dimanche 26 mai 2019

TCHIZE, une pierre dans la chaussure de Joâo Lourenço?


Aussi loin que je me rappelle, jamais dans l’histoire du Mpla, la fronde n’a été aussi violente à l’intérieur de ce parti. C’est vrai qu’en 1973, au congrès de Lusaka, Agostinho Neto a eu à faire face à une fronde menée par Daniel Chipenda et plus tard en 1977 Nito Alves et quelques camarades ont manifesté leur désaccord avec la direction du parti pour des raisons d’orientation politique. Mais depuis, tout le monde s’est aligné et plus personne n’a osé élever la voix pour critiquer le parti et sa  direction. La discipline au sein du Mpla étant de rigueur, même en interne les voix discordantes sont réprimées avec sévérité. Sous le règne de José Eduardo dos Santos, durant plus de 40 ans, le parti n’a connu aucune défection. C’est la preuve qu’il faut une main fer pour conduire ce parti qui, malgré sa conversion en un parti social-démocrate, est resté très marxiste dans ses fondamentaux.

Alors, pourquoi cette agitation au sein du Mpla ? Certains diront qu’il n’y a aucun remous au sein du parti et que ce qui s’y passe n’est qu’une tempête dans un verre d’eau. Pourtant lorsqu’on observe ce qui se passe sur les réseaux sociaux, il y a de quoi se poser des questions. Les sorties médiatiques de Welwitschia dos Santos, plus connue sous le sobriquet de Tshizé, fille de José Eduardo dos Santos, ont une résonnance très particulière même pour le citoyen lambda. Depuis quelques mois, Tshizé se distingue par des attaques frontales contre le nouveau pouvoir installé à Luanda. L’humiliation subie par son père au dernier congrès du Mpla, l’arrestation de son frère Zenu, le départ en exil forcé de sa sœur Isabel, l’extinction de Semba communication, l’interpellation de son ami Manuel Antonio Rabelais ont fait germer en elle un sentiment de révolte qu’elle cache mal en public. La virulence avec laquelle elle fustige les dirigeants de son parti laisse penser que son allégeance envers le Mpla a pris un sérieux coup. Dans sa sédition contre le parti qui l’a vu naitre et grandir, sa cible est le président Joâo Lourenço qu’elle considère, à tort ou à raison, comme un ingrat. Pour elle, l’actuel président du Mpla et Chef de l’État est un dictateur (?), un incompétent qui s’est trouvé au bon endroit, au bon moment. Elle critique ses méthodes sélectives dans la lutte contre la corruption et le juge, au moins jusqu’à ce jour, incapable de trouver des solutions à la crise économique que traverse le pays. Tshizé affirme être en danger dans son pays. Ce qui l’aurait emmené à quitter l’Angola pour se réfugier en Angleterre. Son intention de présenter sa candidature à la tête du Mpla au prochain congrès est, parait-il, mal perçue par certains camarades du parti. Son choix de déballer le linge sale en public est très mal digéré par les cadres du parti qui considèrent cette option comme un manque de respect aux statuts du parti.

Dans l’opinion, les avis sont nettement partagés. Il y a ceux qui pensent que Tshizé, au regard de la gestion désastreuse de son père et de ses amis,  n’a pas des leçons à donner aux Angolais. Car, si le pays est arrivé là où il est, c’est la faute de son père qui n’a pas su gérer la chose publique. À cela, si on ajoute le niveau de corruption atteint par la classe dirigeante depuis 1979 que José Eduardo dos Santos est arrivé au pouvoir, on peut se demander si la petite dame est consciente du laxisme de son père en matière de gestion.

Par contre, il y a d’autres qui pensent que Tshizé n’a pas complètement tort. Tout le monde sait, par exemple, que Manuel Vicente, ex-vice-président de Dos Santos a eu maille à partir avec la justice portugaise. Une affaire de corruption dans laquelle il était trempé jusqu’au cou. Pour des raisons inexpliquées jusqu’à ce jour, alors que le crime était commis au Portugal, JLo a exigé le transfert du dossier en Angola en menaçant en termes à peine voilés, de rompre les relations avec le Portugal si la justice portugaise ne se dessaisissait pas de l’affaire. Et depuis le transfert du dossier, c’est le silence. C’est pareil sur toute  l’étendue de la République. Tous ceux du Mpla qui sont interpellés à Luanda et à l’intérieur du pays, pour malversation financière ou corruption, ne sont nullement inquiétés. Les exemples sont légion. La loi sur le rapatriement de l’argent volé et placé dans des banques étrangères n’a jusqu’à ce jour produit aucun effet. Le traitement privilégié accordé à Jean Claude de Morais, complice de Zenu dans l’affaire de 500 millions de dollars, suscite beaucoup d’interrogations dans l’opinion publique. Un voleur reste un voleur même s’il rembourse le bien volé. Le fait de rembourser le bien détourné ne fait pas de lui un honnête citoyen. Que Tshizé exprime des craintes pour sa sécurité, cela est compréhensible dans la mesure où l'on fait payer aux enfants les péchés de leurs parents. Ceux qui poursuivent les « marimbondos » aujourd’hui ne sont-ils pas eux-mêmes trempés dans quelques affaires louches ?

Loin de moi l’idée de défendre Tshizé. Je crois que dans la démocratie, telle que nous la souhaitons, nous devons souffrir que dans un même espace des opinions contraires puissent s’exprimer sans être censurées. Tshizé a peut-être manqué de tact, mais sur le fond ce qu’elle dit est-il vraiment insensé ?  Je vous laisse juger.

Sobamasoba, l’analyse politique qui informe.

Eduardo M.Scotty                           


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