vendredi 4 décembre 2015

Le penseur.


 Le Penseur.

Il y a plusieurs années que l’idée de créer un blog me trotte dans la tête. J’ai toujours voulu exprimer mes opinions sur ce qui se passe dans mon pays. Malheureusement, au cours de ces années, je n’ai pas eu assez de temps pour me consacrer à cette tâche. Aujourd’hui que je me suis libéré de certaines obligations, j’ai décidé de donner un peu de mon temps libre à cet exercice que je considère comme un devoir de tout citoyen. Par cet exercice, je veux remplir un espace vide en créant ce blog à travers lequel je me propose d’apporter de quoi éclairer les zones d’ombre qui peuvent subsister dans l’esprit de mes amis et compatriotes. Tous ceux qui s’intéresseront à mes écrits pourront, dès lors, trouver, peut-être,  une réponse à leurs interrogations. Ce blog, que je compte actualiser toutes les semaines, sera entièrement consacré à l’analyse de la situation politique et sociale en Angola. Je dis bien « analyse ».Je tiens dès aujourd’hui à faire la part des choses.

J’aimerai au début de la vie de ce blog aborder avec vous la problématique de la peur qu’éprouvent les Angolais vis-à-vis du pouvoir en place en Angola. Une peur que les « revus » essayent de vaincre depuis le 7/03/2011. Un combat qui a causé leur incarcération depuis le mois de juin 2015. (Je ferme la parenthèse).   

Lors de mes nombreux voyages à Luanda,  j’ai toujours été étonné par la capacité des autorités angolaises à susciter la frousse au sein de la population. La peur de parler, de manifester, de raisonner et même de réfléchir.  Cela paraît incroyable, mais c’est vrai. Chaque fois que j’essayais d’engager une conversation avec un copain au sujet par, exemple, de la manière dont le pays était géré, mes interlocuteurs faisaient tout pour changer de sujet. Quand j’insistais, ils me faisaient clairement comprendre que ce sujet n’était pas d’actualité dans le pays. Et pourtant, nous savions tous, eux et moi, que ceux qui administraient la « république », qui est une chose publique, avaient reçu un mandat du peuple à qui ils doivent rendre compte de leur gestion. Donc parler de leur gestion ne pouvait pas constituer un délit puisque c’est nous qui les avons choisis pour qu’ils gèrent notre bien commun. Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre,  mes amis avaient un comportement identique même quand nous étions enfermés à l’intérieur d’une maison. On dirait que les autorités avaient placé des microphones dans toutes les habitations. Cette situation me rendait triste. Triste de voir des hommes et des femmes qui avaient peur de leur propre ombre. Il n’y avait aucun policier, ni un agent de la sécurité de l’État, dans les environs immédiats de l’endroit où nous nous trouvions. Alors, mon Dieu, de quoi avaient-ils tous peur ? C’est ma nièce qui un jour me dit : nous sommes terrorisés par le traitement que les brigades spéciales de la police infligent à ceux qu’ils détiennent dans leurs geôles. Très peu sont ceux reviennent vivant après un passage dans leurs installations. Voilà pourquoi personne ne veut te parler de la politique. Nous sommes tous traumatisés. Nous assistons impuissants à tout ce qui se passe. La résignation.   

En dehors de cette peur qui paralyse la population, les autorités angolaises, dans les communes et municipalités, pour montrer leur dévouement au pouvoir central, ont eu la brillante idée de placer quelques «  pièges » apparemment innocents à plusieurs points de la ville de Luanda. Pour ceux qui connaissent la capitale angolaise, Luanda ne compte que trois librairies dans lesquelles sont vendues les œuvres littéraires écrites, dans leur très grande majorité, par des écrivains membres du parti au pouvoir. Les livres publiés par des écrivains ne bénéficiant pas des faveurs du parti au pouvoir sont vendus, étalés par terre aux coins des rues, par de petits vendeurs. Dans l’offre qu’ils proposent à leurs éventuels clients, on les oblige à glisser, souvent contre leur volonté, des livres qui peuvent vous emmener directement en prison. Vous achetez un livre qui parle, par exemple, de Jonas Savimbi, un agent en civil posté à côté vous prend en filature jusqu’à votre domicile et la nuit, loin des regards indiscrets, vous disparaissez parce que vous êtes en possession d’un livre subversif, exactement comme celui de Gêne Sharp. On confisque le livre qui retrouve sa place chez le marchand le lendemain et vous, vous allez directement en prison pour subversion ou tentative de rébellion. Voilà pourquoi l’arrestation, en juin 2015, des jeunes révolutionnaires « revus » sous prétexte de fomenter un coup d’État ne m’a pas surpris. C’était prévisible. Car, pour masquer certaines bévues, comme le massacre du mont Sumi ou l’assassinat de Cassule et Kamulingue, il était impératif de frapper un grand coup pour détourner l’attention de l’opinion publique nationale et internationale. Et en faisant trainer la procédure judiciaire, il y a beaucoup de chances que les morts de Sumi soient définitivement oubliés. Erreur.

Je reviendrai sur tous ces dossiers dans mes prochaines publications. Cette première page est un avant-goût de ce que nous vivrons ensemble sur ce blog. SOBA-MA-SOBA est la dénomination de ce blog. Pour ceux qui ne parlent pas kikongo, SOBA-MA-SOBA signifie : ça changera. Même si ça prend du temps, je suis sûr que ça changera. C’est une conviction.

 

Le Blogueur,

Eduardo Scotty MAKIESE.      

2 commentaires:

  1. V.K.
    La peur est naturelle pour les êtres humains. Mais, quand elle paralyse quelqu'un au point de le rendre aphone, là il y a un problème. Les Angolais ne doivent pas avoir peur au point de plus réagir aux nombreuses injustices dont ils sont victimes. DEBOUT ANGOLAIS.

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    1. Si les gens en Angola vivent dans la crainte, n’osent pas ou n’osent plus s’exprimer sur la politique et la manière dont est dirigé le pays, c’est bien parce que le régime en place a crée un état de terreur pour dissuader toute expression(de la pensée).
      Nous qui vivons en Europe dans l’opulence de la liberté durement conquise par les occidentaux, ne jetons pas la pierre de l'opprobre sur nos frères atterrés qui acceptent bassement la situation mais demandons-nous plutôt ce que nous de la diaspora devrions,pourrions faire pour le changement. Et félicitation pour ce blog, car nous informer de la réalité des choses du pays est déjà un bon début pour le changement…..BM

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