés. Bilan : 3 morts,
4 disparus et plusieurs blessés. Devant cet acte de barbarie, les dirigeants de
l’Unita ont crié à l’intolérance politique et demandé qu’une commission
d’enquête parlementaire soit dépêchée sur le lieu afin de s’en quérir des faits
et d’établir un rapport à l’intention de l’Assemblée nationale. Devant une
situation de cette nature, et ce n’est pas la première fois que cela arrive, la
sagesse nous conseille d’éviter la précipitation et l’émotion. Alors dans le
calme, je vous suggère de remonter le temps comme j’aime bien le faire pour trouver
une explication plausible à ce tohu-bohu.
Commençons par intégrer la notion
de l’intolérance. Qu'est-ce qu'une
intolérance ? « C’est une disposition haineuse envers ceux qui ont
d’autres opinions que soi. Une incapacité viscérale à accepter l’autre ». Dans
le cas qui nous concerne, à quel moment les faits qualifiés d’
« intolérances politiques » sont-ils apparus dans l’existence des
Angolais? Sauf erreur de ma part, c’est après
les accords de Luena, ceux qui ont mis fin au conflit armé entre le Mpla et
l’Unita. Le rapport qui s’est établi entre les deux belligérants étant celui
d’un vainqueur et d’un vaincu, il
s’avère que l’arrogance de l’un ne laisse, jusqu'aujourd'hui, aucun espace à l’humilité
de l’autre. Dans ce rapport inégal, les vaincus, diminués psychologiquement, se
sont attelés petit à petit à élaborer une parade. Chaque fois qu’un quelconque
membre de l’Unita est agressé, les « maninhos » s’en pressent de
mettre l’agression sur le compte de l’intolérance politique sans vraiment
apporter les preuves de ce qu’ils avancent. Cette méthode de victimisation, en
d’autres cieux et en d’autres lieux, a donné des résultats escomptés. D’ailleurs
le Mpla procède aussi de la même manière
quand ils sont acculés. Eux ils brandissent la « menace de la paix ».
Mais ce qui surprend dans le cas de l’Unita, les supposés actes d’intolérance politique
dont ses membres sont victimes ont souvent lieu dans le Centre-Sud de l’Angola.
Jamais ailleurs. Qui pratique cette intolérance dans une zone censée
favorable à l’Unita? Et pourquoi ? Au début de ces agressions, l’Assemblée
nationale avait constitué une commission parlementaire pour évaluer la
situation. À la fin de ses travaux, la conclusion fut sans appel : aucune
intolérance politique n’avait été constatée. Selon les dépositions recueillies
auprès des citoyens de la région, « représailles et vengeance » ont
été retenues comme motifs d’agression. Représailles et vengeance des
populations sous contrôle de l’Unita durant les 27 années de conflit armé. Ces
allégations qui sont difficiles à prouver
laissent entendre que les soldats de l’Unita n’ont pas été des saints
pendant toute la durée du conflit. Ils ont commis des excès sur les populations
sous leur contrôle. Une assertion que seuls les dirigeants de l’Unita peuvent
expliquer, car ces hommes et ces femmes qui ont été tués ou qui sont portés
disparus viennent de familles qui n’ont jamais digéré leur disparition. Rassurez-vous,
ceci ne concerne pas seulement l’Unita. Le Mpla et le Fnla ne sont pas exemptés
de la colère latente des habitants des localités qu’ils appelaient leurs
« régions militaires ». Eux aussi ont commis des excès, des dégâts
collatéraux, même si on n'en parle pas.
L’histoire de l’Angola
indépendant ne commence pas avec la fin du conflit armé entre le Mpla et
l’Unita. Avant ce conflit, pendant les années qu’a duré la guerre
d’indépendance, les trois mouvements de libération de l’Angola (Mpla, Fnla,
Unita) ne se comportaient pas comme des associations philanthropiques. Et leurs
leaders encore moins. Chacun d’eux avait les mains tachées de sang. Dans les
prisons de Kinkuzu beaucoup de jeunes gens ont disparu sans laisser des traces.
Le frère de Deolinda Rodrigues nourrit une haine viscérale à l’endroit du Fnla,
vous savez pourquoi ? Le 27 mai
1977, le leader du Mpla n’a pas hésité à faire fusiller Nito Alves et ses
compagnons. Luanda a connu le plus effroyable bain de sang de son histoire. Le
dernier des trois qui était beaucoup plus jeune a tué presque toutes ses épouses. Tous ces
morts et disparus sont des Angolais et ont de la famille dans le pays. Et personne
n’est capable de déterminer avec
exactitude le degré du sentiment de vengeance et de haine qui se développe à l’intérieur des membres de ces
familles. Chaque fois qu’ils voient des dirigeants de ces mouvements ou partis
se pavaner dans le pays sans être inquiétés, ils cachent mal leur état
d’emportement. Et quand les conditions sont réunies pour commettre
l’irréparable, ils n’hésitent pas. Dans
cette situation, l’Unita est plus exposée. Quant au Mpla, il est pour le moment
protégé par le pouvoir. Le jour où il y aura une alternance dans le pays, ils
verront le vent changer de direction et ce sera l’heure de payer. Pensons à ça,
avant de qualifier d’intolérance politique tout acte d’agression contre les
militants d’un parti. Ce que certains considèrent comme de l’intolérance
politique, c’est tout simplement de la vengeance. C’est vrai que certains militants fanatiques
trop zélés peuvent commettre des actes répréhensibles, mais ce sont des cas
isolés. Avec tout ce dont ils disposent, le Mpla peut-il s’abaisser à des actes
d’une telle bassesse ? Je vous laisse le soin de répondre à la question.
Inspiration : Makuta Nkondo.
Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.
Eduardo Scotty Makiese.
David
RépondreSupprimerCe n'est pas la première fois que je lis ce blog, mais à la lecture de cette analyse sur l'intolérance politique je me suis fait une opinion au sujet de l'auteur de ce blog. Je croyais que l'auteur était un activiste engagé contre le MPLA, mais je crois je me suis trompé. J'ai vu son impartialité à travers de cette analyse. Continuez comme ça et ce blog ira très loin.